Toutes les bonnes choses ont une fin et nous achevons la découverte du coffret The Street Fighter du Chat qui fume avec son troisième opus. Initialement sorti en 1974, The Street Fighter’s Last Revenge vient clôturer la trilogie d’Ozawa Shigehiro mettant en scène Sonny Chiba.
Nous retrouvons donc Tsurugi Takuma, notre mercenaire taciturne arracheur d’organes à mains nues, pour une dernière aventure le plongeant au milieu d’une affaire de corruption gouvernementale. Un politicien, M. Iizuka, a été enregistré lors d’une conversation révélant qu’il a versé de l’argent à divers ministères pour qu’ils ferment les yeux sur les affaires louches d’une entreprise de produits chimiques. Dès lors, tout le monde veut s’emparer de la cassette et faire chanter Iizuka, qu’il s’agisse d’une organisation criminelle ou d’un procureur karatéka, et bien entendu, Takuma payé par la mafia pour la garder en sécurité.
Après un premier film prometteur et un deuxième un peu décevant par son manque d’idées, on bascule à présent dans un joyeux capharnaüm de propositions en tous genres et de références diverses et variées. Takuma, qui jusque-là ne se servait que de ses poings comme arguments dispose à présent d’une chambre secrète regorgeant de gadgets et de masques modifiant ses traits de visage à en faire pâlir un Ethan Hunt de Mission Impossible. Une séquence de soirée mondaine mélange des influences à la Goldfinger et Dracula ; nous avons définitivement basculé dans le postmodernisme. L’ambiance générale est bien plus légère qu’auparavant dans ce Street Fighter’s Last Revenge, tant au travers de cette revisite d’œuvres de pop-culture, que dans la représentation de la violence beaucoup plus sage. Si l’on exempte quelques passages offrant à Takuma la possibilité de s’adonner à son passe-temps préféré d’extracteur de parties vitales, le film vise davantage un public mature dans la représentation érotique que dans l’hémoglobine.
Ce changement de ton sied plutôt bien à la franchise. The Street Fighter a toujours eu un certain aspect camp, qu’il soit volontaire ou non, et dans ce troisième opus, il est très agréable de le voir repousser ses limites dans le domaine. Là où Return of the Street Fighter tentait maladroitement d’apporter un souffle comique via le personnage incarné par Ichiji Yoko, l’humour est plus efficacement distillé dans cet opus tout au long du film. Bien sûr, il est encore parfois difficile d’évaluer si la volonté initiale était de faire rire mais ça semble plus souvent être le cas que dans les films antérieurs. Lorsqu’une ponte de la mafia présente un tueur à gages à ses collègues en leur montrant une émission de télévision racoleuse dans laquelle celui-ci habillé en mariachi brise des chaînes à l’aide de sa volonté, on doute que la séquence soit à prendre au premier degré.
Malgré ce léger changement de cap, The Street Fighter’s Last Revenge ne déroge pas pour autant à ce qui fait le charme de la saga, et une nouvelle fois, nous assistons à des scènes d’action innovantes et efficaces, menées par un Sonny Chiba toujours aussi charismatique et inspiré. On retrouve même des expérimentations plastiques comme dans le premier volet, avec une scène de combat final au montage surprenant et sympathique. Nous assistons également, pour notre plus grand plaisir, au retour de Shihomi Etsuko dans l’un des rôles principaux et l’actrice prouve de nouveau son magnétisme et sa maîtrise des arts martiaux. Si l’on devait noter un bémol concernant l’évolution des films : le personnage de Takuma s’est peut-être un peu trop adouci au fil du temps. Nous n’avons plus vraiment l’impression d’assister aux aventures d’un anti-héros, et il est assez dommage de perdre une partie de l’originalité de ce protagoniste.
En bref, The Street Fighter’s Last Revenge remonte la pente et permet de clôturer la saga sur une note positive après un prédécesseur qui laissait supposer que le tour de la question avait été fait. Ce volet confirme également l’intérêt de regarder la série entière, pour les amateurs de films d’action avec une touche de second degré. Si The Street Fighter reste ardu à égaler, The Street Fighter’s Last Revenge se défend de toutes ses forces, à l’image de son protagoniste.
Bonus :
La revanche du Street Fighter par Fabien Mauro : Mauro conclut son intervention autour de la saga complète des aventures de Takuma. Il note l’émergence d’un propos politique plus assumé dans cet opus et le lie à un contexte cinématographique portant davantage sur des enjeux écologiques dans la période des années 70. Il semble moins convaincu toutefois par ce volet qu’il qualifie de « décadence naturelle du genre » même s’il lui prête tout de même des qualités. Mauro conclue également son récit de la carrière de Chiba, en racontant l’évolution qu’elle a connu après la fin de la saga. Ses trois bonus distillés tout au long des disques sont très efficaces et intéressants pour qui chercherait à en savoir davantage sur The Street Fighter et son acteur principal.
Elie Gardel.
The Street Fighter’s Last Revenge de Ozawa Shigehiro. Japon. 1974. Disponible en coffret Blu-ray chez Le Chat qui fume en mars 2023.