VIDEO – Guerres de l’ombre de Ringo Lam

Posté le 5 septembre 2024 par

Dans son catalogue estival 2024, Carlotta Films nous gratifie d’un thriller d’espionnage implacable de Ringo Lam, Guerres de l’ombre (1990), disponible depuis le 20 août en Blu-Ray dans sa version restaurée 2k.

À Varsovie, l’ambassadeur américain et sa famille sont sauvagement assassinés par un groupuscule terroriste nommé Armée de libération internationale. Parent des victimes, l’agent de la CIA Gary Redner est déterminé à faire tomber le commanditaire, un certain Hannibal. Alors que la prochaine cible des terroristes serait une délégation américaine en route pour Hong Kong, Redner se rend sur place et fait équipe avec l’inspecteur Bong des renseignements généraux afin d’empêcher un nouveau massacre.

Pour sa première incursion à l’international, Ringo Lam s’éloigne quelque peu du brûlot politique et de l’esprit irascible de ses précédents films pour s’attaquer au thriller d’espionnage dans le contexte inflammable de la fin de la guerre froide et de la reconfiguration des grandes forces de ce monde. Mais Ringo étant qui il est, le ton est donné dès les premières minutes : une scène de fusillade dans une église comme réponse au The Killer (1990) de John Woo en guise d’introduction, puis des images qui flirtent avec les limites de la morale. La mort d’un nourrisson dans une explosion de grenade, une voiture qui écrase un macchabée sorti d’un cercueil jeté sur la route lors d’une course poursuite.

Entre la Pologne, Hong Kong et la Chine, Ringo Lam orchestre un minutieux jeu du chat et de la souris entre un agent de la CIA en quête de vengeance, interprété par l’américain Peter Liapis, et l’impitoyable Hannibal, chef d’un groupuscule terroriste baptisé Armée de libération internationale dont le rôle est endossé par Verson Wells, sorte de sosie série B de Richard Gere bien connu pour ses incarnations de grand méchant. Du côté des services de police hongkongais, l’inspecteur Bong, joué par Danny Lee, épaulera Gary Redner dans sa traque.

Entre masculinité toxique, manipulation et impulsions violentes, les personnages, tous détestables, attestent fort bien de la misanthropie sous-jacente du cinéaste. Guerres de l’ombre ne permet pas à ses héros de briller, trop occupés à s’embourber dans les complexités diplomatiques et à chercher gain de cause envers et contre toute forme de loi. « Hong Kong a peur », dit Hannibal depuis sa chambre d’hôtel panoramique laissant voir les derniers jours du port parfumé sous l’égide de l’Union Jack. L’anxiété latente de 1997 sert tout autant de toile de fond que de véritable mécanisme scénaristique, l’Armée de libération internationale et la CIA, porte-étendard de l’impérialisme américain, se servant de cette même peur à des fins différentes : « Je vais foutre la merde à la délégation du commerce, ils se croiront déjà en 1997 ». Les scènes de tir et de pyrotechnie offrent à Ringo Lam la catharsis qu’il cherche à atteindre dans le prolongement de sa filmographie, l’action comme riposte aux dérives de ce monde. Le résultat est peut-être plus convenu et moins « auteuriste » que de coutume, mais on ne boude jamais son plaisir devant cette expression cinématographique incandescente et typiquement hongkongaise comme Ringo Lam savait les réaliser.

BONUS

Présentation du film par Jean-Pierre Dionnet : le cofondateur de Métal Hurlant propose une courte présentation de Guerres de l’ombre, en remettant bien sûr le film dans son contexte de production et en proposant une première grille de lecture de la filmographie de Ringo Lam.

Richard Guerry.

Guerres de l’ombre de Ringo Lam. 1990. Hong Kong. Disponible en Blu-Ray le 20/08/2024 chez Carlotta Films.