Distribué en 1967, Hong Gil-dong est le premier long métrage d’animation sud-coréen. Grand succès à l’époque, il a ouvert la voie à l’animation en Corée du Sud. Retour sur la genèse de cette pierre angulaire du cinéma coréen, aujourd’hui disponible en libre accès grâce à la Korean Film Archive.
Ce premier long métrage d’animation sud-coréen reprend la célèbre histoire de Hong Gil-dong, fils illégitime d’un aristocrate et d’une servante, qui s’oppose au pouvoir féodal pour venir en aide à la veuve et l’orphelin. Un Robin des Bois coréen. L’histoire de Hong Gil-dong est apparue pour la première fois au début du XVIIè siècle dans le roman de Heo Gyun, considéré comme le premier roman écrit en langue hangul. Grande figure de fiction coréenne, les aventures de Hong Gil-dong ont été adaptées en bandes-dessinées, en films, en séries télévisées et en jeux vidéo.
La Korean Film Archive a eu la bonne idée de créer une chaîne Youtube sur l’animation coréenne et propose, entre autres classiques, de voir, sous-titré en anglais, la version restaurée de Hong Gil-dong. Longtemps considéré comme perdu, le film a en effet été restauré en 2008 à partir d’une copie retrouvée au Japon. Les détails de la restauration du film sont expliqués ici.
Une brève mis en contexte s’impose : à partir de 1962, quelques mois après le coup d’État militaire conduisant Park Chung-hee au pouvoir (il fut Président du pays jusqu’à son assassinat en 1979), la distribution cinématographique sud-coréenne est soumise à des quotas pour privilégier la production nationale et réduire les influences étrangères. Disney était l’un des rares studios étrangers à distribuer ses films d’animation en Corée du Sud, via Seki Productions. Notons que les États-Unis étaient politiquement et économiquement un grand soutien de la Corée du Sud, y compris du régime autoritaire de Park Chung-hee, en période de Guerre froide et de lutte contre le communisme.
En 1965, Seki Productions décide de financer l’animation nationale avec le projet Hong Gil-dong, porté par les frères Shin Dong-heon (au scénario) et Shin Dong-wu (au dessin), soutenus par une équipe d’animateurs et de coloristes. Shin Dong-wu publie depuis février 1965 une bande-dessinée à succès dans le quotidien Chosun Ilbo : Hong Gil-dong, une adaptation du roman du XVIIè siècle, narrant les aventures du fils illégitime d’un aristocrate et d’une servante qui fuit sa ville natale et rejoint des brigands pour détrousser les puissants et venir en aide aux pauvres, victimes du système féodal. Si Shin Dong-wu s’appuie sur le roman original de Heo Gyun, il y ajoute des intrigues et des personnages secondaires, notamment son acolyte Chadol Bawi (littéralement « solide come un roc ») et Maître Baekun, un professeur d’arts martiaux aux pouvoirs surnaturels. Shin Dong-wu mettra le point final à sa bande dessinée en 1969.
La création de Hong Gil-dong ne s’est pas faite sans heurts. Un véritable travail d’artisans. Shin Dong-heon et son équipe ont utilisé la technique d’animation sur cellulo qui consiste à dessiner directement sur une feuille de plastique transparent les éléments destinés à être animés, les couleurs étant peintes au verso. Grâce à la transparence de ces feuilles, on peut superposer plusieurs cellulos et créer des scènes complexes sans devoir redessiner les éléments statiques d’arrière-plan. Un labeur minutieux et chronophage… qui demande du cellulo ! Après la Guerre de Corée, l’armée américaine a mené des opérations de surveillance aérienne et a utilisé des films cellulo pour développer ses photos. L’équipe du film a acheté une partie de ce cellulo, disponible à la vente, et l’a nettoyée pour s’en servir comme matériau principal. Autre technique expérimentée par l’équipe : la multiple exposition (superposition de deux ou plusieurs pellicules) pour mieux figurer les ombres de personnages.
Hong Gil-dong sort en salles le 21 janvier 1967. Avec plus de 100 000 entrées en quelques jours, c’est le deuxième plus grand succès de l’année. Les frères Shin récidiveront en août 1967 avec Hopi et Chadol Bawi, spin-off de Hong Gil-dong qui s’attache au personnage de Chadol Bawi, toujours en lutte contre les autorités corrompues et au service des pauvres.
En 1969, Seki Productions sort Général Hong Gil-dong, la suite de Hong Gil-dong. Cette fois-ci, le film est signé Yong Yu-su, les frères Shin ayant quitté la société de production. On retrouve Yong Yu-su les années suivantes pour d’autres films d’animation : Prince Hodong et Princesse Nakrang (1970), Lighting Atom et Le Retour de Lighting Atom (1971), soit une déclinaison coréenne d’Astroboy de Tezuka Osamu, et The War of Great Monsters (1972), largement inspiré de la franchise japonaise Godzilla. L’animation était bien installée et elle était là pour durer.
Marc L’Helgoualc’h
Hong Gil-dong de Shin Dong-heon. Corée du Sud. 1967. Disponible sur la chaîne Youtube de la Korean Film Archive