LE FILM DE LA SEMAINE – Les 7 Samouraïs de Kurosawa Akira

Posté le 3 juillet 2024 par

Pour célébrer le 70e anniversaire de le sortie initiale en salles au Japon des 7 Samouraïs de Kurosawa Akira, The Jokers ressort le film en grande pompe dans nos cinémas, dans une restauration 4K. Retour sur cette œuvre essentielle.

Kurosawa Akira n’en est pas à son premier film, ni même à son premier chef-d’œuvre, quand il se lance dans l’aventure Les 7 Samouraïs (Rashômon a été réalisé quatre années auparavant, en 1950). Par crainte d’ennui, Les 7 Samouraïs a été distribué en version lourdement coupée à l’étranger, empêchant de percevoir toute la profondeur du scénario (largement inspiré de faits historiques) et surtout l’aspect ambigu des personnages. Une des nombreuses forces du film réside dans la différence entre les samouraïs et les paysans. Kurosawa, à travers son étude de ces deux conditions, expose une critique du Japon en général, et de l’homme en particulier. Les samouraïs y sont dépeints comme recherchant l’honneur et la gloire, mais refusant de s’impliquer dans une cause qu’ils jugent misérable, comme protéger des paysans contre des brigands (et ce, en échange de riz blanc). Les sept samouraïs décidant d’aider les paysans démunis sont évidemment quelque peu différents, mais ne sont pas pour autant de bonnes âmes rêvant de défendre la veuve et l’orphelin. Le premier d’entre eux ne s’implique véritablement qu’après que quelqu’un lui a fait remarquer que ses grands principes ne coïncident pas forcément avec la réalité.

Les paysans, eux, sont loin d’être de gentilles personnes, comme semblaient le dire les versions tronquées du film. Leur terreur des brigands rivalise avec celle qu’ils ressentent face aux samouraïs, qu’ils voient comme n’étant là que pour séduire leurs filles (cet aspect semble si horrible que, quand le jeune samouraï du groupe succombe aux charmes d’une jolie villageoise, la caméra s’appesantit sur l’horreur ressentie par le père et les larmes de sa fille, comme s’il s’agissait d’un acte hérétique). Ce sont aussi des manipulateurs, moins démunis qu’ils ne le laissent paraître, et capables de terribles bassesses pour survivre, comme de dépouiller des samouraïs morts (voire de les achever s’ils ne sont que blessés). Kikuchiyo (incarné par Mifune Toshiro) représente le parfait maillon entre les paysans et les samouraïs, étant issu lui-même de la pauvreté, et il plonge régulièrement ses collègues dans l’effarement en mettant en exergue la grandeur de leur principe et la réalité du monde qui les entoure. Paysans et samouraïs semblent si incompatibles que le final montre d’un côté les paysans victorieux, de l’autre les samouraïs tout aussi victorieux, mais pourtant plongés dans la défaite la plus totale, lors d’un plan aussi emblématique que tétanisant et inoubliable.

C’est donc sans surprise qu’un film d’une telle puissance soit autant respecté et adulé. Dès l’année de sa sortie, il reçoit un Lion d’Argent à la Mostra de Venise (alors qu’il était présenté en version coupée) et a largement contribué au succès du cinéma japonais dans le monde. Même s’il est très ancré dans la culture japonaise, Les 7 Samouraïs possède une dimension aisée à appréhender par les Occidentaux. Le film a d’ailleurs été remaké (avec talent), devenant Les 7 Mercenaires. Et dès les années 80, il a été possible de le découvrir en version intégrale, et de plonger dans la vie japonaise de l’époque, tandis que nos paysans cherchent à recruter les samouraïs qui vont les aider, acceptant pour se faire de se priver au-delà du raisonnable. Quand enfin un samouraï accepte de s’investir, il se charge de recruter les autres. La deuxième partie se concentre sur l’affrontement, entre tactiques, réflexions, plans d’attaques et actions sauvages, la maestria de Kurosawa étant perceptible à chaque plan et, malgré les craintes des distributeurs de l’époque, l’ennui jamais instauré.

Yannik Vanesse

Les 7 Samouraïs de Kurosawa Akira. Japon. 1954. En salles le 03/07/2024

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