Souvent second rôle de luxe (dont l’extraordinaire eunuque malfaisant de L’Auberge du Dragon) ou plus tard star de second plan comparé à la notoriété mondiale d’un Jet Li ou d’un Jackie Chan, Donnie Yen vit sa stature changer dans les 2000 avec sa collaboration avec le réalisateur Wilson Yip. Par Justin Kwedi.
Leur premier fait d’armes, SPL (2005) fit sensation à sa sortie chez les amateurs d’empoignades musclées. Croisant arts martiaux traditionnels, free fight voire même catch lors de combats teigneux (le long final opposant Donnie Yen à Sammo Hung reste dans toutes les mémoires), le film révolutionnait la manière d’illustrer l’action. Malheureusement, ces moments nerveux étaient trop éparpillés dans le film, laissant place à une intrigue policière poussive et laborieuse. Les compères persévèrent pour des résultats plus réjouissant avec le décérébré et fun Dragon Tiger Gate et le polar Flashpoint à l’intrigue dont la minceur n’a d’égale que l’outrance brutale des scènes d’actions dont à mano à mano final mémorable entre Donnie Yen et Colin Chou.
Tout cela manquait cependant cruellement d’ambition, ce que vint infirmer ce Ip Man, biopic romancé d’un maître des arts martiaux et héros national (il participa à la résistance contre l’envahisseur japonais durant la Seconde Guerre Mondiale) surtout connu aujourd’hui pour avoir été le mentor de Bruce Lee.
Cette grande figure donne l’occasion à Wilson Yip et Donnie Yen de proposer un récit bien plus ambitieux quel leurs précédentes œuvres, avec à la clé un croisement de film martial et de fresque historique lorgnant sur les Il était une fois en Chine de Tsui Hark. S’il n’atteint pas encore ces sommets, ce Ip Man est bien plus intéressant que les autres films du duo tout en étant toujours aussi virtuose et impressionnant dans l’action.
Le début très léger étonne quelque à peu, mais s’avère cohérent avec ce qui sera le parcours initiatique de Ip Man. On retrouve donc un héros quelque peu narcissique (le physique avantageux de Donnie Yen plus poseur que jamais et tiré à quatre épingles aidant bien) sujet de l’admiration de tous et délaissant sa famille pour des joutes martiales où il impressionne ses pairs. Ip Man va ainsi se confronter successivement à deux incarnations de l’usage des arts martiaux (et démontrant la dualité de son caractère mi humble, mi fanfaron) avec un maître voulant se mesurer à lui puis une brute voulant assujettir toutes les écoles de la ville. L’aspect screwball comedy est fort amusant, l’épouse (tout sauf soumise) de Ip man lui reprochant de ne pas prêter suffisamment attention à son fils. Une scène s’avère d’ailleurs assez hilarante lorsque le jeune fils surgit en plein affrontement pour dire à son père que sa mère lui demande d’en finir rapidement avec son adversaire sous peine de détruire le mobilier de la maison.
Après l’avoir montré à son apogée et quasiment idéalisé, le scénario confronte Ip Man à la réalité historique cruelle lorsque arrive l’envahisseur japonais. Si on retrouve la description barbare habituelle (et en partie justifiée comme l’a prouvé le récent City of Life and Death) et cruelle des japonais envahisseurs, le traitement de Ip Man s’avère plus surprenant. Sa science des arts martiaux s’avère futile pour sortir sa famille de la misère ambiante, tout comme pour défendre le peuple oppressé. C’est donc le cheminement d’un homme centré sur lui-même vers la collectivité qui se dessine, Ip Man acceptant d’enseigner le combat à ses congénères (alors qu’avoir un disciple l’ennuyait dans la première partie du film) et de se battre pour une cause plutôt que pour épater la galerie.
Les combats ludiques du début acquièrent donc soudainement une intensité fulgurante, les exactions japonaise faisant croître la fureur naissante de Donnie Yen. La séquence où il voit un ancien adversaire trahi et tué par les Japonais l’incitant à défier 10 combattants japonais est ainsi des plus galvanisantes. Donnie Yen s’étant beaucoup investi pour apprendre le wing chun (boxe du Sud pratiqué par Ip Man) il a délégué les chorégraphies du film au grand Sammo Hung qui alterne virtuosité et brutalité saisissante dans la dernière partie (la xénophobie latente renvoyant d’ailleurs a ses propres réalisation).
Une belle réussite donc, bien qu’imparfaite (le tout manque d’ampleur thématique malgré les moyens déployés) qui nous arrive enfin et aurait mérité une sortie en salle. La suite sortie cette année à Hong Kong (et annoncée comme meilleure encore) devrait arriver bientôt chez nous.
Bonus : HK Vidéo nous avait habitués à mieux, un making of promotionnel local distillant quelques infos et en parie reprises dans l’interview de Donnie Yen accompagnant le tout.
Justin Kwedi.
Verdict :
DVD édité par HK Video disponible depuis le 05/10/2010