Kabaneri ot the Iron Fortress, réalisé par Araki Tetsuro (Death Note) est originalement une série de 12 épisodes, diffusée en 2016. Après 12 épisodes acclamés, la série a eu droit à deux longs-métrages condensant son propos, en 2016 et 2017. Le troisième film Kabaneri of the Iron Fortress: The Battle of Unato, disponible sur Netflix, approfondit son univers.
Kabaneri est une série très respectée chez les otakus, eu égard notamment à la qualité de son animation et à son inspiration évidente, la célébrée L’Attaque des titans dont elle partage parfois le réalisateur. Bien qu’une deuxième saison se fasse toujours attendre, un résumé en deux films était sorti en 2016 et 2017 : Light That Gathers et Life That Burns. C’est le film du 10 mai 2019, Kabaneri of the Iron Fortress: The Battle of Unato, divisé en 3 épisodes, dont il est question ici.
Le triptyque de Wit Studio n’est donc pas un stand alone mais bel et bien d’une suite de la série animée qui se déroule dans une autre station, un an et demi après la chute du Kongoukaku. Ikoma et les réfugiés de la Forteresse de fer poursuivent leur combat à Unato, où ils rejoignent l’alliance pour libérer la région des hordes de Kabane.
Le scénario d’Okouchi Ichiro est particulièrement riche et complexe. A plus forte raison si vous découvrez l’univers d’Unato sans avoir jamais posé les yeux sur la série et les deux longs-métrages précédents. Il nous paraît alors évident de vous munir de la page Wikipédia de la franchise si vous souhaitez vous y retrouver dans cette exposition ultra rapide. Un perte de repères comparable à une découverte d’OAV d’Evangelion sans connaître la série ou repérer les protagonistes de Games of Thrones en commençant par la saison 2… Ainsi, qu’il s’agisse de l’origine de la pandémie, des nombreux personnages propres à la série ou aux films, des lieux aux évolutions technologiques (comme les armes biologiques ou à vapeur) : le Lore est particulièrement fourni et savamment écrit ; sans même évoquer romans, mangas ou jeux vidéo.
Dans l’exposition du premier épisode, nous assistons de prime abord à l’arrivée du Koutetsujou (train à vapeur à l’esthétique steampunk) dans une Unato ravagée. Lieudit central de l’intrigue et particulièrement soignée dans ses peintures, l’on y découvre les vestiges, la station ou le château. Combattant les Kabane (sorte de zombies enragés et quasi immortels dont le seul point faible se situe dans leur cage thoracique, c’est pratique), Ikoma, mécanicien œuvrant à la station d’Aragane, a la ferme intention de lutter pour survivre. Il remarque par ailleurs immédiatement une nouveauté dans le comportements des monstres : des attaques particulièrement concentrées. Comme si leur trajectoire n’était plus dictée par la soif de régénérescence mais comme orchestrée…
C’est donc le parcours initiatique d’humains essayant tant bien que mal de survivre face à la menace grandissante des Kabane que la série tente de narrer. Rien de bien neuf sous le soleil, il faut le concéder, notamment au regard de centaines d’œuvres traitant d’un monde dystopique peuplé de morts-vivants/infectés/zombies. Particularité ici, ces derniers possèdent un cœur en acier et dévorent tout(s) ce(ux) qu’ils croisent. A l’instar de Pacific Rim du formidable conteur Guillermo del Toro : d’immenses forteresses baptisées stations sont ici reliées par des trains blindés tout droit sortis de la bande dessinée Transperceneige, les Hayajiro. Ikoma (l’adonis sorti de Final Fantasy) est donc mis en quarantaine après une violente manifestation de sa nature de Kabaneri. Notre héros dévoile alors rapidement sa nature d’hybride et les pouvoirs qui y sont associés. Mumei, l’autre personnage important du récit (formidable en VF et mention spéciale au doublage français en général, inattaquable) ; l’énigmatique jeune fille aux motivations floues est une protagoniste de premier plan salutaire pour l’aération du récit et sa caution respiration par la comédie. Mumei rejoint donc une équipe chargée d’inspecter un éventuel repère de Kabane…
