Après un premier opus, PTU, qui a fait date, Johnnie To met en production plusieurs suites via sa société Milkyway Image. Toutes sont des téléfilms, sauf une, Tactical Unit: Comrades in Arms qui est prévu pour le grand écran. Le film sort en 2009 et est réalisé par Law Wing-cheong, à qui l’on doit déjà Tactical Unit: The Code.
L’inspectrice Kat a été promue et dirige maintenant l’unité de Sam, en plus de la sienne. La rivalité est forte entre les deux groupes de policiers de la Police Tactical Unit. Ils devront mettre leurs différends de côté lorsqu’une bande de braqueurs chinois doit être arrêtée à la frontière, dans une zone forestière et bosselée.
Comrades in Arms est censé conclure la saga PTU initiée par Johnnie To en 2003. Avec les scénaristes originaux Au Kin-yee et Yau Na-hoi, le réalisateur heureux de la première suite et une distribution en salles, on imaginait quelque chose de grandiose. Le film manque pourtant ses objectifs à plusieurs endroits.
Pour ce qui est de la diégèse PTU, même si l’on retrouve les trois protagonistes principaux joués par Maggie Siu, Lam Suet et Simon Yam, leur caractère semble avoir brusquement évolué vis-à-vis des opus précédents. Plus exactement, leur réaction est devenue sans nuance. Simon Yam joue un Sam enfermé dans son rôle de policier-camarade, dont l’action se limite à épauler ses jeunes lieutenants ; Maggie Siu est à présent seulement le faire-valoir de Simon Yam dans les tensions qui habitent la police ; Lam Suet est l’ombre de son rôle : rétrogradé, et bien qu’il n’ait jamais brillé dans son implication pour son travail, il devient lâche, feignant, et même traître au détour d’une phrase. La psychologie des protagonistes est mal dégrossie, et on regrette toute l’épaisseur qui les habitait auparavant, autant pour leur amitié à toute épreuve que leur rapport ambigu à l’uniforme. Par ailleurs, Comrades in Arms s’éloigne de toute critique sur l’action de la police, pour mieux valoriser leur courage face aux criminels.
En admettant qu’un film ne s’apprécie pas à l’aune des œuvres qui l’entourent, Comrades in Arms pèche tout de même dans son exécution. De l’aveu du réalisateur et des scénaristes, l’idée était de déporter l’action de la PTU sur un terrain militaire, pour rappeler l’imagerie de la guerre. Pour cela, quelques artifices de mise en scène sont utilisés en plus des treillis et de l’environnement forestier, à savoir des gimmicks liés à l’évocation de la guerre, tels que le camion amenant l’armée sur le champ de bataille, ou la lettre d’un proche à lire. Dans le contexte du scénario présent, ces éléments ne collent pas et forcent le trait de l’allusion à la guerre. D’une manière générale, l’extrémité de Hong Kong n’apparaît pas comme un endroit propice pour rappeler une scène de guerre telle qu’on se l’imagine, en tout cas pas dans cette situation de face à face entre quelques policiers et quelques braqueurs : l’intention grandiloquente de Law se heurte à l’étroitesse tant du décor que de la situation qu’il tourne. Cela est d’autant plus vrai que les membres de la PTU croisent des joueurs de paintball en amateur, scène qui rajoute du décalage au décalage.
En 2009, la formule PTU s’est étiolée et ne semble pas avoir inspiré le meilleur à ses scénaristes historiques. En quête d’un négatif du premier film – une nuit en ville versus un après-midi en forêt -, l’écriture tord le propos originel dans tous les sens, retirant toute sa subtilité à l’écriture des personnages. La grande perte dans cet opus réside dans le portrait de la ville de Hong Kong, alors qu’il s’agit de la plus belle réussite de toute la saga. Ni la bordure forestière de Hong Kong ni l’introduction en ville ne donne du corps à ce décor fantastique qu’est la ville au port parfumé.
