VIDEO – Mary et la Fleur de la sorcière de Yonebayashi Hiromasa : Povero Rosso

Posté le 3 juillet 2018 par

En 2015, le producteur Nishimura Yoshiaki crée le studio d’animation Ponoc, rejoint dans son entreprise par des anciens du studio Ghibli, avec pour ambition de perpétuer l’héritage de maîtres comme Takahata ou Miyazaki. Le premier film du studio, Mary et la Fleur de la sorcière, signé Yonebayashi Hiromasa, est sorti en France en février et est désormais édité en vidéo depuis le 3 juillet !

Figure de proue de ce nouveau projet, le réalisateur Yonebayashi Hiromasa assure la transition avec Mary et la Fleur de la sorcière, premier long-métrage du studio, lui qui avait déjà mis en œuvre Souvenirs de Marnie, le dernier film labellisé Ghibli. Accueilli froidement à l’époque, Souvenirs de Marnie était pourtant l’une des meilleures créations venues de chez Ghibli, outre les films de Takahata et Miyazaki. Un conte mélancolique qui parvenait à nous entraîner dans un univers intrigant, un voyage dans le passé pour retrouver des secrets enfouis depuis longtemps. Yonebayashi comblait les faiblesses déjà aperçues dans son premier long-métrage, Arrietty, le petit monde des chapardeurs, en s’affranchissant par moment du mimétisme qui touche son cinéma pour développer ses propres thématiques, son propre amour des mondes inconnus. Il y avait donc bon espoir de voir en Mary et la Fleur de la sorcière la confirmation d’un renouvellement de « l’esprit Ghibli ».

Difficile de faire plus « Ghibli » que cette histoire de petite fille maladroite, récemment installée chez sa tante, se découvrant, grâce à une fleur spéciale, des pouvoirs insoupçonnés, puis explorant, avec son balai devenu volant et son compagnon félin, un nouveau monde par delà les nuages, cachant une ancienne académie de magie prête à accueillir les jeunes sorcières et sorciers. Les anciens de chez Ghibli n’ont rien perdu de leur talent pour créer un univers foisonnant et féerique, qui fait la part belle aux couleurs, aux formes fantasmagoriques les plus surprenantes, et dont on devine des inspirations culturelles multiples. De l’introduction mystérieuse et percutante à la découverte de l’académie, il y a une fluidité narrative qui nous implique directement dans cet univers, et on a toujours envie d’en voir plus et plus encore, surtout que l’héroïne est véritablement attachante.

Mais une fois passée l’émerveillement de l’instant, on se rend compte qu’il n’y a malheureusement par grand chose derrière. Yonebayashi ne s’attarde jamais sur ses belles créations et préfère suivre un scénario très programmatique qui n’a rien d’original. A force de citer des chefs d’œuvre de Ghibli à tout va, le réalisateur n’arrive pas à insuffler une réelle personnalité à son film et retombe dans ses travers. Mary et la Fleur de la sorcière ressemble au final à un pot-pourri atrophié des moments mémorables des productions Ghibli. Il n’existe pas une scène sans une citation ou une référence à Miyazaki, de Kiki la petite sorcière évidemment, en passant par Le Voyage de Chihiro ou Le Château dans le Ciel. En résulte un film qui ne parvient plus à nous surprendre dans sa seconde partie, déroulant ses péripéties en mode automatique. L’enchantement laisse progressivement place à l’ennui poli en attendant que ça se finisse, malgré la virtuosité des animations et la jolie composition de Muramatsu Takatsugu.

Ce premier film du studio Ponoc est donc une relative déception, qui aurait mérité un traitement bien plus original de son univers pourtant intriguant au départ. Yonebayashi a encore du mal à s’affranchir du studio Ghibli et de ses maîtres, même si par instant, à l’image de son précédent long-métrage, on entrevoit le potentiel du réalisateur pour développer un univers passionnant. Ce n’est malgré tout pas suffisant ici. On attendra patiemment la prochaine création du studio pour savoir si oui ou non Ponoc a un avenir sur le marché de l’animation japonaise.

Nicolas Lemerle.

Mary et la Fleur de la sorcière de Yonebayashi Hiromasa. Japon. 2017. En DVD et Blu-Ray chez Diaphana le 03/07/2018

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