NETFLIX – Le Scoop, de Roh Deok : Jusqu’où aller pour faire de l’audimat

Posté le 7 octobre 2016 par

Après un passage remarqué au Brussels International Fantastic Film Festival dans la catégorie thriller, The Exclusive : Beat The Devil’s Tattoo arrive chez nous directement sur Netflix. L’occasion de découvrir ou redécouvrir cet excellent film, renommé Le Scoop pour l’occasion.

La réalisatrice Roh Deok décide de se démarquer du tout-venant des thrillers coréens, emplis de sang et de scènes hard-boiled, même si le début du film ne le laisse pas présager. En effet, celui-ci s’ouvre sur un couple en train de s’embrasser sur un banc. Il fait nuit, les deux jeunes gens se pensent seuls. En découvrant qu’ils sont observés par un homme dans une voiture, le garçon en colère l’aborde, le traitant de pervers. Le couple est brutalement assassiné, et le spectateur comprend rapidement qu’un tueur en série rôde en ville.

exclusive beat the devils tattoo

La photographie est superbe, l’assassinat sanglant, et la réalisatrice se laisse aller, régulièrement, à des plans de toute beauté, mais toujours au service de la narration. En effet, quand la vague de journalistes se précipite sur la police pour avoir de quoi se mettre sous la dent, et que la caméra s’envole pour surplomber cette nuée humaine s’abattant sur les policiers jusqu’à s’effondrer sur eux, c’est pour montrer de manière percutante la rapacité des membres de cette profession, désirant dévorer la moindre information pour la régurgiter les premiers, et ainsi gagner cette course au buzz. Immédiatement, le spectateur comprend que tout sert cette thématique (l’absurdité du buzz à tout prix, terriblement d’actualité), et la cinéaste le fait avec brio.

Le héros, journaliste à la dérive, va avoir une opportunité qui va sauver son boulot, et ainsi lui permettre (du moins l’espère-t-il) de reconquérir sa jolie femme enceinte. Un contact le conduit dans une cave où résiderait le tueur en série. Découvrant des morceaux de cadavres et du sang partout, notre héros écrit un article tellement en avance sur la police que cela crée un buzz terrible. Les flics veulent le forcer à révéler ses sources, les chaînes de télé s’arrachent les informations… Mais quand il découvre que l’information est erronée, que l’homme qu’il traque n’a jamais tué personne, il est coincé et commence à fabriquer des preuves pour continuer à être en avance. Ce qui attire évidemment l’attention du véritable tueur en série.

the exclusive

Les thématiques ne sont évidemment pas nouvelles, et Le Scoop n’est pas le premier film à mettre en avant le peu d’éthique des journalistes cherchant le sensationnalisme avant tout. Cannibal Holocaust le racontait déjà au début des années 80. Mais le film de Roh Deok déploie un mélange d’humour très noir, de cynisme et d’action qui scotche le spectateur à son siège.

L’écriture est ciselée au possible, emmenant le spectateur comme son personnage principal dans une spirale infernale où chaque mensonge l’enlise un peu plus. Aucune faute de goût n’apparaît, et le spectateur passe du rire à l’ébahissement en voyant le héros coincé, les personnages sans scrupules, et en s’apercevant que finalement, personne ne s’intéresse à la vérité.

Et quand la lumière se fera sur l’identité du tueur en série, cela sera dévoilé d’une telle manière que le cynisme franchira un nouveau stade. Le film s’achève d’une manière tout simplement prodigieuse, montrant à quel point le mensonge peut devenir vérité s’il est mis en scène de la bonne manière. Le Scoop est ainsi une très belle réussite, possédant une réalisation magnifique, mais surtout une écriture raffinée qui ne dévie jamais de son propos, et ne fait pas marche arrière en cours de route. Rarement un film a osé aller aussi loin dans ces thématiques, de la première à la dernière minute, tout en évitant toute séquence inutile.

Yannik Vanesse

Le Scoop, de Roh Deok (2015), disponible sur Netflix.