LE FILM DE LA SEMAINE – Jardin d’été (The Friends) de Somai Shinji

Posté le 4 juin 2025 par

Survivance poursuit son travail de remise en lumière de l’œuvre de Somai Shinji avec la ressortie en salles cette semaine, en copie restaurée, de Jardin d’été (The Friends), un des plus beaux récits d’enfance du réalisateur.

Pendant les vacances d’été, trois garçons s’amusent à espionner, avec des idées macabres en tête, un vieillard excentrique qui vit seul dans une maison isolée. Petit à petit, ils se rapprochent et découvrent un homme hors du commun.

Somai Shinji signe ici l’un de ses plus beaux portraits d’enfance dans une de ses œuvres relativement méconnues. Nous suivons ici trois jeunes garçons, Kiyama (Sakata Naoki), Kawabe (Oh Yasutaka) et Yamashita (Makino Ken’ichi) le temps d’un été où, comme souvent chez Somai, il sera question de découvertes pour des protagonistes juvéniles. Yamashita ayant perdu récemment sa grand-mère et Kawabe n’ayant jamais connu son père (dont il invente un passé et des métiers flamboyants dans une logorrhée mythomane) se découvrent une sorte d’obsession pour la mort.

Celle-ci est restée abstraite par l’incinération de la grand-mère de Shinji et du père absent de Kawabe, et ils souhaitent en avoir une vision concrète. Ils vont donc entraîner Kiyama dans l’espionnage d’un vieil excentrique du quartier (Mikuni Rentaro), son grand âge le rapprochant certainement d’une mort qu’ils pourront observer. Le vieillard, bien que vivant, traverse pourtant une existence guère gratifiante dans sa demeure délabrée qu’il ne quitte que pour de rares courses. Une complicité s’installe entre lui et ses poursuivants en culottes courtes, qui vont éclairer son quotidien tout en débroussaillant son jardin.

D’habitude, Somai orchestre un évènement extraordinaire (le typhon de Typhoon Club (1985), le divorce de Déménagement (1993)) pour marquer la bascule de ses jeunes héros. Rien de tout cela ici, où l’ambiance est essentiellement bienveillante et chaleureuse, la progression du récit se soumettant à ce que l’on apprend des personnages. La curiosité, la recherche de modèle masculin et une vraie amitié entraînent l’attachement des garçons pour leur aîné, qui se déride et se confie à eux le temps d’une nuit pluvieuse. La mort superficiellement recherchée par les enfants s’invite à eux à travers le passé douloureux de leur ami et les fantômes du Japon guerrier de la Seconde Guerre mondiale.

La jolie pastille d’été s’orne d’une gravité et d’une profondeur inattendue, mais la tendresse et la bienveillance la surplombe entièrement. Somai tisse un écrin chaleureux qui anticipe grandement les meilleurs opus d’un Kore-eda, notamment ceux qui captivent dans cette même approche sans conflit ni bascule dramatique comme Notre petite sœur (2015). L’onirisme cher au réalisateur s’estompe (même s’il peut s’inviter par intermittence comme lors de la belle dernière scène du puits, papillon et lucioles) pour quelque chose de plus concret, de plus ancré au sol, à la manière des fleurs que les enfants auront planté dans le jardin du vieillard qui à son tour a recouvré les racines du cœur (et des souvenirs) de son aimée. Une œuvre délicate, poétique et lumineuse.

Justin Kwedi.

Jardin d’été (The Friends) de Somai Shinji. Japon. 1994. En salles le 04/06/2025.