PIFFF 2017 – Jojo’s Bizarre Adventure de Miike Takashi : Miike is Breakable

Posté le 16 décembre 2017 par

Durant l’édition 2017 du Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) ont été présentés deux films de Miike Takashi, tous deux adaptés de mangas. Si le premier, Blade of the Immortald’après L’habitant de l’Infini, a été bien reçu lors de sa sélection cannoise, on ne savait que peu de choses sur JoJo’s Bizarre Adventure dont l’unique présentation française, aux Utopiales de Nantes, avait été discrète. On était donc assez curieux de voir si cette adaptation du manga culte de Araki Hirohiko se révélait digne de l’aura de son matériel original.

Pour les non-initiés, JoJo’s Bizarre Adventure est un manga scénarisé et dessiné par Araki Hirohiko depuis 1986. Long de plus de cent tomes et toujours en cours, il présente l’histoire de la famille Joestar sur plusieurs générations dans des arcs narratifs au cadre spatio-temporel changeant et aux héros différents à chaque arc. Si l’oeuvre peut-être considérée comme un shonen assez classique à ses débuts, la façon qu’a l’auteur de diviser l’histoire lui permet d’explorer un grand nombre d’ambiances et de thèmes différents, passant de l’horreur gothique à des luttes de pouvoir entre parrains de la mafia romaine. La série est aussi connue pour mettre en place un monde et des personnages à la bizarrerie assumée et au décalage certain. Malgré son ancienneté, la saga reste l’une des plus populaires du Japon et continue d’attirer de nouveaux fans, notamment grâce à la série animée de David Production, commencée en 2012 et couronnée d’un énorme succès.

Face à l’importance et à l’univers visuel si spécifique de la série, on pouvait donc s’interroger sur le bien fondé de la mise en place du projet de film live. D’autant plus qu’il a été choisi d’adapter directement la quatrième partie du manga surnommée Diamond is Unbreakable, qui ne se met en place qu’a partir du tome vingt-neuf. Cependant, en regardant le film, il faut bien accepter que, d’un point de vue visuel, le pari est réussi. L’univers est bien respecté, notamment grâce à un tournage à Sitges en Espagne, qui permet de retrouver l’esthétique de l’auteur, beaucoup plus européenne qu’asiatique. Les acteurs sont plutôt surprenants : si Kamiki Ryunosuke dans le rôle de Hirose Koichi est extrêmement irritant, le reste du casting tient très bien la route, entre cabotinages amusants et références à la série originale. Le scénario est extrêmement fidèle au film et les costumes sont plutôt réussis pour une adaptation de manga. Si la direction artistique est donc agréable, il est cependant dur de ne pas être déçu, et c’est autant la faute de la production que celle du réalisateur.

S’il faut bien reconnaître l’effort produit pour ne pas dénaturer la série visuellement, c’est raté au niveau du ton et de l’axe choisi par le scénario. Le point fort de JoJo’sce qui fait la grande du charme de la série, c’est son second degré et son autodérision permanente. Loin de traduire cet humour, le film est d’un sérieux de tous les instants qui dénature beaucoup de scènes et en rend certaines, censées êtres drôles ou décalées, tout bonnement ridicules. Idem des célèbres JoJo’s Pose, mot désignant les postures fréquemment prises par les personnages de la série, entre esthétique gay et référence aux photographies de mode, à la fois blague internet et part entière de l’image du manga : elles sont ici totalement oubliées et passées sous silence. Jojo’s Bizarre Adventure: Diamond is Unbreakable Part 1, c’est JoJo’s sans tout ce qui en fait le charme, une version édulcorée et fade, dénuée de tout humour.

La réalisation aurait donc pu sauver le projet, proposant du spectacle grand public à défaut de respecter le ton de la série, mais Miike Takashi rate lamentablement son coup, livrant un produit mou et mal rythmé. Si on peut mettre la moitié du reproche sur la décision d’adapter ce qui est peut-être la partie la moins intéressante de l’arc et donc passer deux heures à étirer difficilement le matériel de deux tomes de manga, la réalisation nous fait nous demander si Miike Takashi a déjà su rythmer un film. Ici, les plans s’éternisent, les combats sont parfois d’une mollesse sans nom et la façon dont les dialogues sont mis en place rappelle plus la première partie de Lost Highway et ses pauses d’une minute entre chaque réplique qu’un manga connu pour ses punchlines. Si on trouve quelques idées visuelles parsemées çà et là et que les effets spéciaux, pour une fois, ressemblent à quelque chose, Miike Takashi semble être totalement désintéressé par ce projet et livre un produit fini d’une platitude effarante. C’est encore plus choquant lorsque l’on compare avec la série animée, qui se révèle supérieure en tout point à la version live, autant au niveau du rythme que du respect de l’esprit de la série, notamment dans le plaisir pris.

On peut donc se demander qui ce Jojo’s Bizarre Adventure va satisfaire. Les fans seront déçus par la fadeur d’un produit édulcoré n’apportant rien à l’univers de la série et il est difficile d’imaginer un curieux se prendre d’affection pour ce film tant la réalisation et le parti pris d’un sérieux absolu enlèvent tout charme à l’oeuvre d’Araki. Au final, JoJo’s Bizarre Adventure: Diamond is Unbreakable Part 1 n’est pas qu’un mauvais film, c’est surtout un film inutile, arrivant trop tard car déjà surpassé non seulement par le manga mais aussi par la série animée de David Production, bien meilleure oeuvre audiovisuelle que ce produit sans âme ni fait ni à faire.

Elias Campos.

JoJo’s Bizarre Adventure: Diamond is Unbreakable Part 1 de Miike Takashi. Japon. 2017.

Présenté a PIFFF 2017. Plus d’informations ici.