Ce vendredi 30 juin 2023 au Studio des Ursulines à Paris, les équipes du Festival Allers-Retours projettent les courts-métrages de Tang Yi lors d’une séance exceptionnelle qui sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice chinoise. Seront présentés Black Goat (2019), la Palme d’Or du court-métrage All the Crows in the World (2021), Yokelan, 66 (2022), ainsi qu’un court-métrage mystère et inédit.
La réalisatrice Tang Yi, étoile montante originaire de Hong Kong, s’est fait une place confortable dans le paysage du cinéma chinois contemporain au cours de ces dernières années. Elle étudie le cinéma à la Tisch School of the Arts de New York avant de retourner sur le continent chinois pour y réaliser ses premiers projets. Derrière son jeune talent se cache tout autant d’audace qu’une volonté de conférer des atours singulièrement sarcastiques et féminins aux conventions de la société moderne dont elle se moque avec impudence. Ses métrages semblent également toujours nourris de sa propre expérience en tant que femme.
Le premier, Black Goat (2019), prend place dans un monastère bouddhiste du Népal où une jeune nonne a ses premières règles et se retrouve confrontée aux visions archaïques de cette expérience. Tang Yi confie en entretien que sa mère lui fermait les portes du temple lorsqu’elle avait ses règles, la croyant impure pour un tel lieu. La cinéaste détourne alors habilement la gravité de son sujet en plongeant son héroïne dans la paranoïa mystique. Le court-métrage prend une tournure comique inattendue et se laisse savoureusement déguster pour son humour macabre et licencieux.
Dans la suite logique des choses, Tang Yi réalise All the Crows in the Word (2021), un coming-of-age absurde inspiré de son vécu qui sera couronné d’une Palme d’Or au Festival de Cannes. On y suit Shengnan (interprétée par Chen Xuanyu), une jeune étudiante hongkongaise invitée à une mystérieuse fête par sa cousine. Les deux femmes se retrouvent dans un monde d’hommes vulgaires et opulents. Parmi eux, Jianguo (interprété par Xue Baohe) se détache : il est gay. Tang Yi maîtrise à la perfection son comique de situation, le registre absurde, et assoit toujours plus son adresse en matière de sarcasme. Elle dévoile au monde un univers chinois contemporain empêtré dans les excès, le vice et la luxure, tout en s’armant d’un propos moral et féministe diablement efficace en l’état. Tang Yi ne semble pas répondre à quelconque attendu concernant sa signature esthétique et se permet de voguer où bon lui semble en créant des images qui s’adaptent le mieux à son sujet, son lieu, son époque.
Yokelan, 66 (2022), court-métrage commandé par Vogue China, confirme bel et bien que Tang Yi n’est à ranger dans aucune case préétablie, en ce que ce projet se distingue radicalement de ses autres créations. Un vent de nostalgie souffle sur New York où une vieille femme participe à des cours de danse dans l’espoir de retrouver l’amour qu’elle a vécu à Chinatown dans les années 1960. Moins personnel au vu des deux précédents métrages, Yokelan, 66 n’en reste pas moins un exercice de style rondement bien mené par une réalisatrice désormais affirmée, qui ose convoquer un répertoire prestigieux fait de noms comme Wong Kar-wai, Hou Hsiao-hsien ou Edward Yang.
Enfin, les équipes d’Allers-Retours ont projeté un film mystère de Tang Yi, encore en cours de production : Ashes, à propos d’un vieil homme désirant perdre sa virginité en présence de l’urne de sa défunte mère. Un court-métrage étrange et obscène, volontairement indécent, qui maintient le statut d’auteur inclassable et déhonté de Tang Yi. Une rétrospective complète n’annonçant que du bon pour la suite de la carrière de cette réalisatrice qui fait de la surprise et de l’excentricité, entre autres, sa marque de fabrique.
Richard Guerry.
Courts-métrages Black Goat, All the Crows in the World, Yokelan 66 et Ashes de Tang Yi. Népal, Hong Kong, Chine, USA. 2019, 2021, 2022, 2017. Projetés le 30/06/2023 à 19h45 au Studio des Ursulines à Paris par le Festival Allers-Retours.