C’est sous une météo épouvantable que nous achevons cette première journée de festival. Au programme : quatre films, un semblant de repas, des chaussures trempées et un texte écrit à 2h du matin !
Hier a été lancée la nouvelle édition du festival d’animation d’Annecy. Pour ce premier jour, East Asia a vu les choses en grand (peut-être un poil trop…?).
L’Asie a occupé une vaste partie de ma journée avec les projections de Ride Your Wave de Yuasa Masaaki ainsi que Modest Heroes, la nouvelle production du studio Ponoc.
10h30 : la grande salle de Bonlieu croule sous les avions en papier avant le lancement de Ride Your Wave réalisé par Yuasa Masaaki qui, malheureusement, n’est pas présent. Il faut dire que le réalisateur japonais ne chôme pas depuis 2014 : 4 séries animées et 3 longs-métrages ont été réalisés depuis cette date, dont Ride Your Wave, présenté à Annecy.
Hinako, une fille passionnée de surf, déménage dans une ville balnéaire. Lors d’un incendie, elle est sauvée par un pompier nommé Minato. De cet incident va naître une incroyable fusion entre deux êtres aux éléments contraires. Mais Minato meurt en surfant seul. Alors que tout le monde tente de surmonter sa peine, Hinako s’accroche à l’esprit de son ami, qui rejaillit dans sa vie sous forme d’eau.
Il m’aura fallu la journée pour réfléchir à ce film, qui m’a quelque peu déstabilisée. En effet, avec ce film, Yuasa a visiblement visé un public plus large que celui qui pouvait aimer Mind Game ou Tatami Galaxy. Soit, pourquoi pas. L’histoire, celle d’un deuil, qui plus est amoureux, est universel et ne peut que bouleverser tout spectateur. Le scénario est travaillé ; chaque personnage a sa place et connaît sa propre évolution. Yuasa évite ainsi de traiter son sujet à la va-vite et de juger les actions de ses protagonistes. Hinako est un personnage attachant et qui se comporte réellement de façon humaine ; c’est également le cas de ses comparses. Le cinéaste avait déjà initié ce revirement avec Lou et l’île aux sirènes, véritable film pour enfants mais tellement barré que les adultes pouvaient s’y retrouver. Si c’est toujours le cas pour Ride Your Wave qui intéressera les adultes, vu le sujet mis en scène, un changement notable est présent : Yuasa diminue peu à peu la présence de scènes déjantées. Il y en a toujours, bien sûr, car cela fait partie de l’ADN du cinéaste. Le dernier quart d’heure du film est un festival de séquences oniriques, extrêmement puissantes et sublimes. Toutefois, cette folie, que l’on aime tant chez lui, disparaît peu à peu pour laisser place à une mélancolie, certes jolie et mignonne, mais dont l’impact est moindre. On se surprend même à s’ennuyer pendant les vingt premières minutes du film, ne comprenant pas où le cinéaste veut en venir. On comprendra par la suite que la mise en place de l’histoire d’amour entre les protagonistes est nécessaire au développement de l’intrigue et à l’implication du spectateur. Est-ce pour autant nécessaire de faire entendre la même chanson de pop japonaise 50 fois durant le film… Pas sûr… Dans Ride Your Wave, Yuasa souffre un peu du même symptôme que Shinkai Makoto avec your name., à savoir une propension à prendre le chemin du mielleux et du kitsch. On n’est pas passé très loin d’un grand film. Il n’en restera « qu’un » très bon film d’animation, mais pas le meilleur dans la carrière du cinéaste.
Après une petite escapade par la Roumanie avec L’Extraordinaire voyage de Marona, qui sera certainement l’un de mes coups de cœur de cette édition, on retourne au Japon, cette fois, avec la séance événement Modest Heroes, nouvelle production du studio Ponoc à qui on doit Mary et la fleur de la sorcière. Pour l’occasion, le PDG du studio, Nishimura Yoshiaki, était présent, en bon promoteur, et était accompagné des trois réalisateurs des segments : Yonebayashi Hiromasa, Momose Yoshiyuki et Yamashita Akihiko. On apprendra lors du Q&A de fin de séance qu’il était prévu, initialement, de laisser Takahata Isao réaliser le 4e segment… Ce dernier aurait certainement relevé le niveau de Modest Heroes. Le film rassemble 3 courts-métrages : Kanini & Kanino, qui suive les aventures sous-marines de deux frères crabes, partis sur les traces de leur père emporté par le courant suite à un fâcheux accident : Life Ain’t Gonna Lose mettant en scène Shun, un jeune garçon de 8 ans, est gravement allergique aux œufs. Si sa mère fait tout pour lui offrir une vie ordinaire malgré tout, le danger s’accentue lorsqu’il est seul… Enfin, le film se termine sur Invisible et un homme qui lutte contre l’invisibilité. Tandis que la vie commence à lui filer entre les doigts, seule une décision courageuse pourrait le sauver.
Je serai assez brève sur ce long-métrage puisque seul un segment présente un intérêt : Invisible de Yamashita. Le court-métrage, drôle et touchant, a le mérite de proposer un graphisme et un chara-design différents et originaux. Au contraire des deux autres courts, Invisible possède de réels ressorts dramatiques qui impliquent le spectateur dans la vie de cet homme, luttant pour avoir une place dans la société et, tout simplement, être vu. Kanino & Kanino et Life Ain’t Gonna Lose sont, visuellement, assez peu réussis et deviennent assez rapidement ridicules dans leurs enjeux dramatiques (Shun va-t-il manger un œuf sans le vouloir ?!). Après la projection de Modest Heroes, on peut naturellement se demander quelle est l’utilité, à l’heure actuelle, de studio Ponoc. A priori, vu le nouveau projet du studio, à savoir, un film pour Tokyo 2020 mettant en scène les valeurs olympiques, on se doute que la créativité n’est pas son objectif premier. A noter que le long-métrage a été projeté dans une version anglaise assez insupportable et ampoulée, alors que le Japon est le pays à l’honneur cette année à Annecy et que tous auraient aimé entendre cette jolie langue qu’est le japonais.
Suite demain avec la légende chinoise du serpent blanc, que le festival a mis en avant à travers deux films : le long-métrage japonais Le Serpent blanc, réalisé en 1958, projeté dans le cadre d’Annecy Classics et White Snake, film chinois en compétition.
Elvire Rémand.