Récompensé l’an dernier par le prix Flyasiana pour son court métrage Hometown lors du 18e Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), le réalisateur Heo Ji-yun était cette année convié à présenter ses précédentes œuvres afin de faire plus ample connaissance. En plus de Hometown, deux autres courts ont donc été présentés : New Born de 2017 et Trevi de 2020.
La séance s’est ouverte avec la présentation de son premier court métrage, New Born, au sens religieux du terme. On suit un personnage trouble et troublé, In-soo, qui n’ose pas se rendre à la cérémonie funéraire d’un de ses camarades de classe, dont on comprend bientôt qu’il a été l’un des harceleurs. Le montage joue à alterner deux réalités, le présent, où sa foi chrétienne le ronge comme dans une relecture du sort de Lady Macbeth et le moment du crime où il se revoit persécutant son condisciple handicapé. Toute la mise en scène est au service de la perte de repères du personnage, qui voit le chemin de l’Enfer, qu’il s’est lui même dessiné, s’ouvrir devant lui. L’acteur donne une performance méritoire pour donner corps à ce personnage et rendre crédible sa tentative d’obtenir un pardon qu’il sait ne pas mériter.
Dans un autre registre, Trevi raconte l’histoire de Yubin, un enfant laissé perpétuellement seul dans son appartement qui observe à distance une classe de petites filles qui prend des cours dans une piscine ouverte sous sa fenêtre. S’inspirant de la fontaine de Trevi, découverte à la télévision, il décide de jeter une pièce dans la piscine, ce qui attire l’attention de Dawon, une petite fille au caractère aussi affirmé que le sien est fuyant. En une vingtaine de minutes le film présente la naissance de leur amitié, leur première déception sentimentale et ses conséquences, jusqu’à une héroïque réconciliation qui permet enfin de sortir Yubin de son confinement. Le court est structurellement simple, mais il se concentre sur la mise en scène des échelles, des regards qui changent les perspectives et, surtout de la relation douce amère entre les enfants, le tout au sein d’une photographie solaire qui contraste avec la noirceur froide de New Born. On ne peut que saluer la façon dont le réalisateur arrive à diriger ses jeunes acteurs dans ce très joli film.
La séances s’est achevée par la projection de Hometown, le film lauréat de l’an dernier. Un jeune homme se prend d’affection pour les poèmes que laisse tous les jours un individu mystérieux sur un tableau blanc, mais un jour les poèmes cessent de se renouveler. Ce film présente une méditation sensible sur les rapports humains, à travers une relation qui se crée de façon indirecte, le deuil et les processus d’aliénation. C’est le joli récit d’une rencontre sans rencontre, d’un deuil partagé pour un personnage resté hors champ. Dans la mélancolie de la ville nocturne, la question du rapport à la poésie comme horizon d’espoir est présentée comme une solution pour regagner une part de son humanité, le personnage qui s’isolait recommence à aller de l’avant en acceptant de remplir les pages blanches, en s’inscrivant dans la poésie qui le faisait rêver.
A travers ces trois films, on constate le goût du réalisateur pour des personnages solitaires, un peu en marge, observés de façon humaniste, dans une ville aliénante. Il s’attarde sur les regrets des personnages, sur les potentialités non choisies, avec une vraie délicatesse et un vrai goût pour la poésie mélancolique. Chacun de ses courts métrages est un peu plus long que le précédent, on espère que c’est un signe qu’il s’approche au fur et à mesure du long métrage. Pendant l’échange, il a évoqué son goût pour la marge et la complexité des tournages, Trevi étant en particulier bien moins ambitieux que ce qu’il imaginait. Si son perfectionnisme ne l’empêche pas de s’autoriser à à se lancer dans des projets plus complexes, on ne peut qu’espérer le retrouver bientôt avec ses prochaines œuvres.
Florent Dichy
New Born, Trevi et Hometown de Heo Ki-yun. Corée du Sud. 2017, 2020 et 2022. Projetés au FFCP 2024