Une jeunesse insouciante, aveuglée par l’argent, que la dure réalité rattrape et flanque au sol, face contre terre, pour lui rappeler qu’avant tout, c’est d’ici qu’elle vient et c’est ici qu’elle retournera. C’est Shaitan de Bejoy Niambar, un film sombre, sans danses et musiques colorées et pourtant, c’est du Bollywood. Par Kitty Silencer.
Les occidentaux ont toujours une image très caricaturée du Bollywood et du cinéma indien en général, mais, depuis quelques années, la production indienne a mué, muté vers un cinéma plus sombre, plus réaliste, délaissant musique et chant. L’année dernière, nous prenions par exemple un choc avec l’incroyable My Name is Khan de Karan Johar, un hommage à Forrest Gump avec le grand Shahrukh Khan. Mais hélas, ces métrages sont très rares dans nos contrées, alors que les réalisateurs de génie sont nombreux comme Jijy Philip (considéré comme le Johnnie To indien). C’est peut-être pour ça que le film devient une baffe, comme si l’on découvrait la face cachée du Bollywood alors que nous savons parfaitement où la trouver ! Mais il est grand temps de montrer le chemin à nos distributeurs français.
A Bombay, comme dans toutes les grandes métropoles, les nuits deviennent le terrain de jeu de toute une jeunesse insouciante, où l’argent, la drogue et l’alcool se mêlent et la divertissent pendant ces quelques instants, comme un placebo létal pour la sauver de son existence factice. Plus rien n’existe autour d’eux, plus de contraintes familiales ou de poids dû aux traditions. C’est ainsi que vit Amy et sa bande. Mais suite à une course de voiture improvisée, leur rencontre avec un policier peu scrupuleux va les entraîner bien au-delà de leurs limites et les obliger à feindre un kidnapping afin de faire le taire.
Premier film de Bejoy Nambiar (dont il est aussi le scénariste), ce thriller se montre pourtant très réussi, très bien ficelé. Chaque personnage nous apporte une vue différente sur l’instant présent, un présent tiré de faits actuels où corruption, politique et délinquance se partagent la plus grosse part du gâteau. Règlements de compte et courses-poursuites rythment le métrage sans exagération, avec une musique juste et adapté à chaque situation. De plus, son casting jeune et peu connu l’éloigne d’une médiatisation nocive. La mise en scène est énergique et innovante, donnant au film un grain si particulier, si sombre. Il y a une constante recherche visuelle comme si l’image devait refléter les différentes aspérités de l’âme.
Un mot du casting et des personnages
Kalki Koechlin, de parents français installés en Inde, est sans doute la plus connue grâce à son rôle de prostituée dans DevD (vision contemporaine de Devdas) qui fut très remarqué ! Ici, dans la rôle d’Amy, un fille de politicien, instable suite au suicide de sa mère (qui avait tenté de l’emporter avec elle dans la mort), l’actrice nous montre une facette plus trouble de son jeu, tout en retenue et en justesse. C’est cette faiblesse qui scellera son destin lorsqu’elle rencontrera « KC » (joué par Gulshan Devaiya), un homme charmant et magnétique mais aux élans violents et incontrôlables. Dash (Shiv Pandit) est le meilleur ami de KC, sûr de lui, sans attaches et très entreprenant mais il est aussi dealer sous la couverture qu’est son boulot de restauration. On retrouve aussi Neil Bhoopalam (vu récemment dans No One Killed Jessica), dans le rôle de Zubin, jeune homme de classe moyenne, vivant dans l’ombre de KC et secrètement épris de Tanya (Kirti Kuhari), jeune fille perturbée et boulimique à cause des pressions familiales. Et enfin, Rajeev Khandelwal (premier rôle de Aamir) joue un jeune policier, fraîchement divorcé et suspendu de ces fonctions, engagé officieusement pour résoudre le kidnapping.
Une mise en scène folle, un thème sombre, un jeune casting prometteur, le tout pour un film pas comme les autres qui dynamite nos habitudes sur le cinéma indien. Tant de raisons pour voir ce petit bijou !
Verdict :
Kitty Silencer.