NETFLIX – Maniac par Junji ito : Anthologie de Tagashira Shinobu

Posté le 10 avril 2023 par

Puisqu’il n’est jamais trop tard pour étendre sa culture dans le domaine du fantastique nippon, il est possible de découvrir une partie de l’œuvre d‘Ito Junji via son adaptation en animé sur Netflix, intitulée Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre, série réalisée par Tagashira Shinobu. Mais le résultat final a de quoi laisser sceptique quant à la volonté de retranscrire au mieux les effroyables cauchemars du maître.

Ito Junji, un nom que l’on ne présente plus pour tout amateur de fantastique et d’horreur, un auteur que l’on a pu trop rapidement rapprocher de Stephen King pour son statut de maître incontesté du fantastique. Cependant, là où le résident du Maine jongle avec ses romans entre horreur, polar, thriller et suspense, Ito Junji traumatise des générations de lecteurs avec des petites bandes dessinées, de courtes histoires aux frontières de l’horreur pure et de l’épouvante. Des personnages somme toute assez banals, mais dont le destin va irrémédiablement basculer dans l’effroi. Pour résumer grossièrement le concept, on pourrait faire un rapprochement avec les Tales From the Crypt ou autres courtes histoires du genre, qui proposent également une chute aussi glaçante que potentiellement effrayante et graphiquement extrême. On y trouve pêle-mêle des monstres à visage humain, des démons, des malédictions, et quelques figures incontournables comme Soichi l’adolescent psychopathe ou la plus connue de tous, Tomie, la lycéenne démoniaque et manipulatrice.

Assez logiquement, le cinéma et le petit écran se sont rapidement rapprochés des travaux du roi de l’horreur. Tomie a eu droit à une palanquée d’adaptations cinématographiques à la qualité que l’on qualifiera poliment de variable, mais qui globalement va de dispensable à franchement mauvais. Sur le petit écran, plusieurs de ses histoires ont été adaptées dans la série Junji Ito Collection, disponible sur Crunchyroll. Mais malheureusement, et on en vient au problème de l’adaptation télévisuelle de l’œuvre d’Ito Junji : c’est globalement raté de bout en bout.

Le problème ne vient pas du choix des histoires choisies dans le répertoire foisonnant d’Ito Junji. En ce qui concerne cette série, la sélection est même plutôt variée et assez représentative du style Ito. On retrouve la monstrueuse Tomie, l’infernal Soichi, des fantômes meurtriers, des familles de malades mentaux, ainsi que d’autres horreurs. Certaines histoires comptent d’ailleurs parmi les plus dérangeantes et malsaines de sa bibliographie ; leur version papier sont d’ailleurs graphiquement perturbantes à lire (La Ville aux pierres tombales ou Les Ballons aux pendus). Le vrai souci réside en fait dans la facture graphique du projet.

Disons-le sans détour, la réalisation et la direction artistique plombent systématiquement presque tous les épisodes. Ito Junji a un style graphique qui lui est propre, assez complexe à décrire mais visuellement efficace, précis dans le trait lorsqu’il s’agit de dessiner l’effroi sur le visage de ses victimes, et graphiquement explicite et extrême lorsqu’il s’agit de mettre en image l’horreur pure. Les deux séries ont donc a priori opté pour le choix de respecter son style, et c’est une bonne chose. Par contre, ce qui est plus dommageable, c’est qu’à aucun moment, la facture technique concernant l’animation et le rythme n’arrivent à retranscrire la peur, l’effroi et encore moins l’horreur des planches du maître. Tout est effroyablement statique, lent, donnant l’impression de regarder une version à peine plus animée que la série Yamishibai, Theatre of Darkness, qui, elle, avait fait le choix délibéré de se rapprocher du style graphique plus statique du matériau original (le théâtre de papier fait en bouts de cartons et de papier).

Résultat : même les histoires qui promettent de l’horreur et du frisson finissent par se regarder avec un ennui poli, leur conclusion horrifique et potentiellement gore étant annihilée par une facture graphique indigne de la bande dessinée originelle.

Alors parfois il y a quelques sursauts qualitatifs, avec par exemple l’épisode concernant le diabolique Soichi, qui n’a rien de fantastique, avec ses stratagèmes pour rendre son frère fou. Pour le coup, le côté statique de l’ensemble sert plutôt bien l’histoire. Même constat avec Le Ballon des pendus et ses visions de cauchemar, mais là, la mise en scène se borne à copier-coller les planches d’Ito Junji. Peu de chance de se planter. Et même quelques histoires, de par leur aspect extrême, arrivent à se développer au-delà de la facture graphique à la ramasse. On pensera à l’histoire la plus effroyable et gore du lot, intitulée Archéologie de la terreur, faite de malédiction et de jeunesse éternelle. Une histoire dont le twist à mi-parcours et ses conséquences sont d’une telle violence graphique que même une direction artistique en berne ne peut en atténuer l’impact.

En conclusion, Anthologie macabre est une entrée un peu biaisée et bancale dans le monde cauchemardesque d’Ito Junji, et reste une version quelque peu édulcorée des œuvres du monsieur. Les plus curieux iront donc par la suite se pencher sur les planches originales, véritables coffre à trésors remplis de monstres et d’horreurs en tout genre, réservés pour le coup à un public averti.

Romain Leclercq

Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre de Tagashira Shinobu. Japon. 2023. Disponible sur Netflix.

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