Manga no Densetsu (Jeu de rôle)

Posté le 9 novembre 2011 par

Pour sa première incursion dans l’univers du jeu de rôle, East Asia a décidé de parler de Manga no Densetsu. Il permet d’incarner un personnage de manga, apparaissant, sans raison connue, dans le monde réel. Par Yannik Vanesse.

Jeux de rôle : mode d’emploi

Avant de détailler ce Manga no Densetsu, il convient de prendre quelques instants pour expliquer ce qu’est le jeu de rôle. Ce loisir permet d’incarner des personnages créés de toute pièce. Comme dans la comedia dell’arte, l’acteur ne possède aucun texte et est libre d’improviser ses actions, la différence étant qu’il les décrit à haute voix au lieu de les mimer sur une scène. Et, quand il veut accomplir une action un tant soit peu complexe, comme combattre, escalader un mur ou autre, il fait appel aux dés. En effet, un personnage, s’il prend vie dans l’imaginaire du joueur, est tout autant créé sur une feuille de papier, des chiffres représentant ses compétences et ses capacités. L’une des personnes présentes, appelée le Maitre de jeu, connait le monde et le système de règles, et a la charge de l’histoire. C’est lui qui pose le contexte, incarne tous les personnages que vont rencontrer les avatars des joueurs, et sait ce qui va se passer. Il est tout autant le dieu omniscient que l’arbitre qui tranche quand une situation est tendue. C’est un rôle compliqué, mais qui devient terriblement gratifiant quand il voit ses joueurs vibrer, frissonner ou être choqués, bref, vivre la scène qu’il vient de mettre en scène.

Un jeu de rôle se présente en général sous la forme d’un ou deux livres (parfois adjoint de figurines pour les jeux vraiment simulationnistes). A ceci s’ajoute un traditionnel écran, derrière lequel se cache le maitre de jeu pour faire ses jets de dés secrets et prendre des notes et, souvent, un certain nombre de suppléments développant les règles ou l’univers.

Manga no Densetsu

Manga no Densetsu propose une ambiance on ne peut plus originale, ce qui, il faut bien le reconnaître, devient difficile. En effet, le point de départ de cet univers est le 22 décembre 2012. Cette date est très connue puisqu’il s’agit du moment où est censé arriver l’Apocalypse. Dans Manga no Densetsu, elle prend la forme non d’une comète s’écrasant sur notre planète ou de la destruction de notre soleil (voire de la montée des océans), mais d’un éclair blanc aveuglant… Passé la stupeur, les habitants de la Terre pensent que rien de particulier n’est survenu. Ceci est une grossière erreur, puisque, partout en Asie, apparaissent dans notre réalité des personnages de bande dessinées asiatique (le fait ne s’arrête en effet pas aux seuls manga). Cependant, il est aisé de considérer cela comme une Apocalypse car, si certains personnages sont on ne peut plus gentils et vont tout faire pour défendre la Terre, d’autres sont le mal incarné.

A cela s’ajoutent des créatures diverses, dinosaures, monstres marins et toute fantaisie qu’il est possible de découvrir dans un manga. Cela cause de sacrés soucis aux gouvernements et aux populations – Tokyo devient ainsi rapidement une zone dévastée ! Les joueurs de Manga no Densetsu vont incarner ces personnages, surnommés kakujin (un néologisme signifiant hommes dessinés), et, s’ils apparaissent tous en Asie, quelque temps plus tard, un nouvel éclair les disperse à travers le monde. Il est ainsi possible de jouer dans n’importe quelle ville ou pays comme, par exemple, dans sa ville de résidence.L’univers est donc aussi attrayant qu’original pour quiconque apprécie les personnages de manga. Pour le décrire, les auteurs ont opté pour deux ouvrages, un guide du joueur et un pour le maitre. Si ce type de format n’est pas toujours justifié et fait du jeu de rôle un produit onéreux, il est tout à fait indiqué ici. Les auteurs ayant voulu permettre d’incarner tout type de personnages de bande dessinées asiatique, il fallait en effet beaucoup de place pour détailler les classes et les pouvoirs disponibles. On peut tout autant incarner un pur combattant, type Ken le survivant ou un chevalier du zodiaque, qu’un dresseur de pokemon ou qu’un personnage issu de Lucile, amour et rock and roll. Sans parler des extra-terrestres, conducteurs de mecha, ou tout ce à quoi pourrait rêver le joueur. A ce titre, la création de personnages allie ainsi classicisme et originalité, avec un traditionnel nombre de points à répartir.

