Replongeons-nous dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien avec sa toute première œuvre, Cute Girl, sorti sur les écrans taïwanais en 1980 et disponible en version restaurée dans le coffret de Carlotta Films dédié à ses œuvres de jeunesse.
Un jeune homme aperçoit dans Taipei une voiture de sport jaune pétante, conduite par une jeune femme. Leur regard se croise intensément, ça ne va pas plus loin. Lui est géographe, elle est héritière et doit se plier à un mariage arrangé. Comme un pied-de-nez à ses parents avec qui elle n’est pas d’accord, elle se rend à la campagne chez sa tante qu’elle adore pour se ressourcer. Elle y retrouve le jeune homme venu faire des mesures. Dans ce Taïwan en chemin de modernité, leur douce histoire est accompagnée de chants joyeux.
Fer de lance de la nouvelle vague taïwanaise avec Edward Yang, Hou Hsiao-hsien considère sa carrière d’auteur vraiment débutée avec le sketch qu’il a réalisé pour The Sandwich-Man et Les Garçons de Fengkuei, quelques années après Cute Girl. Le début de la filmographie de Hou Hsiao-hsien a cependant été beaucoup commenté et a intéressé de nombreux spécialistes du cinéma. Dans cette comédie chantante emmenée avec les deux stars de la chanson Kenny Bee et Feng Fei-fei, on observe autant l’inclination du réalisateur pour ce type de film très prisé commercialement à l’époque dans les pays chinois, autant que les prémices de sa « vraie » œuvre, son goût pour la campagne et les plans longs. L’importance de l’arbre autour duquel se retrouve les amoureux est d’ailleurs un gimmick typique d’un certain cinéma contemplatif, comme on peut le retrouver chez un auteur tel que Abbas Kiarostami.
Du reste, Cute Girl est un récit feel good qui nous plonge dans une atmosphère dénuée de toute mauvaise intention. Bien que quelques films de genre avaient commencé à bousculer les conventions du politiquement correct dans le Taïwan sous loi martiale, le premier travail de Hou Hsiao-hsien comme metteur en scène répond aux exigences de son époque, notamment celle de montrer une société fantasmée et dans le bonheur du quotidien. Ceci n’est pas un manquement à un quelconque devoir de cinéaste, d’autant plus que Hou Hsiao-hsien est arrivé dans le cinéma presque par hasard. Cute Girl est le reflet des velléités de son époque, mâtiné de personnages charmants et ponctué de gags d’une certaine finesse. Hou Hsiao-hsien, de par son expérience de scénariste, faite montre d’ailleurs d’une totale maîtrise de son film dans son ensemble, tant dans le montage que la narration, si bien que l’on ressent déjà, dans son inconscient, une aspiration plus grande, comme si le contexte de production de Cute Girl était trop simple pour lui. En témoigne les plans composés à la foi de manière poétique et rigoureuse.
La composition des plans assez sophistiquée, les couleurs pastel, les gags feutrés sont autant de qualité pour un tel film. Cute Girl est une jolie comédie romantique qui ne manque pas d’humour et de charme.
Bonus
Préface de Jean-Michel Frodon (5 minutes). Jean-Michel Frodon connaît parfaitement l’œuvre de Hou et resitue l’œuvre dans son contexte, tout comme il énonce tout ce qui fait déjà le sel et l’œuvre du cinéma du réalisateur.
Essai sur Cute Girl (15 minutes). Un montage avec analyse du film, qui prolonge l’argumentaire de Jean-Michel Frodon et n’oublie pas n’énoncer le plus important : les premières œuvres commerciales de Hou Hsiao-hsien ne sont pas honteuses.
Maxime Bauer.
Cute Girl de Hou Hsiao-hsien. Taïwan. 1980. Disponible dans le coffret « Hou Hsiao-hsien : 6 œuvres de jeunesse » paru chez Carlotta Films en 2017.