VIDEO – From Beijing with Love de Stephen Chow et Lee Lik-chi

Posté le 24 novembre 2023 par

Avant de se faire connaître sur la scène internationale avec des films comme Shaolin Soccer ou Crazy Kung-Fu, Stephen Chow était déjà bien installé comme star incontournable du cinéma de divertissement de hongkongais. Grâce à Spectrum Films, nous avions pu découvrir le délirant Flirting Scholar en vidéo. Un autre long-métrage est proposé : From Beijing with Love. Une autre chance de découvrir le talent comique de son interprète et coréalisateur, Stephen Chow.

From Beijing with love propose un sujet et un script qui n’ont sur le fond rien d’original. Le film sera a priori une parodie des films de la saga James Bond. Un choix que l’on peut qualifier de presque trop facile, la saga du célèbre agent secret étant une mine sans fond pour qui voudrait en faire une relecture parodique, mais qui peut aussi présenter un certain challenge, pour qui bien sûr souhaiterait innover dans le pastiche, justement. A ce petit dilemme, le film va répondre de manière plutôt surprenante, à savoir opter pour les deux styles différents dans un même film. Un mélange pas forcément très délicat par moment mais qui sait faire preuve d’originalité dans sa mise en scène et sa volonté de divertir son public.

Le script est d’une simplicité quasi enfantine. Le crâne d’un dinosaure est volé lors d’un transfert en camion, et l’agent secret envoyé pour le récupérer est abattu par un homme appelé Pistolet d’or. A court d’idées et surtout de bons éléments, les services secrets font appel à Ling Ling Chat, alias 007, agent peu qualifié, mis au placard et reconverti en boucher d’exception. Accompagné de la mystérieuse Siu Kam, il va enquêter sans se douter qu’une sombre machination se joue contre lui. D’emblée, on pourra trouver un peu grossier qu’un film que ne fasse aucun effort pour camoufler son statut de parodie éhontée de James Bond. Du nom de son héros, en passant par le Pistolet d’or (en référence bien sûr à l’épisode Bondien avec Roger Moore et Christopher Lee), la référence n’est pas des plus subtiles. Sur la forme également, le premier quart d’heure a de quoi décourager, tant le film enchaîne sans vergogne les emprunts plus ou moins éhontés à l’univers cinématographique de Bond, qu’ils soient narratifs (infiltration, assassinat de quelques adversaires) ou sonores (le thème de notre héros reprend les quatre premières notes du classique de John Barry sans aucun changement). Même le générique, s’il parvient à arracher quelques sourires, notamment grâce à Chow qui fait le clown en ombre chinoise, n’y fait pas exception.

Mais, dès lors que le comédien entre en scène, le film parvient à se détacher complètement de son influence et de son label ‘Parodie lourdingue de James Bond‘ pour trouver sa propre identité, à savoir un film d’espionnage par Stephen Chow. Et pour faire rire et divertir son public, il ne s’arrêtera jamais. Fonctionnant au concept du « Une scène = Un gag », le film est une suite sans fin de blagues, maniant avec brio aussi bien les comiques de situation que de dialogue. Mais le style du monsieur peut cependant parfois paraître un peu trop excessif, aux frontières de la lourdeur. Stephen Chow veut faire rire, et c’est une rafale presque ininterrompue de gags pendant près d’1h15. La plupart du temps, les blagues font mouche grâce à la mise en scène de son réalisateur, qui signait ici son premier long-métrage (avec Lee Lik-chi), et qui devant la caméra s’en donne à cœur joie dans son rôle d’agent secret souvent à côté de la plaque mais véritable machine à tuer. Un agent pas très doué accompagné d’Anita Yuen, dans un rôle de tueuse dépassée par les évènements et la bêtise stratosphérique de sa cible à abattre. A l’écran, la complicité entre les deux comédiens est parfaite, offrant au film des scènes franchement hilarantes au timing comique parfait (vous y trouverez la première scène d’anesthésie par film porno de l’histoire du cinéma) et Chow arrive même à se détacher de la parodie de Bond pour se moquer du genre avec ses éléments incontournables comme les gadgets, ici tous plus inutiles les uns que les autres.

Cependant, l’humour, et les excès de zèle de Chow pour faire rire son public ratent parfois leurs cibles et alourdissent le film. Qu’ils s’agissent de gags visuels quelque peu gênants à regarder – on pensera à une scène dans laquelle Siu-Kam, blessée aux bras se dandine comme un chimpanzé – ou de dialogues qui sonnent parfois trop forcés pour être drôles, le film ne met pas dans le mille à tous les coups. On remarquera aussi que Chow et son coréalisateur osent parfois des excès de violence assez étonnants, et qui même s’ils prennent place dans un contexte comique clairement assumé, n’en demeurent pas moins brutaux et hors-sujet, à l’image d’une exécution sans somation d’un père devant son fils, dont on cherche encore l’utilité dans le récit. Quelques gags tombent aussi à l’eau, la faute à un comique de répétition pas toujours très efficace, à l’image de la scène de valise trampoline, beaucoup trop longue pour son propre bien.

Cependant, malgré ces quelques cafouillages, le fait est que l’on ne s’ennuie jamais devant From Beijing with Love, comédie d’action qui s’assume comme telle du début à la fin, avec un comédien/metteur en scène qui connait ses classiques de la comédie et du cinéma d’action, qu’il soit américain ou hongkongais. Un cinéma auquel Chow rend d’ailleurs un hommage sincère dans sa scène d’introduction avec son héros, un pistolet dans chaque main, en plein saut et mitraillant ses adversaires au ralenti. On a connu pire comme référence cinéphile pour filmer une scène d’action dans un métrage qui se veut généreux et sincère.

Bonus 

Présentation du film par Arnaud Lanuque : dans ce court entretien, le spécialiste du cinéma hongkongais revient sur le contexte culturel de la production de From Beijing with Love, en remettant en avant l’énorme influence du cinéma occidental et son succès au box-office local, notamment celui de la saga James Bond. Succès qui engendra nombre de « réadaptations » locales, entre copies éhontées et réelles réappropriations orientales du mythe de l’agent secret. Un éclairage est fait aussi sur les carrières et parcours de Stephen Chow et Lee Lik-chi. Une vidéo très intéressante à voir avant le film de préférence.

Making of Mo Lei Tau , entretien avec Lee Lik-chi : un entretien avec le metteur en scène Lee Lik-chi, co-réalisateur du film avec Stephen Chow. Au cours de l’interview, il revient plus précisément sur son parcours, des ses débuts à la télévision de Hong Kong jusqu’à ses collaborations avec Stephen Chow. Il aborde de manière didactique et passionnante le Mo Lei Tau, un genre d’humour absurde propre à Hong Kong mais très influencé par les comédies américaines. Si le module est souvent passionnant et rempli d’anecdotes (il n’est pas peu fier d’avoir réussi à avoir eu Gong Li dans un de ses longs-métrages), le metteur en scène se montre parfois très critique vis à vis du milieu du cinéma (« On n’a rien inventé, on a juste adapté au public chinois« ) et semble quelque peu fâché avec Stephen Chow dont il critique les velléités de devenir metteur en scène sans en avoir les épaules.

Romain Leclercq.

From Beijing with Love de Stephen Chow et Lee Lik-chi. Hong Kong. 1994. Disponible dans le coffret Stephen Chow paru chez Spectrum Films en août 2023.

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