Cependant, on peut choisir de laisser une part de hasard plus ou moins grande dans l’obtention de chaque pouvoir. Plus un pouvoir est choisi avec précision, plus cela coutera cher. On reste dans l’originalité avec la fiche de personnage, puisqu’elle se plie en deux, révélant ainsi aux autres joueurs certaines information relatives à son apparence et dissimulant toutes les caractéristiques proprement dites. Et il faudra bien sur que le joueur invente l’histoire du manga dont il est issu (car rien ne l’empêche de créer de toute pièce un support papier pour son personnage). Le Guide des joueurs (le tome 0) est donc une mine d’information que les personnes incarnant les kakujins seront heureux d’avoir près d’eux pendant la partie, et qui permet d’incarner des personnages vraiment très différents. L’ouvrage contient aussi quelques personnages pré-tirés pour qui désire commencer rapidement une partie.

Et le tome 1, Le Guide du maitre, détaille le background et les règles. Il contient aussi une campagne de huit scénarios, ainsi qu’un neuvième n’ayant aucun lien avec la dites campagne. Parlons immédiatement de ce qui gène, en soulignant les coquilles, répétitions, et autres tournures de phrases un peu douteuses. Cela ne gâche nullement la lecture, mais c’est un peu dommage. D’autant que les livres, plein d’illustrations d’ambiance très jolies, et de petits textes en BD représentant les auteurs travaillant et testant le jeu, rendent la lecture plaisante et amusante. De même, quand est expliqué la chronologie, les auteurs font parfois référence à des évènements n’étant pas encore expliqués, ce qui oblige plusieurs allers-retours. Il manque aussi un index, qui permettrait au maitre de jeu de facilement se repérer dans l’ouvrage en pleine partie. Par contre, les auteurs ont pensé à un lexique des termes asiatiques ou manga, ainsi qu’à une chronologie succincte bien utile.

Cependant, l’univers n’étant pas trop complexe, il n’y a pas de difficulté insurmontable et le maitre de jeu saura s’y retrouver aisément avec un peu de préparation et de prise de note. Surtout que, sorti de ces détails, le jeu est passionnant. Le concept, bien barré, pouvait laisser craindre (ou espérer, c’est selon) un univers trop fourrre-tout, mais il n’en est rien, le monde de Manga no Densetsu étant très cohérent. Il y a une chronologie précise des évènements, certaines choses sont expliquées mais pas toutes, histoire de laisser au meneur la possibilité de s’approprier l’univers et de fournir ses propres explications. De plus, il est expliqué, pays par pays, comment les gouvernements appréhendent le problème, et donc quelles vont être les difficultés des joueurs à ces endroits précis. Il y a un peu de caricatures, mais cela fait partie du charme de l’univers, qui sera développé dans des suppléments ultérieurs. Le livre fourmille aussi de petits encarts donnant des idées de scénario au maitre de jeu, ce qui est toujours agréable.

Le but n’étant pas de faire du simulationisme, ou d’incarner des personnages torturés emplis de psychoses et de névroses, le système de jeu se veut simple et efficace. On utilise deux dés à six faces. Avec un des dés, il faut faire en dessous de la caractéristique concernée, et l’autre symbolise le degré de réussite. A cela s’ajoute quelques points de règles et exceptions, mais le but est vraiment d’être fluide et de ne pas se compliquer la tâche. Le maitre de jeu a aussi à sa disposition un système de création d’humain normaux de manière à pouvoir faire apparaitre ses pnjs, et un bestiaire. Certaines créatures y sont détaillées (dont le cerisier, ce qui laisse songeur) et un système est prévu pour que le maitre puisse donner des caractéristique aux créations les plus farfelues de son esprit.

Les êtres vivants ne sont pas les seules choses à avoir pris corps dans notre monde. Il y a aussi les plops, qui sont le nom donné aux capsules venant de Dragon Ball, et les objets manga, ces derniers étant en fait des artefacts. La partie concernant les objets manga manque hélas de détails. Il est possible d’en posséder un à la création, sa puissance dépendant de son cout, mais il manque un exemple concret pour chaque cout du dit objet manga. Cependant, ce n’est pas un obstacle insurmontable et un maitre de jeu un peu débrouillard saura imaginer le cout de chaque objet (ou l’interdire à la création, ne les autorisant qu’en récompense à la fin d’un scénario particulièrement corsé).

