La plus grosse surprise de Cannes était certainement l’annonce de Miike en compétition. La plus grosse déception est le visionnage de son film, un remake impersonnel, anachronique et inutile du chef d’œuvre de Kobayashi. Par Victor Lopez.
On était à la fois impatient et curieux de découvrir le Miike cannois. Voir le réalisateur des délires trash et pop comme Dead or Alive ou Ichi the killer et auteur des récentes zéderries Yatterman et autres Zebraman 2 à Cannes était quand même une nouvelle réjouissante ! Même si cela fait un bon bout de temps que le cinéaste n’a pas fait un bon film, il a signé une œuvre passionnante, dotée de plusieurs sommets surréalistes (Gozu , Visitor Q. , Audition) et son nom pouvait créer la surprise.
Cela dit, deux questions pouvaient inquiéter : tout d’abord, pourquoi s’attaquer à une œuvre majeure de Kobayashi de 1962, dont l’épure complète est aux antipodes du style surchargé de Miike ? Et pourquoi diable utiliser la 3D ? Malheureusement, ces craintes étaient fondées : non seulement, la 3D ne sert à rien (le film va même finalement sortir en 2D en France…), mais la réactualisation est elle-même inutile au possible. On comprend alors trop bien que cette sélection est uniquement dûe au hasard de deux facteurs : la volonté du festival de donner un coup de pouce au Japon en sélectionnant des films du pays du soleil levant et celle de répondre à Venise, qui avait présenté 13 Assassins du même Miike l’an passé. Bref, Cannes aussi voulait son Miike, mais ils n’ont pas choisi le bon…
Ichimei reprend à la lettre la structure du film de Kobayashi, mais perd en force brute ce qu’il ajoute en pathos. Le film est au final moins moderne que son modèle : le stylisme de Kobayashi était en 1962 une éclatante nouveauté, l’imiter en 2011 est un classicisme passéiste. Pire, la version 2011 noie son discours qui est maintenant presque anachronique. Hara-Kiri était une charge violente contre les traditions japonaises, un procès terrible de l’honneur des puissants, superficiel et d’apparat, écrasants les plus faibles. Le film mettait en cause l’histoire du Japon en détruisant les mythes de son passé idéalisé, et interrogeait ainsi son présent. A l’inverse, Ichimei 2011 est un exercice de style pompeux et vide, qui fait l’erreur d’insister sur la victimisation larmoyante de ses pauvres personnages au lieu de revenir au centre de l’histoire : la confrontation entre le samouraï déchu et le maître du clan…
Et Miike dans tout cela ? On se demandait avant le festival si 13 Assassins et Ichimei annonçaient, après une période plutôt infantilisante et pop dans sa filmographie, une reconversion en cinéaste respectable, à la notoriété internationale. Hara-Kiri comme le suivant, Ninja Kids, vient en fait prouver qu’il n’en est rien, et s’inscrivent complétement dans le geste cinématographique actuel du réalisateur. Soit revisiter, à travers remakes, adaptations de manga, d’animes, de jeux-vidéo ou d’hommages aux sentaïs (en vrac : Zebraman 2 , 13 Assassins , Crows Zero , Yatterman , Yakuza , Ninja kids), toute la culture populaire japonaise et s’en faire comme le porte-parole critique. Il y arrive plus ou moins bien en fondant son style dans son sujet. Ichimei fait incontestablement parti des échecs, et fait d’autant plus regretter l’ancien Miike Takashi, le cinéaste kamikaze maintenant disparu qui a signé Gozu ou Visitor Q …
Victor Lopez.
Verdict :