9è édition du Festival du Cinéma Chinois en France – BILAN

Posté le 22 juin 2019 par

Comédie, thriller, film d’art martiaux, film historique, film de guerre… Le Festival du Cinéma Chinois en France (FCCF) a fait montre, cette année, de diversité dans sa sélection, mais qu’en est-il de la qualité des films ?

La 9ème édition du FCCF s’est ouverte 3 juin 2019. Lors de la conférence de presse à l’Hôtel Meurice quelques heures avant la cérémonie d’ouverture, Zhai Jun, ambassadeur de Chine en France, et Yan Zhenquan, directeur du centre culturel de Chine à Paris, ont réaffirmé la volonté de proposer une sélection de films choisis selon trois axes : le film sélectionné doit arborer des valeurs positives, avoir été un succès au box-office chinois, et convenir au public français. À cette occasion, l’invitée d’honneur chinoise, Chen Shu, nous a accordé une entrevue, et là, tout comme le long de la soirée d’ouverture, l’actrice a manifesté le souhait de pouvoir présenter le prochain film dans lequel elle joue, l’année prochaine au FCCF. Il s’agit du film intitulé Hunt Down de Jun Lee, réalisateur de Tik Tok, et dont la sortie est prévue en août en Chine. Chen Shu a en effet à cette heure une carrière principalement télévisuelle, bien qu’on l’ait aperçue dans The Founding of a Republic, The Second Woman et Seul sur Mars.

Nous avons pu voir les sept long-métrages de la sélection lors de la première semaine de festival au Gaumont Champs-Elysées. Tous datent de 2018. En voici quelques mots :

Project Gutenberg de Felix Chong

Un homme enfermé pour trafic de fausse monnaie est auditionné par la police hongkongaise dans le but d’arrêter « Le Peintre », son ancien partenaire et boss, qu’on accuse de différents meurtres et vols et qui menace sa vie.

Film d’ouverture de la 9ème édition, Project Gutenberg met en scène deux vedettes du star-system hongkongais : Aaron Kwok et Chow Yun-fat. Tous deux se révèlent impériaux dans ce thriller qui rappelle les meilleurs films de genre tels que Hong Kong a pu en engendrer. Le film fonctionne sur le mode du suspense et du retournement de situation, ponctué de scènes d’action sanglantes. C’est un véritable plaisir de voir Chow Yun-fat, la figure emblématique du heroic bloodshed*, en exécuter encore en cette fin des années 2010.

* film hongkongais basé sur l’honneur, la rédemption, et surtout la violence des scènes d’action, genre popularisé par John Woo

Kill Mobile de Yu Miao

Lors d’une soirée de réunion, quatre anciens amis de la fac et leurs conjoints décident de révéler à tous le contenu de leur smartphone lorsque celui-ci sonne. Ont-ils des secrets qui risquent de compromettre leur relation ?

Le pitch de ce film est en soi intéressant, mais le traitement cinématographique qui en est fait est un vrai problème. Il s’agit d’une comédie vaguement mélodramatique où le rire prend rarement, et où les personnages se révèlent plus épais sur leurs défauts, ce qui les rend particulièrement agaçants.

Ala Changso de Sonthar Gyal

Une femme atteinte d’une maladie incurable décide d’entreprendre un pèlerinage le long du Tibet.

Quel dommage ! Dans une veine contemplative et avec de magnifique décors, le film avait tout pour nous couper le souffle. Mais les décors sont rarement cadrés de manière à ce que nous puissions en apprécier pleinement leur beauté. Quant à l’intrigue, elle fonctionne par acte manqué : tel personnage veut parvenir à quelque chose, souvent une action symbolique ou spirituelle, et n’y parvient finalement pas. Ala Changso est le film frustrant de ce FCCF.

Shadow de Zhang Yimou

Dans la Chine des Trois Royaumes, la doublure du gouverneur amoindri de l’état de Pei est chargé de reprendre une province, contre le gré du seigneur. Pour cela, le gouverneur et sa femme mettent au point une technique martiale capable de vaincre le seigneur ennemi.

Indéniablement le meilleur film de cette sélection et un chef-d’œuvre tout court, Shadow fait la somme des qualités des films commerciaux et des films d’auteur de Zhang Yimou. Il nous rappelle que ce dernier est un véritable peintre au cinéma. Pour plus de détails sur le film, nous lui avons consacré une critique.

