EN SALLES – Godzilla II – Roi des Monstres : Monsters Inc. (en salles le 29/05/2019)

Posté le 1 juin 2019 par

En 2014, Gareth Edward s’attelait à une tâche plutôt ardue : ressusciter de manière respectueuse le kaiju ultime, Godzilla, en essayant de faire oublier l’abomination de Roland Emmerich. Le résultat fut étonnant, aura su se montrer fidèle au matériau original, faisant de Godzilla un titan antédiluvien venu affronter les monstres menaçant sa suprématie. Le succès appelant forcément une suite, elle sort cette année avec Godzilla II – Roi des Monstres, et c’est au tour de Mike Dougherty de se lancer dans cette entreprise de destruction massive, pour un résultat inégal mais sincère.

Les premières photos de production et le teasing de la scène post-générique de Kong avaient mis l’eau à la bouche des fans de kaiju en annonçant que Godzilla, pour son retour, ne serait pas le seul titan sur Terre, et qu’il serait amené à les affronter dans un futur long-métrage. En cela, Godzilla II tient sa promesse. Non seulement il est de retour mais cette fois-ci, Mothra la mite, Rodan le ptérosaure et King Ghidora sont de la partie. Force est de reconnaître qu’à ce niveau, le film tient toutes ses promesses. Vous vouliez du monstre, de la castagne et de la démolition à grande échelle, vous avez frappé à la bonne porte. Mike Dougherty aime ses monstres et met un point d’honneur à les filmer sous toutes les coutures et en rendant hommage de fort belle manière aux kaiju d’antan. Qu’il filme l’éclosion de Mothra ou la naissance destructrice de Rodan, le film touchera les amoureux du film de monstre, et ceux-ci seront comblés de voir que lorsque les bastons commencent, le réalisateur y va franco dans la destruction. Mieux encore, le film respecte la mythologie qui fait de ces titans des dieux vivants mais mis en sourdine par une humanité qui va devoir un jour leur rendre leur Terre, et ces dieux auront besoin d’un roi, et ce pourrait être Godzilla, à moins qu’un autre monstre ne lui vole le trône. Entre parenthèses, les spectateurs qui pestaient sur le faible temps d’apparition de Godzilla dans le film de 2014 ne risquent pas de décolérer, le nombre plus important de kaiju oblige le script à équilibrer leurs apparitions. Mais chaque arrivée du Roi à l’écran fait toujours son effet, qui plus est lorsque le thème du Godzilla de 1954 retentit. On notera que Mike Dougherty, s’il ne réitère pas l’exploit de Gareth Edward dans sa mise en scène, arrive pourtant à composer de belles scènes de destruction et par instant parvient à insuffler de la poésie dans ses plans, notamment lorsqu’apparaît Mothra, titan pacifique qui bénéficie comme Rodan d’un traitement plus léger que leur nemesis King Ghidora, monstre qui déchaîne les enfers à chacune de ses apparitions.

Mais malheureusement, tout ce beau programme cache difficilement les casseroles narratives que se traîne Godzilla II. En cela, il est la copie parfaite de son prédécesseur, qui assurait le grand spectacle mais se montrait paresseux et sans originalité dans l’écriture de ses personnages et son histoire. Ici, on fait la connaissance d’une scientifique (Vera Farmigia) qui élève sa fille (Millie Bobby Brown) après s’être séparée de son mari, traumatisé par la mort de leur autre enfant tué par Godzilla en 2014. Employée par Monarch, l’organisation qui veille sur les titans (et plus particulièrement Godzilla), elle va prendre une décision radicale pour sauver la planète qui court à sa perte, et pour cela, elle va réveiller ce qui aurait dû rester endormi. Une idée pas plus stupide qu’une autre et même bien pessimiste et monstrueuse dans son concept, l’homme est ainsi considéré comme le cancer de la Terre, et qui amène sur le devant de la scène les titans de manière plutôt originale. Mais pas de chance, une idée en or ne remplit pas forcément un script de long-métrage, et entre deux dilemmes moraux, le film va se livrer à du remplissage sans aucune originalité. Tous les clichés sont ici resservis, qu’ils traitent de la famille dysfonctionnelle, des méchants scientifiques (ou militaires) ; c’est du réchauffé dans toutes les séquences.

Autre point noir, il est fait mention plus haut du ton plus sombre adopté par le scénario lors de l’énoncé du plan de la scientifique. C’est un choix osé et intéressant, mais le script n’assumera jamais ce ton sombre, et proposera pas un mais deux comic reliefs. Toutes les dix minutes, c’est une blague moisie ou une remarque pas drôle qui sort. C’est complètement hors-sujet, mais bon il faut bien relâcher la pression. Conséquence irrémédiable : les sacrifices et morts de certains personnages perdent en impact à cause de ces interminable joutes pas drôles. On remarquera d’ailleurs qu’un des climax émotionnels pompe sans vergogne une des séquences clés de Pacific Rim. On notera aussi que le film envoie régulièrement aux orties toute logique et crédibilité lorsqu’il s’agit de faire avancer le récit, et use à intervalles assez réguliers des deus ex machina pour faire triompher ses héros. Le récit retombe tranquillement sur ses pattes dans son dernier quart d’heure avec un plan final magnifique qui augure du meilleur pour la suite, séquelle qui verra Godzilla affronter King Kong, dans un contexte plutôt intéressant et dans la continuité du plan d’un des personnages. Comprenne qui verra et qui aura supporté la déferlante de blagues moisies.

En résumé, Godzilla II est une semi-réussite. Là où il marque de nombreux points avec sa direction artistique et sa volonté de mettre en scène les kaiju (Mike Dougherty aime ses monstres et cela se sent), il en perd beaucoup dans sa volonté de ne jamais aller trop loin dans le nihilisme et la noirceur, en faisant de ses héros des individus en pleine crise familiale, ou des scientifiques peu doués dans leur domaine mais toujours au taquet pour sortir des blagues subtiles comme Godzilla démolissant Tokyo.

Romain Leclercq.

Godzilla II – Roi des Monstres de Mike Dougherty. Etats-Unis. 2019. En salles le 29/05/2019.