Cet été, France.tv nous régale avec toute une série de films issus du meilleur de la japanimation. L’occasion de vous parler d’un des premiers films de Takahata Isao, cofondateur des studios Ghibli : Kié la petite peste, son deuxième long-métrage sorti en 1981 au Japon. Le film est aussi connu sous le titre de Jarinko Chie, qui signifie littéralement « Kié la môme/cancre », car Kié n’a rien d’une peste, bien au contraire.
Takahata Isao est le réalisateur incontournable, aux côtés de Miyazaki Hayao, des studios Ghibli. Un maître de l’animation qui peut être considéré à juste titre, de la même façon que son confrère, comme un des pères fondateurs du cinéma d’animation japonais. Les 9 long métrages qui constituent sa filmographie se démarquent par leur grande diversité, aussi bien dans le style du dessin que dans leur propos. Souvent, Kié la petite peste est considéré comme l’œuvre mineure et méconnue de sa carrière, éclipsée par de plus flamboyants succès tels que Le Tombeau des lucioles ou Pompoko. Et pourtant ! Son génie et les thèmes qui lui sont chers imprègnent déjà ce deuxième long-métrage.
Adaptée de la série de manga éponyme, Kié la petite peste, on y suit la jeune Kié qui vit dans un quartier populaire d’Osaka. A cause d’une situation familiale plutôt compliquée, elle devient la reine de la débrouillardise et du système D. Avec l’aide de ses grands-parents et de son insolent chat, elle tente de faire fonctionner la petite gargote paternelle, tout en gérant les frasques de son géniteur, un oisif invétéré que tout le quartier surnomme : « Testu, le bon à rien ». Mais Kié ne rêve que d’une chose : une vie de famille… normale.
C’est une comédie “tranche de vie” assez touchante et intimiste. Tous les personnages y sont extrêmement attachants et sensibles, aussi bien Kié que les yakuzas. Le film gravite autour du personnage de Kié, un personnage féminin fort et débrouillard, qui sait tenir tête aux plus durs à cuire. Elle excelle en sport, en astuces, personne ne peut la duper et elle ne manque jamais de répartie. Avec ses responsabilités de tenancière de bar, on pourrait croire une adulte tant elle a de responsabilités sur ses épaules. Pourtant, le film crée le contraste en nous ramenant régulièrement à ses préoccupations d’enfant malgré cette carapace qui lui permet d’affronter son quotidien. Principalement, dans ses moments de solitude ou avec sa mère, elle reprend l’habit de son âge. Kié la petite peste est aussi doux que parlant de voir cette petite fille essayer de “tenir la baraque”, d’avoir une famille fonctionnelle, une vie normale, tout en gardant toujours le sourire aux lèvres. Le quartier populaire d’Osaka dans lequel évolue Kié ne manque pas de souligner des thématiques sociales propres au Japon de l’époque tels que l’alcoolisme, la toxicité masculine du père, la fracture sociale entre les parents, et les bas-fonds d’Osaka. Cependant, le film n’est jamais misérabiliste et offre toujours un regard bienveillant sur cette réalité. On saura même y déceler de par ses paysages urbains et thèmes musicaux une ambiance très City Pop propre aux années 80 japonaises. De quoi rajouter une touche de nostalgie à un film qui l’est déjà dans sa nature.
Bien évidemment, Kié la petite peste, même avec une note intimiste, sensible et sociale, reste une comédie hilarante. Potentiel comique qu’a démontré plusieurs fois par la suite Takahata avec des films d’animation comme Pompoko ou Mes voisins les Yamada, deux films qui ont beaucoup à voir avec Kié la petite peste. On enchaîne donc plusieurs saynètes de la vie quotidienne toujours servies par du comique de situation (le marathon, la préparation de l’omelette, l’école etc.). L’humour naissant du décalage, la maturité et la répartie de la petite Kié offrent de belles tranches de rire tout le long du visionnage. Les enfants effrontés, culottés et alertes sur le monde des adultes est un ressort comique récurrent dans l’animation japonaise. L’exemple le plus célèbre est sans aucun doute la série animée Crayon Shin-chan née dans les années 90.
C’est donc un beau film d’animation tout aussi drôle que sensible que nous propose Takahata Isao. Un film que l’on devrait voir dès son plus jeune âge !
Rohan Geslouin
Kié la petite peste de Takahata Isao. Japon. 1981. Disponible sur France.tv