EN SALLES – Dead or Alive: Final de Miike Takashi

Posté le 12 juillet 2024 par

Nous concluons notre revisite de la trilogie Dead or Alive de Miike Takashi distribuée par Splendor Films avec son troisième volet : Dead or Alive: Final.

Troisième film et troisième changement de décor puisque cette fois-ci, nous nous retrouvons propulsés dans le futur, en 2346, plus précisément. Dans ce Yokohama d’anticipation, le dictateur Woo a mis au point un système de contrôle de la population. En prenant une drogue obligatoire, les citoyens renoncent à leur fertilité et au fait de pouvoir fonder une famille, privilège qui ne semble réservé qu’à quelques rares collaborateurs du dictateur, comme Takeshi (Takeuchi Riki), chef d’une unité de police au service de Woo. Face à ce système injuste, un petit groupe de rebelles et leurs enfants illégaux tentent de s’opposer au dictateur Woo et/ou de quitter la ville en quête d’une vie meilleure. Entre alors en scène, Ryo (Aikawa Sho), un cyborg « replicant » (référence directe au bien connu Blade Runner), spécialiste du combat, qui décide de leur venir en aide.

Tout comme le second opus de la saga détonait du premier, en termes de lieu mais aussi d’ambiance, Dead or Alive: Final surprend une nouvelle fois en jouant davantage sur l’action et spécifiquement les arts martiaux, absents des deux premiers volets. Miike a collaboré avec une équipe hongkongaise sur ce projet, équipe ayant notamment travaillé pour Jackie Chan, et il est assez intéressant de voir le réalisateur investir un genre et des codes peu habituels de sa filmographie. A cet égard, le fait d’avoir sélectionné un casting quasi-intégralement hongkongais fonctionne également très bien. Miike revendique explicitement ce choix en faisant communiquer ses interprètes dans un mélange de cantonais, japonais et anglais, ce qui donne du relief à une représentation du futur relativement sobre sur le plan esthétique. En effet, outre un filtre jaune à faire pâlir Jean-Pierre Jeunet de jalousie et la fin du film, nous n’avons que très peu d’indices visuels de la période dans laquelle se déroule le film. Ce choix est probablement dû à un budget limité qu’à une véritable volonté artistique. Néanmoins, le fait de présenter des lieux dépouillés d’informations et très peu situés géographiquement fonctionne également très bien. Plutôt que d’opter pour des codes de la science-fiction établis tels que des voitures volantes ou autres implants cybernétiques, le futur nous est ainsi plutôt indiqué comme un monde vidé de ses marqueurs culturels. On poursuit donc une recherche d’abstraction progressive, après Dead or Alive: Birds qui s’éloignait des rues animées du quartier de Shinjuku du premier volet pour aller explorer la campagne japonaise. Cette fois, nous déambulons dans des quartiers défavorisés dont les appartements et autres habitats de fortune grisâtres pourraient se situer en périphérie de villes chinoises (comme c’est le cas ici) mais aussi européennes, sud-américaines, etc. Mêlé au brassage linguistique du film, ce dépouillement crée une ambiance très particulière et immersive.

Nos deux interprètes toujours fidèles au poste, quant à eux, achèvent leur trajectoire en parallèle. Après une trêve amicale dans Dead or Alive: Birds , Takeuchi Riki et Aikawa Sho ont désormais inversé leur rôle initial, puisque le premier joue un policier et le second, celui d’un outcast hors-la-loi. Or, là où le premier volet culminait par la destruction mutuelle des deux représentants de groupes sociaux opposés, Miike renverse la tendance pour les unir dans la destruction du pouvoir en place. Les deux compères, transformés en cyborg péniens, font enfin fi de leurs différents pour se fondre l’un dans l’autre et renverser la dictature de Yokohama. Pour la première fois depuis le début de la trilogie, ils cessent de subir un rôle prédéfini par leur supérieur, et le lien humain qui les unit triomphe. Quand bien même ce volet pourrait paraître encore plus surprenant que le second, tant cette trilogie explore les lieux et les genres, les thèmes abordés tout du long demeurent très cohérents. Ce final ajoute à l’œuvre un semblant de réponse après avoir questionné la modernité sous bon nombre de ses aspects au cours des films précédents, mais aussi de celui-ci.

Bien sûr, cet opus souffre de quelques défauts, notamment dans son rythme parfois inégal, dans la direction d’acteur de certains des interprètes hongkongais du clan des rebelles qui semblent ne pas être la priorité du réalisateur à côté d’Aikawa Sho, ou dans l’écriture des motivations du maire Woo. Malgré tout, lorsque la magie opère, on assiste à une nouvelle variation très intéressante sur les thèmes de l’union contre l’individualisme dans une société néolibérale qui tend à isoler ses citoyens. Un final qui ne tient pas toutes ses promesses mais aboutit à suffisamment d’enjeux pour qu’on soit tenté de lui pardonner.

Elie Gardel.

Dead or Alive: Final de Miike Takashi. Japon. 2002. En salles le 10/07/2024.

Imprimer


Laissez un commentaire


*