Les studios d’art de Shanghai nous font redécouvrir La flûte et le grelot, deux films d’animation qui sont de véritables haïkus, poèmes vifs et ciselés assez éloignés de la programmation sophistiquée du moment. Par laurence Kerhornou.
Le Grelot du faon (1982), animation muette de Tang Cheng et Wu Quiang, conte l’histoire d’une petite fille qui recueille un faon et s’y attache. Pour ne pas perdre l’animal elle le pare d’un grelot. Mais le faon grandit et retourne vite à sa vie sauvage. Le scénario mise sur l’idée du passage initiatique de l’enfant confronté à la perte. On comprend que petite fille doit vaincre son sentiment d’abandon pour rester heureuse.
L’originalité de ce travail réside dans sa technique de lavis animés. La couleur fuse légèrement du contour noir cernant les personnages, cela crée sans conteste un effet d’apparition, une aura. Pour Walter Benjamin, l’image a une aura quand elle a le pouvoir de faire lever les yeux. Signe de l’immanence d’une vie, elle s’oppose à la perte de l’aura accompagnant la production des images industrielles. Avec cette technique du lavis que l’on pourrait taxer d’imparfaite, on voit l’image comme fugitive, on pense au Saint Suaire où la main humaine n’est peut être pas intervenue. L’animation nous plonge dans une ambiance vaporeuse, onirique. En jaillit une œuvre sentimentale chargée des émois de l’enfance. Et, si en extrême orient, le trait jeté avec vigueur est souffle de vie, ce petit moment analogue à la générosité d’une berceuse parait d’éternité.
Quant à La Flûte du bouvier (1963) de Te We et Qian Jia Jun, l’histoire met en scène un enfant jouant de la flûte sur la dos d’un buffle. Il s’endort et rêve que son buffle a disparu. S’ensuit une quête pour retrouver l’animal. Le buffle retrouvé, l’enfant reprend sa flûte et joue de manière interrompue.
Ce dessin animé reste plus obscur et fait plutôt référence au cauchemar. Le même complexe d’abandon ressurgi, mais il est désamorcé par le retour à l’être cher. Tout cela est donc assez psychanalytique. L’attachement est insécurité et dans les deux cas le son et la musique servent de lien rassurant.
Ces deux animations sont des perles de l’artisanat chinois, à ce titre il serait dommage de passer à côté.
Laurence Kerhornou.
Verdict:
La Flûte et le grelot, deux films des Studios d’art de Shanghai, en salle le 23/02/2011.