NETFLIX – Parasyte: The Grey de Yeon Sang-ho

Posté le 27 avril 2024 par

Disponible depuis le 5 avril sur Netflix, Parasyte: The Grey propose une adaptation, ou plutôt relecture du manga japonais éponyme, en la transposant en Corée du Sud, avec aux commandes le metteur en scène Yeon Sang-ho, réalisateur entre autres de Dernier train pour Busan. Sur le papier, c’est une belle promesse de divertissement qui nous est faite. A l’arrivée, le résultat est au mieux décevant, au pire catastrophique.

Parasyte est un manga, nommé Parasite, crée par Iwaaki Hitoshi. Dans cette œuvre, nous faisons la connaissance de Izumi Shinichi, jeune homme timide et effacé. Alors qu’il mène une existence plutôt monotone, son destin va rapidement être perturbé par l’arrivée d’un parasite extraterrestre, venu avec ses congénères conquérir la Terre. Ces parasites s’introduisent dans le cerveau de leurs hôtes et en prennent le contrôle. Mais le parasite Migi, venu prendre possession de Shinichi, va échouer et ne réussira qu’à prendre possession de la main droite son hôte. Les deux êtres vont alors devoir cohabiter et affronter d’autres parasites beaucoup plus belliqueux et dangereux. Parasite est un manga créé par un homme qui connaît ses classiques (L’Invasion des profanateurs de sépultures en tête) et qui parvient à aller au-delà de son postulat fantastique pour dresser un portrait d’un homme qui va progressivement perdre son humanité alors que son parasite va petit à petit s’humaniser. Une série monstre, passionnante et devenue un classique du manga contemporain, qui aura droit à une adaptation animée ainsi qu’un film live action. Aussi, la perspective de voir Netflix s’y intéresser pour l’adapter au Pays du Matin calme peut intriguer. Qui plus est, y voir rattaché le nom d’un réalisateur rodé au film fantastique, rayon zombie, et à la série avec notamment Hellbound (déjà pour Netflix) est plutôt rassurant. Malheureusement, la série The Grey ressemble plus à un massacre en règle qu’à une adaptation.

Pourtant, l’entreprise partait d’une idée somme tout acceptable : proposer un spin-off de l’œuvre originale. Car oui, Parasyte: The Grey n’a (presque) aucun lien avec la trame originelle. On ne suit plus Shinichi et Migi mais, Jeong Su-in, une jeune femme à la vie compliquée (père emprisonné et mère absente) qui va se faire violemment agresser par un malade mental qui va la laisser pour morte. Alors qu’elle est sur le point de rendre l’âme, un parasite extraterrestre prend possession de son cerveau, mais en usant trop violemment de ses pouvoir pour ressusciter son hôte, il réalise qu’il ne pourra pas la contrôler complètement. Jeong Su-in va rencontrer Koo, un délinquant qui veut sortir sa sœur d’une secte, et surtout l’agent Lee Jung-hyun, chef d’escouade du Grey, organisation qui traque les parasites qui visiblement ont lancé un projet de contrôle de l’espèce humaine. Il y avait donc matière à produire une série avec son lot de paranoïa, d’action et de drame. Mais en seulement six épisodes, la série n’arrive à atteindre aucun de ses objectifs.

Le scénario est à l’image du plan d’invasion des parasites, c’est-à-dire qu’il ne se passe absolument rien pendant quatre épisodes si ce n’est la poursuite de la jeune infectée par le Grey à travers la Corée. Le grand projet alien n’arrive qu’au bout du cinquième épisode et est expédié en 30 minutes. Pourtant, malgré ce démarrage tardif, on peut l’accepter si la traque du Grey arrive à générer du stress et de la tension, en jouant la carte de la chasse à l’homme (et à l’alien). Manque de chance, même sur ce point le script n’arrive à rendre toutes ces péripéties intéressantes. On passe d’une planque à l’autre, parfois les héros rencontrent d’autres parasites, se battent et repartent sur la route. Qui plus est, la série renoue avec nombre de productions coréennes qui avaient tendance à faire passer les forces de l’ordre pour des sacrés incapables. Ici, les agents du Grey sont toujours à la ramasse, représentés comme une organisation sur-armée et sur-équipée mais incapable de coincer un 4×4 sur une autoroute. Et comme il ne se passe pas grand chose, il faut bien l’avouer, la série se livre à du remplissage à base de traumas enfantins, voyages psychédélique dans l’esprit partagé de son héroïne et clins d’œil lourds pour expliciter la situation de la jeune femme (lorsque le parasite prend le contrôle, le compagnon de route de la femme l’appelle Hyde / Heidie. Impossible de faire plus indigeste). Et lorsqu’arrive le grand final, le climax fait office de pétard mouillé tant la tension n’a jamais vraiment grimpé durant ce qui a précédé.