Lorgnant du côté du génial Steamboy, Snowpiercer, Métropolis voire même 30 jours de nuits et sa notion de sacrifice par l’infection, en pleine révolution industrielle : l’humanité est in fine menacée par l’émergence de ces créatures extrêmement rapides et dangereuses. Mumei en devient alors au fil du récit, en même temps que la mue de cette civilisation qui doit se réinventer pour survivre, une parfaite némésis à l’évolution particulièrement touchante. Difficile d’en dévoiler plus sans gâcher le plaisir de la découverte de ces 3 épisodes de 25 et 31 minutes ; à voir si possible après visionnage des 12 épisodes de la série. Qu’il s’agisse de l’esthétique steampunk générale (horloges, cadrans, mécanismes à vapeur, jauges et autres boulons de l’ère Révolution industrielle) ou des plans larges magnifiés par le dessin de Mikimoto Haruhiko ; que l’on évoque le score souvent juste d’EGOIST ou l’écriture complexe mais jamais confuse d’Okouchi Ichiro, Kabaneri of the Iron Fortress: The Battle of Unato possède de réelles qualités et bon nombre de raisons de se réjouir du soin apporté à sa réalisation ou à certaines de ses thématiques. On songe par exemple aux « sacs de suicide » de la série, révérence au harakiri traditionnel particulièrement éprouvant.
Toutefois, évidemment, tout n’est pas incontestable dans ce troisième long métrage. L’animation, par exemple, est souvent inégale et moins soignée que la série éponyme. A la manière d’un Dragon Ball Super (en moins catastrophique évidemment), notamment pour les visages ou la colorisation de début de métrage, l’on est parfois interloqué par certains celluloïds. Une vraie déception tant certains traits tremblants jurent avec des scènes transpirant le soin. Qu’il concerne la délicatesse dédiée aux détails, au contraste ou à la grandiloquence, le travail de direction artistique échoue, par son irrégularité, à magnifier sa sortie. Dommage car le mariage des techniques d’animation fait souvent mouche comme lors de scènes de pure violence et leurs explosions graphiques ou de réminiscences sublimées par des crayonnés ou l’utilisation d’aquarelles. Le créateur de la série Okouchi Ichiro, ici superviseur, et le character designer Ebara Yasuyuki poursuivant le travail initial de Mikimoto Haruhiko en sont probablement pour quelque chose. Ajoutant à cela une exposition trop rapide abandonnant ainsi les spectateurs manquant d’un minimum d’érudition sur l’univers de la série, une concentration totale devient alors impérative sous peine de s’imaginer naufragé sur une île déserte. Dernier grief et non des moindres…. Une nouvelle fois, le mixage audio est trop brouillon alors qu’il exige une implication totale. C’est presque le cas ici avec une musique beaucoup trop exposée pour susciter une autre émotion que l’agacement. Dommage car les partitions sont souvent variées et très joliment orchestrées.
Partageant un réalisateur ayant mis en scène quelques épisodes de L’Attaque des titans à qui elle est souvent comparée, cette séquelle scindée en 3 parties de la série éponyme de 2016 n’est donc ni exempte de défauts ni condamnable. Si ce n’est une baisse de l’exigence apportée à sa réalisation globale (mixage sonore et dessins en tête) et son manque de clarté quand à l’exposition des enjeux scénaristique, ce second film de l’univers Kabaneri ne donne finalement que ce dont on attendait de lui. Mettre l’eau à la bouche pour patienter jusqu’à la réception d’une seconde saison très attendue. Cette fois toutefois, il faudra progresser en terme d’excellence si la série veut devenir un classique.
Jonathan Deladerrière
Kabaneri of the Iron Fortress : The Battle of Unato d’Araki Tetsuro. Japon. 2019. Disponible sur Netflix