DVD – Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl, de Nam Ki-Woong : Un OVNI cinématographique en DVD collector

Posté le 4 juillet 2015 par

Il est des films dont le titre seul suffit à faire hausser un sourcil de surprise. Comment, en effet, ne pas être intrigué par Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl, que Spectrum Films distribue dans une édition collector limitée. En apparence, elle ne paye pas mine, dévoilant un DVD unique dans un petit boitier, mais dissimule pourtant trois films de l’auteur, accompagnés d’une interview.

Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl est réalisé et écrit par Nam Ki-Woong, un réalisateur rock’n roll dont le court métrage Teenage Hooker Became Killing Machine (présent en bonus sur le DVD) a voyagé dans les festivals à travers le monde. Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl, réalisé en 2002, est un véritable OVNI cinématographique qui laisse difficilement indifférent.

ChowYunFatBoyMeetsBrownieGirl

L’oeuvre se positionne dans un étrange monde plus ou moins souterrain, presque troglodytique. Les protagonistes semblent vivre dans quelques cavernes, et tout est obscur. Plusieurs lieux sont dévoilés par la caméra : une sorte de club privé, où réside un ancien criminel devenu politicien, plutôt fantasque dans ses tenues et sa façon de penser, un bar tenu par l’ancienne petite amie du politicien, un magasin de jouets où des armes sont illégalement fabriquées, et un étang empli d’escargots, qu’une vieille femme revend pour survivre. Tous les personnages possèdent une grosse dose de folie, à tel point que Nam Ki-Woong paraît avoir voulu créer une version un peu cheap et cavernicole de Twin Peaks. Outre les personnages cités, le gangster s’entoure de quelques criminels aussi incompétents que stupide, le vendeur de jouet a un assistant fan de Chow Yun-Fat (il s’agit du héros, et de ce qui permet de rattacher le film à l’acteur fétiche de John Woo) et un criminel déjanté veut des flingues de toutes les couleurs pour envoyer un message coloré. Deux flics à côté de la plaque évoluent aussi dans cet univers étrange, et, bien entendu, la femme escargot et ses comparses apportent une touche terriblement surréaliste.

Le film flirte entre fascination et ennui tout au long de son déroulement. En effet, il ne s’y passe pas grand chose, et les personnages passent beaucoup de temps, dans des décors déstabilisants, à raconter des choses plus ou moins abscons (le scénario, très simple au final, ne se dévoile pas aisément). Mais difficile de ne pas apprécier l’ambiance unique, les personnages barrés, et surtout ces protagonistes-escargots au design improbable apparaissant dans le dernier acte. Pour créer son oeuvre, le réalisateur mélange en effet la fascination de son personnage principal pour Chow Yun-Fat, ainsi que la légende, célèbre en Corée, de la femme-escargot, mais n’approfondit pas vraiment l’intérêt pour l’acteur spécialiste de gun-fight, ni ne creuse les raisons et motivations des escargots humains.

Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl est un film à réserver aux amateurs d’œuvres improbables et particulièrement surprenantes, qui ne pourront, malgré ses défauts, qu’apprécier l’étrangeté jusqu’auboutiste du film. Il est à noter que le sous-titrage du film parait aussi rock’n roll que le film lui-même et que certaines phrases semblent traduites étrangement, avec parfois des fautes d’orthographe ou des points d’interrogation au milieu d’un mot.

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En bonus, l’éditeur nous offre le complètement barré Teenage Hooker Became Killing Machine. Derrière ce titre, un programme à lui seul, qui ne peut que faire fantasmer l’amateur de pellicule décalée, se dissimule un moyen métrage d’une heure. Le film se révèle être un croisement entre Robocop et Nikita (la séquence du restaurant est quasiment reprise telle quelle), mais mis en scène et filmé d’une manière punk et rock n’roll. Nam Ki-Woong, à mille lieux de l’esthétique léchée et stylisée des productions coréennes que le public français a l’habitude de voir, sature l’image, la fait trembloter, dans une réalisation pas toujours très lisible mais qui crée une esthétique des plus personnelle malgré les inspirations franchement visibles, inspirations qu’il n’avoue cependant pas dans son interview.

Teenage Hooker Became Killing Machine voit son scénario contenu dans son pitch : une adolescente se prostitue dans un quartier glauque de la ville. Elle tombe sur un groupe de tueurs en série qui la découpe en morceaux, mais un étrange scientifique fait d’elle un robot tueur. C’est surtout le prétexte pour le réalisateur de se laisser aller à présenter des personnages complètement fous (le professeur de la demoiselle est un poème à lui seul), quelques séquences de nudité ou de gore, le tout entre des moments de poésie punk et des dialogues abscons. Difficile de se prononcer complètement face à ce film inégal, nanti de longueur malgré sa courte durée, et pas assez personnel dans son scénario pour être honnête, mais l’envie de se forger un univers à travers des images et une réalisation folles, ne peuvent laisser indifférent. Aussi, même si le spectateur n’est pas emballé par le film, difficile de ne pas reconnaître un vrai auteur tentant d’exister, et impossible de ne pas remercier l’éditeur, qui a pris des risques pour que ce film puisse être vu en France.

Kangchul est un court métrage de trente minutes du même réalisateur. Il contient déjà les prémices de l’univers du cinéaste, mais encore peu abouti et se révèle quelque peu ennuyeux. Cependant, il est intéressant de regarder ce film, montrant un homme allongé dans un train, apparemment mourant, méditer sur la vie, sur la mort, sur son échec et sur le conflit qui a fait de lui ce qu’il est, alors qu’une étrange silhouette l’observe. Déjà, le spectateur découvre les prémices des expérimentations visuelles de Nam Ki-Woong, avec un univers entre cyberpunk et fantastique démoniaque. Cependant, le film montre en gros plan un homme allongé qui parle, et ce côté expérimental et brut de décoffrage risque de déstabiliser. Il est tout de même intéressant de découvrir ce film, et ainsi de voir comment l’univers cinématographique de l’auteur s’est construit.

L’interview du réalisateur, en bonus, dispose de problèmes sonores et le jeu sur l’image rend certains sous-titres difficilement lisibles. Cependant, elle se révèle intéressante et permet de découvrir la personnalité derrière ces films particuliers, ainsi que le projet suivant du réalisateur.

Au final, ce DVD reste imparfait, mais permet la plongée dans l’univers d’un réalisateur coréen underground, et se révèle des plus complet. Une découverte très intéressante pour l’amateur de films sortant des sentiers battus.

Yannik Vanesse.

Chow Yun Fat Boy Meets Brownie Girl, de Nam Ki-Woong, disponible en DVD depuis le 22 janvier 2015.

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