FFCP 2023 – Séances de courts-métrages du « Focus Animation »

Posté le 2 décembre 2023 par

Cette année, dans le cadre d’une programmation « focus sur l’animation coréenne d’aujourd’hui et de demain », le Festival du Film Coréen à Paris a collaboré avec la Korea Creative Content Agency et Aniseed, pour présenter 3 programmes de courts-métrages : en plus de la maintenant traditionnelle Shortcut Kids, visant les enfants à partir de 3 ans, a été proposé Young, wild and free, célébrant la créativité de jeunes artistes et un programme sur les femmes cinéastes.

YOUNG, WILD AND FREE

Ce premier programme avait pour objectif de mettre en avant la liberté permise aux réalisateurs par l’animation,  et à travers une sélection dense et riche, de mettre en avant la grande variété de ton et d’expérimentation permise par les courts de jeunes animateurs. Ok Seyoung, plasticienne et réalisatrice expérimentale, ainsi que Lee Yun-ji et Park Jae-beom (le duo derrière le très beau Krisha et le maître de la forêt, également présenté au festival), réalisateurs spécialisés dans la stop-motion étaient présents pour présenter leur travail.

The Isle of Trashes de Choi Yeoleum – 2021 – 18min

Un joli conte écologique en stop-motion sur le devenir des objets, qui joue sur les matières et les textures, à travers une série de tableaux. On a parfois l’impression de voir une succession de courts différents, puisque l’intrigue est un peu flottante et les péripéties esthétiquement très différentes, mais l’ensemble prend, par le charme de l’animation et de l’humour souvent noir qui s’en dégage.

Samsara de Joo Hyun-joon – 2019 – 6min

Un enfant rêve que son figuier donne des fruits, prétexte à des jeu d’accumulations et de transformations visuelles. C’est beau, mais la fin est assez abrupte.

Overlapping Universe de Ok Seyoung – 2022 – 4min – animation

Un film d’art à la limite de l’expérimental, avec l’animation d’objets ordinaires pris dans des plaques d’acrylique, avec une fin plus ludique que la forme en apparence abstraite ne la laisserait prévoir (la réalisatrice, présente à la séance, a clairement revendiqué la dimension humoristique de son œuvre en même temps que son travail de plasticienne).

Chewing de Park Yena – 2021 – 6min

Un délice de foi dans les capacités propres du dessin animé avec un jeu sur les déformations dans un monde où le dialogue se mêle au chewing-gum, dans un triomphe de l’élasticité permise par l’animation.

Hair That You Love! de Lee Sanghwa – 2022 – 4min

Un enfant décide de se couper les cheveux pour ressembler à l’idole de celle qu’il aime. Un dessin animé résolument stylisé qui permet de façon charmante de rendre compte du regard de l’enfant sur le monde et ses péripéties.

Corner of the Room de Lee Yun-ji et Park Jae-beom– 2021 – 7min

Les aventures quotidienne d’une souris (littéralement) de province trentenaire pendant le confinement à Séoul. Une réécriture en stop-motion de la vie quotidienne d’une personne seule pendant la pandémie. C’est très joli et assez drôle, avec un beau travail des matières et un personnage attachant, même si l’intrigue n’est évidemment pas très surprenante.

Experience! Life Scene de Noh Yukyung – 2022 – 5min

Une jolie méditation sur la vie et la mort sous formes d’animaux aux traits enfantins qui joue sur la naïveté du dessin pour aborder des sujets plus graves.

My Dream, My Fart de Lee Hyeon-kyeong – 2020 – 5min

Un court étrange mais étrangement plaisant à regarder sur la liberté apportée par le pouvoir des flatulences. La stylisation du film permet de transcender son étrange concept par le plaisir du jeu sur les formes et les couleurs.

Amen a Man de Kim Kyeongbae – 2022 – 13min

Un vieil homme est accusé d’avoir tué un oiseau et se retrouve perdu dans les méandres de sa mémoire, du regret et de la culpabilité, dans un récit onirique et effrayant. Une très belle maîtrise technique permet au film de capter le spectateur malgré les allers-retours dans une temporalité incertaine qui mélange le souvenir au fantasme cauchemardesque, comme une version expressionniste de Kafka.

FEMMES CINÉASTES

Le deuxième programme visait à mettre en valeur l’importance de la présence des femmes dans le monde du court-métrage d’animation coréen, beaucoup de réalisatrices proposant des premières œuvres remarquées mais se retrouvant confrontées à de vraies difficultés au moment de passer au long. Jo Yeseul et Chung Hui-bin étaient présentes pour revenir sur ces questions en fin de séance.

Oolang Oolang de Jo Yeseul – 2021 – 16min

Une jeune fille excessivement timide qui vomit quand elle doit s’exprimer en public se retrouve obligée de participer à l’élection des représentants des élèves de son lycée, sous la pression de l’élève le plus populaire de tous, qui cache un terrible secret. Le film est très ludique, en jouant sur les stéréotypes et les hyperboles. La réalisatrice a fait le choix d’une représentation très stylisée, presque naïve, qui lui permet d’exorciser les anxiétés sociales par la fantaisie et le mauvais esprit, avec même, à un moment donné, l’intrusion du collage et d’objets tridimensionnels réels au milieu des formes simplifiées du court.