Et le livre s’achève sur neuf scénarios. Si le dernier, sans lien avec les autres, est assez classique (bien que proposant un concept osé, puisqu’il est prévu de le jouer avec deux groupes de joueurs différents), la campagne de huit scénarios mérite que l’on s’intéresse à elle. Huit scénarios, ce n’est pas rien, et cela occupera une table de jeu de rôle pendant un certain nombre de soirées. Mais surtout, cette campagne, baptisée L’éveil, fait pleinement vivre aux joueurs de Manga no Densetsu le background imaginé par leurs auteurs. En effet, la campagne débute avec le réveil des personnages dans un Tokyo dévasté, et va leur faire explorer le monde pour comprendre ce qui se passe, vivant les grandes lignes de ce qui est décrit dans le tome 1. Il est ainsi inutile de passer une soirée à expliquer aux joueurs l’univers dans lequel ils vont évoluer, puisqu’ils vont le découvrir en même temps que leurs personnages. Mais en plus, ils se sentiront bigrement impliqués, puisqu’ils vont être des acteurs prépondérants dans le monde de Manga no Densetsu. Si la campagne est surtout orientée action, elle possède quelques phases d’enquêtes, qu’il conviendra cependant de développer. D’ailleurs, si les scénarios sont bien détaillés et sont jouables aussi bien par des mj débutants qu’expérimentés, il conviendra d’en développer certains aspects pour vraiment les transcender.

Pour finir, il convient de préciser que les auteurs ont déjà des idées de développement futur et, si tout ça n’est pas écrit dans le marbre, leur enthousiasme et les idées qu’ils veulent développer font plaisir et donnent envie de s’investir dans cet univers. Le premier supplément sera ainsi fort logiquement l’écran, agrémenté de scénarios et d’aides de jeu, comme il est traditionnellement le cas. Et, à voir les illustrations qui parsèment les deux ouvrages de base, il y a fort à parier que l’écran sera fort joli. Les livres qui suivront développeront la chronologie et permettront même de voyager dans d’autres mondes. De surcroit, les auteurs veulent permettre aux joueurs d’incarner les otakus, qui servent de guides aux kakujins. Voilà qui promet des campagnes très différentes d’un maitre à l’autre.

Les auteurs responsables de cet excellent jeu de rôle au ton décalé sont Sébastien Lecointe et Elise Lemai, qui se cachent derrière le pseudo Eillea Ticemon. Auparavant, ils nous avaient offert le délirant Donjon Louforcs. Ce jeu de rôle parodiait le monde de l’heroic fantasy en permettant à ses joueurs d’incarner de la chair à pâté pour héros, des monstres stupides et originaux se faisant castagner par les héros en maraude. Les deux jeux sont paru chez les Ludopathes, une maison d’édition aimant l’originalité. Nous leur devons ainsi Anoë, un monde d’héroic fantasy tendant vers le steampunk, ou encore Oikoumene, qui explore la Grèce antique, un univers rarement exploité en jeu de rôle. Ils se sont aussi occupés de Shade, se passant dans une ambiance très renaissance italienne, et permettant d’incarner des personnages très particuliers. Avec Manga no Densetsu, ils ajoutent une nouvelle pierre à un édifice passionnant qui mérite vraiment d’être découvert.

Manga no Densetsu est un jeu de rôle passionnant, qui permettra de longues parties dans des ambiances les plus diverses. Il allie originalité, humour et simplicité et, pour peu que les joueurs aiment les mangas, ils adoreront incarner ce genre de personnage. De plus, ce jeu s’adresse aussi bien aux maitre de jeu débutant que confirmé, et permet des groupes de joueurs de tout âge.

Yannik Vanesse.

Manga no Densetsu, jeu de rôle de Eillea Ticemon, édité par les Ludopathes.

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Un commentaire pour “Manga no Densetsu (Jeu de rôle)”

  1. Donc c’est plus ludique que narratif ou simulationniste ?
    une des rares sorties jdr qui ne me donne pas du tout envie.

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