Pourtant, le script a clairement de très bonnes idées en magasin pour pimenter le road trip des deux héros. Le personnage de l’agent Lee est à ce titre plutôt intéressant, femme devenue machine à tuer du parasite et qui se sert de son mari infecté comme chien de chasse sur le terrain. Parfois des scènes d’action essaient de donner du frisson et du spectacle au spectateur, comme celle de l’embuscade sur un pont où nos héros se font attaquer par les parasites en plein embouteillage sur un pont. Une séquence qui évoque un mélange improbable de la scène d’exfiltration de Mission Impossible 3  et de L’Armée des morts. Mais on touche ici un autre problème majeur : la mise en scène catastrophique de Yeon Sang-ho.

Réalisateur remarqué à ses débuts avec The King of Pigs et le sur vitaminé Dernier train pour Busan, la suite de sa filmographie affiche une perte de qualité assez remarquable. Entre un Peninsula poussif, et deux films pour Netflix (Psychokinesis et Jung-e) qui assuraient juste le minimum syndical en matière de mise en scène, on se demandait à quel moment le réalisateur allait redresser la barre. La réponse est arrivée assez rapidement avec l’adaptation de la bande dessinée Hellbound qui, si elle affichait quand même de sacrés défauts d’écriture, arrivait à retranscrire l’ambiance de pré Apocalypse de l’œuvre originale tout en offrant de belles fulgurances ultra violentes. Mais avec Parasyte, on assiste à une régression dans la mise en scène et la direction artistique.

La scène d’introduction donne tout de suite le ton de ce qui va suivre. Un parasite tombé du ciel avec ses congénères échoue en pleine rave party en Corée. Il s’en va contaminer un fêtard qui va se transformer et faire un massacre dans la foule à grand coup de tentacule tranchant, appendice sortant de la tête des infectés en tourbillonnant. La scène est mal découpée, bourrée d’effets numériques d’une laideur indescriptible et ne sert qu’à montrer le potentiel meurtrier des parasites. On notera à propos des effets spéciaux que, sciemment ou non, toutes les scènes de manifestation alien ont lieu de nuit, ce qui est quand même pratique pour camoufler leur qualité médiocre. Toute la série va être à l’aune de cette séquence. Yeon Sang-ho assure juste ce qu’il faut derrière la caméra, pas aidé par une direction artistique qui ne se donne jamais les moyens de ses ambitions. On ne compte plus les affrontements qui ont lieu dans des décharges ou des entrepôts abandonnés, et qui peinent à rassembler plus de cinq figurants à l’écran pour affronter les héros. Le script offre au cinéaste des bonnes idées mais il ne s’en servira pour ainsi dire jamais convenablement (une poursuite dans un parc d’attraction désaffecté qui se termine, encore, dans un hangar). Pire encore, Yeon Sang-ho se révèle piètre directeur d’acteurs, forçant ceux-ci à surjouer leurs émotions, ou plutôt absence d’émotion, ce qui rend assez gênantes les scènes durant lesquelles les contaminés sont forcés de simuler leurs joies ou étonnements pour ne pas se faire griller par les agents du Grey. Mais comme dit plus haut, les forces de l’ordre ne sont pas malignes et donc n’y voient que du feu.

Le plus frustrant, dans cette entreprise prenant l’eau de partout est que le metteur en scène se réveille et emballe des séquences dont la qualité technique supérieure détonne avec le niveau moyen, voire passable, de l’ensemble. On pensera par exemple à une poursuite en moto en plan séquence qui même si elle ne semble avoir été filmée ainsi pour en mettre gratuitement plein les yeux, fait son effet. Même remarque lors de l’assaut sur le pont, où le personnage de l’agent Lee enragée extermine à la chaîne et au fusil à pompe une nuée de parasites. L’on se dit que si toute la série avait été à ce niveau, le visionnage aurait été moins pénible.

En conclusion, inutile de s’éterniser sur cette mini-série, qui n’arrive jamais à se montrer à la hauteur de l’œuvre originale et se montre consternante du début à la fin. Seule (maigre) raison d’espérer, la scène finale qui, au détour d’un caméo et d’un serrage de main lourd en signification pour qui a suivi le manga, promet un retour aux sources qui ne peut être que salutaire pour la série.

Romain Leclercq.

Parasyte: The Grey de Yeon Song-ho. Corée. 2024. Disponible sur Netflix