Bonus du disque 5
Interview de Law Wing-cheong par Frédéric Ambroisine (archive de 2009, 30 min). En trois temps, le réalisateur revient sur le 5e opus de la saga. Il commence par détailler le contexte de production des suites à PTU, 4 téléfilms et 1 version cinéma – Comrades in Arms est la version cinéma. Il explique que le titre « Tactical Unit » est une considération commerciale car les investisseurs étant différents de ceux de PTU premier du nom, il n’était pas possible d’en reprendre l’intitulé. Dans un deuxième temps, il offre son point de vue sur le film et sur le travail des scénaristes. Il déclare que Comrades in Arms est avant tout un récit sur la nature humaine et apporte son point de vue sur l’évolution des personnages, et notamment sur celle de Lam Suet, particulièrement pleutre dans cet opus. Enfin, il explique ce qu’est que travailler avec Johnnie To. Selon Law Wing-cheong, Johnnie To est un partenaire précieux, car s’il apprécie le projet sur le papier, le réalisateur et son équipe n’ont pas besoin de se démener à trouver des investisseurs : il s’en occupera.
Interview de Vincent Sze par Frédéric Ambroisine (archive de 2009, 18 min). Vincent Sze, qui interprète un membre de l’équipe de Simon Yam dans le film, évoque son souhait à l’époque de jouer dans un film Milkyway Image. Le jeune acteur apprécie en effet énormément Johnnie To en tant que spectateur et regrette même de ne pas l’avoir vu sur le plateau. Il explique comment se déroule un tournage Milkyway, c’est-à-dire sans script et embauché une semaine avant le début du tournage. Il conte la gentillesse légendaire de Simon Yam et la qualité du sujet, qui montre les membres de la PTU en forêt à traquer les malfrats clandestins, c’est-à-dire à rebours complet du premier film. Il termine par ses souvenirs du film Vengeance de Johnnie To, sur lequel il a pu enfin rencontrer le fameux réalisateur/producteur hongkongais.
Interview des scénaristes Yau Na-hoi et Au Kin-yee par Frédéric Ambroisine (archive de 2009, 7 min). Les deux scénaristes de cet opus expliquent leur travail au sein d’une société comme la Milkyway. Ce sont deux collaborateurs de Johnnie To de longue date, qui évoluent sous l’aura de Wai Ka-fai, scénariste et réalisateur très proche collaborateur de To. Leur idée pour Comrades in Arms était de mettre en œuvre une imagerie de guerre dans le quotidien de la Police Tactical Unit. Alors que Yau Na-hoi dirige le scénario pour le cas présent et travaille beaucoup sur les personnages masculins, Au Kin-yee a apporté son point de vue de femme sur les personnages féminins et masculins à la fois. Yau Na-hoi et Au Kin-yee, au même titre que Wai Ka-fai et Law Wing-cheong, font partie des personnalités qui gravitent autour de Johnnie To, et avoir quelques mots de ces personnes rares est chose appréciable.
Making-of (5 min). Le traditionnel module promotionnel effectué pour la sortie cinéma montre quelques séquences de plateau entrecoupées d’entretiens de Law Wing-cheong, Simon Yam et Maggie Siu qui font brièvement le récit de leur travail et de leur personnage de manière consensuelle. Le plus notable défile en une seconde, la catch-phrase de bande-annonce au film : « Les policiers vont toujours de l’avant ! », qui ne va étonnamment pas dans le sens du propos autour des abus policiers, inhérent à la saga et imaginé par To.
Enfin, notons que Comrades in Arms a connu des coupes. Spectrum Films propose les deux versions, l’originale de 1h30 et sa version censurée, amputée de 10 minutes. Le gros de l’intrigue et l’enchaînement des séquences a été conservé.
Maxime Bauer.
Tactical Unit: Comrades in Arms de Law Wing-cheong. Hong Kong. 2009. Disponible dans le coffret PTU intégrale paru chez Spectrum Films le 30/12/2021.