Après un passage au Festival des 3 Continents 2020, Goodbye Mister Wong, qui marque le passage au long métrage de fiction du réalisateur Kiyé Simon Luang, sort aujourd’hui en salles.
Depuis ses premiers court-métrages et documentaires (dont Ici finit l’exil, réalisé en 2009) , Kiyé Simon Luang examine la double culture, française et laotienne et interroge l’attachement à une terre ainsi que les racines de l’exil. Il poursuit dans cette lignée avec Goodbye Mister Wong, long métrage de fiction suivant les destins croisés de plusieurs personnages au sein d’une communauté riveraine du Nord du Laos.
France (Nini Vilivong), jeune femme entreprenante, est revenue sur ses terres natales afin d’aider sa mère. M. Wong, industriel chinois venu développer une chaîne maritime qui met en péril les habitations du littoral, la courtise inlassablement alors que celle-ci espère vivre avec son amant, un ouvrier local. Au même moment, Hugo (Marc Barbé) arrive au Laos afin de reconquérir sa femme (Nathalie Richard) qui l’a quitté un an plus tôt pour s’installer près du lac Nam Ngum.
L’histoire de Goodbye Mister Wong est certainement révélatrice des influences du pays d’adoption de son réalisateur, arrivé en France en 1976. Néanmoins, c’est bien le Laos, son pays natal, qui emporte et imprègne le film à chacun de ses plans grâce au joli travail de photographie d’Aaron Sievers et au regard affuté de Kiyé Simon Luang. Face à la foisonnante beauté de tels paysages, la tentation d’une photographie de « carte postale » est un écueil bien trop souvent employé. Ce n’est pas le cas dans ce film qui fait le choix d’un naturalisme bienvenu et d’une constante mise en perspective avec l’histoire du pays et de sa population. Ainsi, à la luxuriance des lieux filmés se superpose la réalité d’un environnement sans cesse menacé par des forces extérieures, tandis que l’ombre du colonialisme se fait sentir et que les avances d’un nouvel occupant se font pressantes.
Si ces qualités visuelles sont à noter, elles ne compensent hélas pas les défauts du film qui souffre d’une intrigue en trois histoires étrangement ficelées et un propos bien trop élusif. Entre immersion dans le quotidien d’une communauté et aventures amoureuses qui s’entremêlent, Goodbye Mister Wong déconcerte dans sa progression et ses développements. Dans les premières scènes, Kiyé Simon Luang installe une ambiance lancinante qui intrigue plutôt, laissant entrevoir, à travers le personnage central de France, une confrontation de valeurs et de cultures, dans un Laos fascinant et convoité. Le film s’éparpille cependant rapidement en une succession d’épisodes passant d’une trajectoire à l’autre sans s’attarder assez pour provoquer la réflexion ou l’émotion.
Au fur et à mesure que le récit avance, on peine de plus en plus à percevoir le propos, ou même si le sous-texte, pourtant clairement exposé, se veut acerbe ou sentimental. En effet, le film pose assez bien les situations mais peine à aller au bout de celles-ci. La matière est pourtant passionnante, du post colonialisme à la domination économique, de l’intégration des cultures et l’extinction d’un certain mode de vie, et elle est effleurée au gré de quelques scènes plutôt charmantes (notamment dans les échanges entre Hugo, Français exilé, et la mère de France) ou savoureuses (un trajet de bus polyglotte). Cependant, à force de tout évoquer et de ne rien interroger, on glisse vers un anecdotique ne suscitant qu’un intérêt par intermittence.
Goodbye Mister Wong propose une vision émouvante d’un Laos énigmatique et il se dégage une bienveillance rafraîchissante dans les rapports décrits. Toutefois, le film peine à trouver un véritable ton, laissant alors essentiellement une impression de frustration, voire d’indifférence à la résolution d’une intrigue trop faible et indécise pour investir totalement le spectateur.
Claire Lalaut
Goodbye Mister Wong de Kiyé Simon Luang. France-Laos. 2020. En salles le 29/12/2021