Le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) 2022 a sélectionné, hors compétition, le film d’action coréen de Kim Hong-sun, Project Wolf Hunting. Et on ne peut que vous le recommander !
Project Wolf Hunting débute en nous présentant une mission de rapatriement en mer de prisonniers coréens depuis les Philippines jusqu’à Busan. Les détenus en question étant tous jugés sévèrement dangereux, le voyage en cargo est surveillé par de nombreux policiers et l’aventure est suivie par les plus hautes instances. Malheureusement, la situation dégénère (dans de grandes effusions d’hémoglobine) lorsque les détenus parviennent à se mutiner.
Le synopsis de Project Wolf Hunting ne dévoile qu’une brève partie de son intrigue et peut-être en vaut-il mieux ainsi. L’introduction, assez longue, prend le temps de révéler peu à peu des éléments assez détonants, sans y accorder trop de développement, ce qui intrigue, tout en prêtant à présager du pire pour les voyageurs. Lorsque le film joue enfin cartes sur table et que la violence promise se dévoile, tout devient également si absurde et surprenant dans l’évolution du scénario que l’intensité de Project Wolf Hunting s’en trouve décuplée. Le film joue aussi souvent avec les attentes du spectateur, ce qui le rend plus difficile à détailler sans nuire à l’expérience.
Et expérience, il y a ! Nous assistons à une débauche de meurtres tous plus sanguinolents les uns que les autres, dans un quasi-huis-clos, sans que pour autant, le film ne devienne répétitif. Tout d’abord, Project Wolf Hunting oscille assez intelligemment entre les différentes émotions qui peuvent être suscitées face à des scènes aussi extrêmes. Nous pouvons passer du choc au rire en un laps de temps très bref, ce qui maintient les sens (et le spectateur) en éveil. Ensuite, les différentes intrigues révèlent des ambitions très différentes chez ses protagonistes, ce qui oppose de très nombreux personnages entre eux. Dès lors, le film peut se renouveler et proposer au spectateur des variations dans ses scènes de conflit. On pourrait presque rapprocher le film du genre du battle royale, avec cet aspect du « chacun pour soi » dans un milieu fermé, même si les personnages n’ont pas été contraints de se battre. Cela donne aussi un petit côté cynique à Project Wolf Hunting mais puisque les personnages se trouvaient déjà dans une situation ancrée dans la violence avant la traversée, son utilisation paraît de fait plus logiquement inévitable. Le film n’oublie également jamais de cibler les vrais responsables des situations diverses, ce qui le rend encore plus curieusement pertinent. Nous nous doutons bien que l’intrigue était conçue de façon secondaire, contrairement au travail réalisé sur les réactions épidermiques que le film peut susciter, mais elle n’alourdit pas le film lorsqu’elle est développée.
On retrouve ainsi les meilleurs aspects des films ultraviolents récents sans avoir l’impression de perdre en qualité au fur et à mesure pour finir par assister à une œuvre vaine et nihiliste, comme peut l’être The Sadness. Project Wolf Hunting ne propose guère mieux, en termes d’épaisseur et de profondeur de scénario, mais plutôt que de viser plus haut que ce qu’il est capable d’atteindre, il s’affaire à rendre l’expérience la plus divertissante et surprenante possible, à partir de ce que lui permet son point de départ. Le film renvoie alors une impression plus sincère et généreuse qui contribue à rendre le visionnage d’autant plus agréable. On trouve même une force dans l’économie de moyens scénaristiques. Il est, par exemple, très sympathique de constater que le film ne montre que de la violence physique et jamais sexuelle envers les femmes, alors même qu’il vise la surenchère dans le domaine du dérangeant. On assiste aussi à un personnage « d’antagoniste » dont la construction est si dépouillée qu’il en devient presque plus divertissant à observer que s’il avait été plus approfondi. Dans sa construction qui rappelle celle de héros type Ricky-Oh, nous retrouvons, encore une fois, cette notion de grand spectacle qui prône avant l’intrigue, si assumée qu’elle en devient très communicative. De même, Project Wolf Hunting parvient à iconiser suffisamment certains des personnages principaux pour que l’attachement se crée et que l’on visualise de véritables enjeux lors de certains affrontements. Ils sont certes archétypaux pour la grande majorité, mais ils fonctionnent bien et sont convaincants dans l’ensemble.
Bien évidemment, le film n’est pas à mettre entre toutes les mains et il cible certainement un public assez précis. Les amateurs de profondeur philosophique et de subtilité ne trouveront probablement pas leur compte dans Project Wolf Hunting. Pour les autres fans de sensations fortes et de violence décuplée, toutefois, il est suffisamment distrayant, intriguant et créatif pour mériter le coup d’œil. Le film ne restera probablement pas dans les annales des chefs-d’œuvre du 7e art mais il offre un visionnage décapant à la hauteur des attentes, et bien plus encore, et n’est-ce pas le principal ?
Elie Gardel.
Project Wolf Hunting de Kim Hong-sun. 2022. Corée. Projeté à PIFFF 2022.