FESTIVAL DU FILM KAZAKHSTANAIS 2021 – Tomiris d’Akan Satayev

Posté le 9 décembre 2021 par

Projeté à L’Étrange Festival 2020 puis sorti en DVD et Blu-Ray en décembre 2020, la fresque historique Tomiris, réalisée par Akan Satayev, est de nouveau visible en salles, grâce au Festival du Film Kazakhstanais.

Tomyris est la fille d’un grand chef de tribu des steppes d’Asie centrale. Sa mère meurt en lui donnant naissance, et son père lui apprend les rudiments du combat pour faire d’elle le fils qu’il n’a pas eu. Alors qu’elle est encore une enfant, son père est assassiné par des traîtres. Elle sera recueillie par une tribu d’amazones et régnera sur les steppes. Elle n’hésitera pas à croiser le fer face aux puissants, tels que le Roi des Perses, Cyrus.

De notre fenêtre de cinéphiles européens, nous connaissons du Kazakhstan le versant art et essai de sa production. Ces dernières années, Adilkhan Yerzanov a su tirer son épingle du jeu, en lorgnant, cette rentrée encore, du côté du film de genre (le thriller), avec A Dark, Dark ManTomiris prend à rebours cette ouverture, et se dotant de moyens solides pour une intrigue spectaculaire, cherche à pénétrer les foyers du monde entier par le biais du format vidéo. On pense à Ong-Bak et The Raid, qui ont su par par cette voie montrer au plus grand nombre une facette cinématographique de leurs pays, la Thaïlande et l’Indonésie, alors qu’il n’est pas aisé pour des cultures aussi lointaines et méconnues d’atteindre ce grand public.

Tomiris a toutefois un autre modèle de production en guise d’inspiration, celui des films de guerre historiques chinois, dérivés du wu xia pian, qui ont eux aussi envahi dans les années 2000 et 2010 les salons de la planète. Tomiris se montre plus ou moins inspiré dans son exécution et n’échappe pas à un polissage narratif et graphique, inhérent à son patron chinois. Certains éléments de l’intrigue et de la mise en scène demeureront parfaitement lambda : la score musical déjà entendu et qui ne sait pas créer de marque dans les phases de suspense, ou encore les fondements de l’histoire de Tomyris elle-même qui passe en revue tous les clichés du genre. Certains choix scénaristiques se révèlent trop peu ambitieux. La façon dont Tomirys rencontre son mari est peu convaincante, car elle iconise ces personnages, les prédestine l’un à l’autre dans une mise en scène cherchant à les montrer charismatiques, alors que le jeu d’acteur ne suit pas la force de caractère qui est censée émaner d’eux.

Du reste, le film a le mérite de montrer le destin de cette figure historique des steppes d’Asie centrale par des producteurs et des artistes de ces mêmes régions, et parvient, à plusieurs endroits, à proposer une mise en scène efficace. Les meilleures séquences du film se situent dans sa deuxième moitié, lorsque Tomyris est mariée et que son peuple est approché par les Perses, ainsi que la guerre qui s’en suivra. Les tactiques, tantôt des Perses, tantôt des Massagètes, déploient une forme de suspense, dont on ne doute pas vraiment de l’issue, mais qui titillent notre regard de spectateur, et parvient à instaurer une dimension dramatique. Le point d’orgue réside dans la bataille finale, rehaussée par une explication de la stratégie de Tomyris au préalable, puis pendant l’assaut, par un enchaînement de plans l’illustrant et d’une redoutable netteté. Sur ce point précis, Tomiris se distingue et dépasse bon nombre de films de guerre historiques chinois, et arrive à contourner l’aspect artificiel des CGI, chose que Les Trois Royaumes de John Woo, modèle du genre, n’a pas su faire – nous conviendrons qu’il a été réalisé plus de 10 ans plus tôt. Cet aspect est rendu possible d’une part grâce aux décors des steppes, qui permettent une vue plongeante aérée, et d’autre part des choix de photographie d’une sobriété appréciable. Pour autant, la colorimétrie et l’étalonnage sont caractérisés tout le long du film par un beau gris-bleu, rendant l’image du film identifiable.

Tomiris est un film qui conjugue un sujet atypique et une exécution volontairement lissée pour s’intégrer à toute une idée d’un certain cinéma populaire des pays asiatiques. Les images des steppes de ce blockbuster kazakh paraissent en variante de celles des films art et essai de la région, et le portrait d’une telle personnalité historique mérite que son histoire soit racontée.

Maxime Bauer.

Tomiris d’Akan Satayev. Kazakhstan. 2019. Projeté au Festival du Film Kazakhstanais 2021