Operation Red Sea de Dante Lam

Dans un état du Golfe, des révolutionnaires tentent d’effectuer un coup d’état. La marine chinoise est chargée de venir au secours d’expatriés chinois, pris en otage. Des terroristes essaient de les en empêcher avec la menace d’une super-arme radiologique…

À l’instar d’Operation Mekong, il y a du patriotisme dans Operation Red Sea. Mais il y en a aussi dans des films américains acclamés. Alors que reste-t-il au-delà de ça ? Un film d’action boosté, des duels de snipers particulièrement bien rythmés, et des personnages qui essaient d’atteindre un but au devant de grands dangers. Operation Red Sea est un film d’action réussi, haletant, mis en scène par un réalisateur chevronné qui a eu accès à un budget conséquent.

The Photographer de Zhang Wei

De 1978 à 2018, la vie d’une famille de photographes en Chine, qui assiste au développement économique spectaculaire de son pays.

The Photographer est une petite surprise. Le film a un grain proche celui du drama asiatique, très soap opera donc. Pourtant, son sujet vaut qu’on lui laisse une chance : balayer la vie de photographes d’origine modeste, qui vont parvenir à s’enrichir de génération en génération, avec un focus sur chaque étape de leur évolution, est signifiant. Le film en lui-même est une photographie nette de la Chine moderne.

How Long Will I Love U? de Su Lun

Un homme en 1999 et une femme en 2018 voient leur appartement fusionner dans l’espace et le temps. Lorsque lui ouvre la porte, les deux peuvent se balader en 1999 et inversement. Lui, d’origine modeste, rêve de devenir le roi de l’immobilier ; elle, d’origine bourgeoise, a tout perdu et veut se marier avec quelqu’un de riche. La vie va-t-elle les réunir ?

How Long Will I Love U? est la comédie romantique du festival. Malheureusement, elle s’avère de piètre qualité : bien que le pitch soit amusant, l’intrigue s’embourbe dans de drôles de situations et ne parvient à rien produire, si ce n’est un peu consternation face à un scénario qui part dans tous les sens et ne mène finalement nulle part.

Bilan

Que dire de cette cuvée du FCCF ? Les trois axes cités ci-dessus pour la sélection peuvent sembler problématiques. Proposer des films taillés pour le public français est honorable (ce qui nous permet d’avoir des films comme Ala Changso, même si celui-ci se révèle moyen). Choisir des films uniquement positifs pourrait sembler censeur, mais clairement, cette idée n’est pas complètement respectée lorsque l’on voit des films apocalyptiques comme Project Gutenberg. Ce n’est donc pas non plus un élément particulièrement impactant sur la qualité des métrages du festival. Mais se limiter à des films à succès peut risquer de voir des films oubliables et oublier d’excellentes œuvres. Comme tous les cinémas du monde (à commencer par le cinéma français), le cinéma chinois a son lot de chefs-d’œuvre qui n’ont pas obtenu le succès escompté et de grosses productions destinées à faire des entrées sans se soucier de leur portée cinématographique.

Fort heureusement, la sélection de cette année évite plutôt cet écueil. Quelques films ont de réelles vertus cinématographiques (Shadow, Ala Changso, même l’action survitaminée de Operation Red Sea est cinématographique). D’autres, comme The Photographer ou même le mauvais Kill Mobile, sont très emblématiques des caractéristiques sociales, politiques, technologiques (la téléphonie mobile pour les deux œuvres), économiques de la Chine contemporaine. How Long Will I Love U? est plus timide sur cet aspect mais n’en comporte pas moins ses curseurs : en proposant une vue sur 1999 et 2018, en montrant la volonté d’ascension de l’un et la chute d’une famille riche de l’autre, le film a un pied dans le passé récent et le futur et présente les risques sociaux engendrés par l’ascension économique. La richesse nouvelle, les origines modestes, le militarisme, le rapport à l’art antique, aux ethnies sont autant de thématiques importantes pour la Chine, balayées en seulement sept films. C’est peut-être l’un des seuls points faibles de cette édition : seulement sept long-métrages, ce qui est assez peu.

Maxime Bauer.