En voilà une curiosité. Bille August, réalisateur danois, double Palme d’or au festival de Cannes pour Pelle le conquérant et Les Meilleures intentions en 1988 et 1992, s’embarque dans une production chinoise avec Emile Hirsch et Crystal Liu en têtes d’affiches dans The Lost Soldier.
The Lost Soldier se déroule pendant les représailles américaines suite au bombardement de Pearl Harbor. Après avoir attaqué Tokyo, un soldat américain s’écrase dans la jungle chinoise et est retrouvé par une jeune veuve.
Le cinéma d’August a toujours été traversé par un côté romanesque, s’intéressant à la condition de l’opprimé face à l’oppresseur, des rapports de forces, de survie. De lâcheté aussi. Et il n’apparaît plus si étonnant après vision que le cinéaste se soit interessé à l’histoire vraie de cet homme et cette femme qui se lient, contrariés par la grande histoire.
La fresque romanesque qui s’annonce déçoit d’emblée. Le réalisateur danois a beaucoup de mal à sortir son récit d’un académisme plombant. Que ce soit dans le scénario à la structure tristement usuelle (le récit en flashback) ou dans la mise en scène, qui tente de faire de la belle image en Chine mais qui n’y parvient même pas. Les intentions sont compréhensibles – faire de la ville chinoise une sorte de havre de paix perturbé par l’oppresseur – mais l’exécution tellement maladroite et facile que toute tentative de créer l’émotion tombe à l’eau. Pour maintenir un état d’urgence, le cinéaste use et abuse d’une shaky cam envahissante, surtout dans les moments plus intimistes. Une tentative désolante de « salir » une image décidément toujours bien terne.
L’émotion n’affleure pas dans The Lost Soldier, que ce soit dans l’image donc, mais pas non plus dans le jeu des acteurs. Emile Hirsch n’est pas très impliqué, et Crystal Liu fait de son mieux avec ce qu’on lui donne, apportant tout de même une retenue et une grâce intéressantes. D’ailleurs il aurait été judicieux de gardé le titre original (The Chinese Widow) tant c’est elle qui porte le film sur les épaules. Mais, oui, c’est plus vendeur de parler d’un homme occidental, on comprend.
Tant de platitude lasse. Tant de manichéisme et de facilité également. Le passage aux Etats-Unis n’avait pas bien réussi à Bille August, dont le cinéma avait perdu toute son essence, sa puissance visuelle, sa violence sourde. La Chine continue d’éteindre August qui n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même. Le réalisateur de Pelle le conquérant est aux abonnés absents.
The Lost Soldier synthétise donc 25 ans de la carrière du danois, de son premier film américains (La Maison aux esprits) en passant par Les Misérables ou Goodbye Bafana : le cinéaste n’a plus rien à dire ou à offrir.
Jérémy Coifman.
The Lost Soldier de Bille August. Chine. 2017. En DVD, Blu-Ray et VOD chez M6 Vidéo le 28/11/2018.