La programmation de la saison 2018/2019 de la Cinémathèque française a été communiquée. Et il y aura de beaux cycles asiatiques !
L’automne mettra à l’honneur, entre autres, le réalisateur coréen Lee Chang-dong, à l’occasion de la sortie de son nouveau film Burning. La Cinémathèque reviendra sur son œuvre encore courte mais déjà intense et tout ça, en la présence du cinéaste ! Dès son premier film, Green Fish (1997), Lee Chang-dong, écrivain, semble relire L’Éducation sentimentale, où son héros finit broyé par le monde de la pègre. Cette plongée dans la violence sociale, qui est au cœur de ses films, trouve ses racines dans le passé dictatorial de la Corée, exploré à rebours, comme un souvenir ténu et tenace, dans son second film, Peppermint Candy (2000). Mais cette noirceur et ce désespoir écrasants n’empêchent pas Lee Chang-dong de déployer des films à la force lumineuse où ses personnages (le jeune homme attardé et la jeune fille handicapée dans Oasis, 2002 ; la mère en deuil dans Secret Sunshine, 2007 ; la grand-mère atteinte d’Alzheimer dans Poetry, 2010) transcendent leur éprouvante condition de laissés-pour-compte.
Nous en avions déjà parlé mais un rappel est toujours utile : à l’occasion de « Japonismes 2018 », la Cinémathèque présentera un panorama du cinéma japonais, en trois parties. D’abord, des années 1920 aux années 1940. Retour en une trentaine de films sur une période particulièrement féconde durant laquelle de grands cinéastes, connus ou à découvrir (Mizoguchi, Ozu, Gosho, Shimizu et d’autres), ont su mêler l’avant-gardisme à l’invention d’une grande forme classique. Pour découvrir comment l’une des plus grandes cinématographies du monde est née. Puis, une histoire insolite du cinéma japonais des années 1950 à nos jours avec plus d’une trentaine de titres rares, inattendus, inconnus de l’immense production nippone (du cinéma de studio aux productions indépendantes). Enfin, le dernier volet d’une histoire du cinéma japonais se concentrera sur une quinzaine de films récents comprenant des avant-premières, réalisés aussi bien par de grands noms du cinéma japonais que par de jeunes réalisateurs.
Au printemps, un cycle autour de Naruse Mikio sera organisé. Il fait ses classes au studio Shoshiku où il rentre comme accessoiriste en 1920 avant de suivre toutes les étapes menant à la réalisation. Il réalise une série de comédies inspirées par le cinéma américain. Embauché en 1934 par le studio PCL qui deviendra la Toho, il y fera l’essentiel de sa carrière. Son cinéma, après 1950, devient intimiste, contemporain, attaché à la peinture de chroniques familiales, souvent adaptées d’œuvres littéraires comme Le Grondement de la montagne ou La Mère et d’histoires d’amour sans issue marquées par une douce amertume (Nuages flottants). Si la déception fut le sujet principal du cinéma d’Ozu, le désenchantement sera celui de l’œuvre de Naruse. Son style est simple, dénué d’effets et pourtant particulièrement tranchant. Il fut le peintre de délicats portraits de femmes confrontées à l’adversité, celle d’un monde masculin velléitaire et indécis.
Enfin, les spectateurs pourront découvrir le cinéma marginal taïwanais. Du cinéma taïwanais, on connaît surtout les réalisateurs de la Nouvelle Vague, ceux qui opérèrent une rupture avec le cinéma des années 1970 sclérosé par la propagande, la romance et le ressassement du temps d’une Chine perdue. Pourtant à y regarder de plus près, on s’aperçoit que le cinéma à Taiwan a toujours joué avec le pouvoir autoritaire qui tentait d’imposer une norme viases studios nationaux. Dès les années 1960, un cinéma marginal voit le jour, revendiquant la langue taïwanaise contre le mandarin officiel, une esthétique foutraque, une transgression permanente, des héroïnes de choc contre l’imposition d’un modèle « chinois » machiste et rigide dans ses représentations. Juste avant la naissance de la Nouvelle Vague, ce cinéma marginal connaît ses derniers feux avec ce que l’on a appelé les « Taiwan Black Movies », sanglants films de violence sociale (on ne compte plus les « rape and revenge »), reflets d’une dictature à bout de souffle, au bord de l’effondrement. Un programme d’une quinzaine de films.
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Elvire Rémand.