Festival Allers-Retours 2021 – The Reunions de Da Peng

Posté le 5 octobre 2021 par

Projeté au Festival Allers-Retours, The Reunions est le montage en long-métrage du moyen-métrage A Final Reunion que l’acteur et metteur en scène Da Peng a réalisé en 2018. Avec ce nouvel objet filmique, il achève d’entamer une démarche d’auteur.

Un réalisateur de comédies s’engage dans un projet inhabituel en décidant de filmer la façon dont sa grand-mère passerait le Nouvel An lunaire. Au moment de tourner, elle décède soudainement. Le film devant continuer, le metteur en scène poursuit le travail avec son équipe en s’adaptant.

Da Peng, de son vrai nom Dong Chengpeng a fait de sa carrière dans la comédie et les spectacles populaires, un élan qui aboutit à The Reunions, authentique film du cinéma d’auteur chinois, dont la forme, les atours s’engagent dans les pas de grands auteurs du cinéma.

On pressent dès le synopsis de sa première réalisation, Jiang Bing Man, la volonté d’écrire de Da Peng sa propre histoire dans la fiction, puisque le personnage principal de ce film est un acteur qu’il interprète et qui porte son nom. Comme tout acteur très productif, Da Peng a joué dans de nombreux films commerciaux et quelques films art et essai. On le voit ainsi à l’affiche des blockbusters The Thousand Faces of Dunjia de Yuen Woo-ping, Journey to the West: The Demons Strikes Back de Tsui Hark, aussi bien que dans l’audacieux formellement I am Not Madame Bovary de Feng Xiaogang, distribué dans les salles françaises en 2017. Parler de son métier et les obstacles qui se mettent sur la route respectivement de l’acteur et du metteur en scène semble être un objectif qui guide Da Peng dans son parcours créatif.

Avec A Final Reunion, et son remontage en long-métrage The Reunions, Da Peng franchit un pallier supplémentaire dans son intention. Délaissant tout aspect comique, en faisant recours aux membres de sa famille pour jouer leur propre rôle, il entend décrire les difficultés inhérentes au métier de réalisateur de cinéma et écrire la petite histoire de sa famille dans la grande histoire du cinéma chinois. The Reunions est composé de deux chapitres, intitulés A Reunion et A Final Reunion, dans lesquels Da Peng montre deux facettes de la même histoire, l’une fictionnalisée et l’autre documentaire. Cette frontière fine entre fiction et réalité est savamment mise en scène, puisqu’y compris dans la première partie, le jeu des acteurs non professionnels que sont les membres de la famille de Da Peng est allié à celui de l’actrice Lu Liu, qui interprète le rôle de sa cousine, devant prendre soin de son père (l’oncle de Da Peng), frappé de sénilité. La première partie, en outre, bien que fictionnalisée, arbore une forme documentaire avec des témoignages face caméra. Les repères troublés du spectateur provoquent un sentiment de tension, de suspense, qui nous fait nous demander régulièrement où nous sommes, dans quoi nous sommes. La structure narrative touche au mystère, qui se désépaissit peu à peu jusqu’à cette image d’archive finale, preuve de la part de vérité présente dans le film.

En faisant jouer sa famille aux côtés de Lu Liu, Da Peng emboîte le pas de films tels que 24 City de Jia Zhang-ke, long-métrage dans lequel Jia donne la parole à des citoyens, certains étant d’authentiques témoignages, d’autres scénarisés et interprétés par de grandes actrices (Joan Chen et Zhao Tao). Et lorsque survient le drame du décès de sa grand-mère, bien qu’ayant failli abandonner le projet, il marche sur la voie initiée par le cinéaste iranien Abbas Kiarostami dans Close-Up. Close-Up est l’histoire d’un vrai procès dans lequel Kiarostami intervient pour interroger les parties prenantes et les faire rejouer leur cas. La seconde partie de The Reunions, qui décrit le tournage réarrangé suite à la disparition de l’aînée de la famille et du retour de la vraie cousine, est de cet ordre. D’un drame qui a entamé son moral et aurait dû saboter son tournage, Da Peng en extrait une épaisseur supplémentaire, un essai sur l’imprévu et une œuvre à la complexité diégétique remarquable. Il n’y a certes pas encore la force cinématographique de 24 City ou Close-Up dans The Reunions, mais il a y une proposition de cinéma réelle et sincère, presque plus complexe que ses modèles.

Maxime Bauer.

The Reunions de Da Peng. Chine. 2020. Projeté au Festival Allers-Retours 2021.

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