FFCP 2025 – Summer’s Camera de Divine Sung

Posté le 19 novembre 2025 par

Un des films attendus de ce 20e Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), Summer’s Camera, déjà remarqué dans de nombreux festivals, est le premier long-métrage de la cinéaste indépendante Divine Sung qui a non seulement écrit et réalisé le film mais l’a aussi produit. Une jeune fille passionnée de photographie, dont le prénom signifie été, avait renoncé à ce loisir partagé avec son père quand celui-ci est mort, justement pendant l’été. Le sourire de la vedette de l’équipe de football de son établissement va la pousser à reprendre la photo et à avancer dans sa vie.
Comme son nom l’indique, Summer’s Camera est un film qui se veut solaire. Le monde représenté est étonnamment simple, les enjeux toujours très clairs. Si 3670 présente la difficulté à vivre son homosexualité dans un milieu très précis, avec une dimension presque documentaire, le film de Divine Sung présente en quelque sorte une série de polaroids, instantanés d’une relation de jeunesse. La photographie, bien que numérique, essaie de reproduire l’illusion de la pellicule, les relations semblent « évidentes » et le coming out un non événement, accepté comme coulant de source. Le film joue sur des métaphores claires : la photographie sur pellicule comme lien vers le passé, le sac trop chargé de souvenirs qui se vide quand on accepte de vivre au présent, le père dont le souvenir n’est qu’une nuque parce qu’il est toujours vu en train de prendre des photos…

Il n’y a pas vraiment de méchants dans le film, même des personnages qui semblent d’abord des antagonistes sont en réalité bienveillants ; les crises sont avant tout des malentendus. Les héroïnes sont charmantes, filmées avec tendresse, dans leur parenthèse de bonheur adolescent, les personnages qui les entourent sont compréhensifs et profondément bienveillants. Le film joue par moment sur des angoisses existentielles, avec la révélation de l’amour de jeunesse du père, apparemment seule personne apparue sur ses photos, mais le film les balaye vite, tout comme la possibilité du suicide paternel lié à un secret ; le passé est nostalgique mais le film reste résolument positif.

Le film garde volontairement une dimension intimiste. Le budget était serré et le tournage a été rapide ; la réalisatrice avait des ambitions visuelles mais a dû jouer de l’étalonnage numérique pour essayer d’évoquer l’argentique vers lequel le film tend… Le métrage est logiquement resserré sur l’héroïne et son point de vue, avec un jeu de décontextualisation pour essayer de rendre le récit plus universel. Les jeunes actrices s’en tirent très bien, ainsi que les quelques adultes qui les entourent, même si les personnages semblent un peu schématiques pour ne garder que ce qui s’insère dans le récit.

Étrangement, le moteur du dernier acte du film ressemble beaucoup à 3670, avec le rapport au premier amour comme objet transitionnel doux amer, mais la concision du film rend un moment l’amoureuse étrangement brutale, les éléments d’explications étant un peu légers pour la cruauté de la blessure infligée. A ce moment précis, le fait de n’avoir pas du tout accès aux autres points de vue nuit un peu à la cohérence apparente du personnage, puisqu’il nous manque le moment où elle a changé d’avis. De même, l’absence du père rend un peu étrange les questions sur sa sexualité, avec la possible implication que l’attirance homosexuelle soit héréditaire, on voit que cet élément du scénario sert à créer un nouveau lien avec le parent disparu, mais, le père étant plus une silhouette qu’un personnage, les implications restent en suspens (même si cela permet de mettre en avant le sympathique personnage du premier amour). Le film durant moins d’une heure et demie et se concentrant vraiment sur le regard de Summer/Yoleum, certains raccourcis sont naturellement pris, et les scènes de fin servent à dépasser tous les éléments potentiellement problématiques avec un triomphe général de la tendresse des regards, dans la photo comme dans la vie.

Pour un film coréen traitant d’homosexualité, le film est étonnement lumineux et optimiste. Divine Sung propose ici un film léger, le portrait intime du coming of age/coming out d’une jeune fille, sur une courte période de joie et de peine, et un réenchantement du monde par le truchement de la caméra.

Florent Dichy.

Summer’s Camera de Divine Sung. Corée du Sud. 2025. Projeté au FFCP 2025