MUBI- Je suis un cyborg de Park Chan-Wook

Posté le 25 novembre 2022 par

Je suis un Cyborg, sorti en 2006, est sans doute une des œuvres les plus méconnues de la  filmographie de Park Chan-wook. Actuellement disponible sur MUBI, on vous propose de vous pencher sur ce film du célèbre réalisateur coréen qui, loin d’être mineur, est au contraire un élément clef de son parcours cinématographique. 

Young-goon, une patiente d’une clinique psychiatrique, est persuadée d’être un cyborg. Sa vie change le jour où Il-soon est admis. Celui-ci pense posséder la capacité étrange de voler les qualités des gens qu’il observe. Il ne faut pas longtemps pour qu’ils tombent amoureux.

C’est le premier long métrage du réalisateur après JSA et sa désormais culte trilogie de la vengeance (Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance). Il avait pour ambition initiale de se lancer dans un film de vampires, ce qui donnera Thirst en 2009. Pourtant, avant de réaliser Thirst, il décide de faire un film à la destination de ses enfants, qui prend ses distances avec son appétence pour les films noirs et l’hémoglobine afin d’aller vers plus de lumière et de légèreté. Il nous offre alors une comédie aussi loufoque qu’amusante. Pour autant, dès les premiers mouvements de caméra circulaires, les premiers gros plans sur sa protagoniste à la crinière bouffante, les premières notes de Jo Yeong-wook et la frénésie du rythme, on est en terrain familier et on sait à qui on a affaire. 

Qu’est-ce que le cinéma de Park Chan-wook si ce n’est un cinéma qui parle d’amour ? Aussi impactant que soit habituellement son cinéma par ses histoires, ses twists ou ses scènes de violence crue, ce qui définit et parcourt tous ses films, c’est bien le thème de l’amour. En effet, chacun de ses films, Old Boy, Mademoiselle ou encore le dernier Decision to Leave, développent à chaque fois des relations amoureuses aux caractères complexes. C’est peut-être avec ce film que cet aspect de son cinéma apparaît pour la première fois aussi clairement. Les personnages en huis-clos dans cette clinique psychiatrique sont coupés des âpretés et de la dureté du monde extérieur. Un cocon protecteur qui laisse libre place à l’expression de leur intimité et de leurs sentiments. Une expression d’autant plus libre que ces “fous” ne se contrarient pas avec les normes établies par la société. Un cadre sans jugement, ni même de la part de son réalisateur qui permet aux personnages d’accorder leurs intériorités avec leur extériorité. Dans cet environnement filmique épuré et déjanté ne reste que la romance entre les deux protagonistes comme force motrice du récit. De manière plus explicite encore que dans d’autres de ses films, la relation amoureuse est quelque chose de véritablement vertigineux en tant qu’elle est absolue. Ici, les personnages se retrouvent dans leur folie et se l’alimentent réciproquement jusqu’à en partager le même univers. Le plus touchant dans cette histoire est sans doute cette idée que l’empathie et l’amour sont sûrement ce qu’il y a de plus universel, capables de rapprocher les individus entre eux, aussi éloignés soient-ils. 

A travers une comédie romantique peuplée de personnages hauts en couleurs, Park Chan-wook semble faire une pause dans sa filmographie. Cependant, c’est peut-être son film qui traite le plus à cœur ouvert de l’amour, grâce à une folie qui s’affranchit de toutes les barrières. Un long-métrage d’apparence plus léger et moins criant que ce pourquoi on le connaît, mais qui affirme l’ambition romantique de son cinéma : l’amour comme un vertige absolu.

Rohan Geslouin

Je suis un cyborg de Park Chan-wook. Corée du Sud. 2006. Disponible sur MUBI