Minseo and her Grandpa de Chung Hui-bin – 2020 – 8min

La réalisatrice du très réussi Donna on the Island, présenté dans la sélection Strangecuts l’an dernier, propose ici un court plus intimiste sur une jeune fille qui reçoit des objets ayant appartenu à son grand-père, dont elle a plutôt un mauvais souvenir. Le film joue sur la thématique de la recomposition des souvenirs, confrontant les analepses, racontant les aventures d’une petite fille très turbulente et de son grand père patient jusqu’à l’extrême, et le temps présent et ce qui reste de ce souvenir. Le trait, qui rappelle les illustrations pour enfants, est au service de la tendresse manifeste de la réalisatrice pour ses personnages.

The Armpit Hair Girl de Jeong Da-hee et Kwon Young-seo – 2017 – 7min

Une jeune nageuse connaît un jour une brusque et inattendue croissance des poils de ses aisselles. Le court-métrage joue sur le thème balisé de l’acceptation de soi, confronté aux problèmes de l’adolescence, mais de façon décalée, avec des poils dotés d’une volonté propre qui refusent d’être coupés, dans un refus du réalisme et une célébration de la liberté du corps qui s’épanouit par l’émancipation face aux normes sociales.

Nalsum de Jeon Soeun – 2022 – 5min

Un enfant, vivant dans un monde dystopique où tous portent un scaphandre, enlève le sien et se retrouve confronté à un monde de plus en plus hostile. Le court-métrage est graphiquement impressionnant, avec une animation riche et détaillée, et un vrai sens de la mise en scène de l’anxiété, mais la fin est abrupte, comme s’il s’agissait plus de la note d’intention d’un long-métrage que d’un film autonome.

The Playground de Rhee Grace Nayoon – 2021 – 7min

La rencontre d’une jeune fille et d’un jeune garçon dans une aire de jeu est l’occasion de l’exploration de leur flux de conscience. Le film est assez impressionnant graphiquement, avec un mélange de techniques d’animation pour illustrer la perte des repères de nos personnages.

Carnivorous Bean Sprout de SeO – 2021 – 5min

Un nouveau type de plante carnivore devient un objet de fascination pour le monde entier. Joyeusement horrifique, ce court, qui avait déjà été remarqué à L’Etrange Festival en 2022, propose une variation de La Petite Boutique des Horreurs tout en lorgnant un peu sur l’univers d’Ujicha (Burning Buddha Man, Violence Voyager).

Misery Lovcs Company de Lee Sasha – 2020 – 3min

Un joli clip plein d’humour noir sur les angoisses existentielles d’une lycéenne qui essaie d’imaginer l’avenir, déjà remarqué il y a quelques éditions en compétition Shortcuts. Les personnages aux visages d’animaux et les aplats de couleurs contrastent avec la cruauté des rapports humains. Le fond est gentiment dépressif mais la forme est enchanteresse.

Seungja and Me de Kim A-young – 2020 – 8min

Une histoire de relation mère-filles présentée sous formes de silhouettes stylisées, faussement enfantines, pour évoquer une touchante intrigue sur l’évolution des relations au sein d’une famille, une fois les enfants devenus adultes, du point de vue des femmes.

Cookie Coffe Dosirak de Kang Minji, Kim Hyemi, Lee Kyunghwa, Han Byung-a – 2022 – 13min

Quatre amies quadragénaires parlent de leurs vies lors d’un pique-nique. Le film joue à la fois la carte du réalisme en présentant des situations plausibles, avec le rapport à la chirurgie esthétique, ou l’impression de n’exister qu’en tant que femme de son mari ou mère de ses enfants, mais profite aussi pleinement de la dimension fantaisiste autorisée par le fait que les personnages soient représentés par des animaux anthropomorphes, avec des kangourous qui emmènent leurs enfants au travail ou des vautours qui volent, ce qui permet à la mère de passer faire des reproches à sa fille depuis les cieux.

SHORTCUTS KIDS

The Bridge de Kim Sohyun – 2023 – 6 min

Un golem un peu pataud essaie de se rendre utile aux animaux qui veulent traverser d’une île à l’autre, dans un mignon conte à l’animation 3D stylisée.

Hamsee de Hur Milim – 2023 – 6 min

Les pérégrinations cartoonesques d’un hamster affamé, parfaitement adaptées aux goûts du jeune public visé.

Grow Distance, Getting Space de Kim Myeongjun – 2023 – 6 min

Une rêverie poétique sur une petite fille et ses souvenirs qui s’estompent, peut-être un peu trop abstrait pour une partie du jeune public.

Bottle de Kim Minseo – 2023 – 5 min

Un joli métrage écologiste d’animation 3D sur le devenir d’une bouteille abandonnée.

Hard as Rock de Jin Yehong, Jeong Yejin et Choi Haye – 2023 – 8 min

Un film 3D sur le combat générationnel entre une mère héritière d’une prestigieuse lignée de violoncellistes et sa fille qui ne rêve que de Rock n’ Roll. Mis à part des problèmes de résolution de texture et une identité graphique très standardisée, ce court-métrage dynamique est très bien calibré pour faire plaisir aux petites filles (et garçons) rebelles.

Rally de Noh Myojung – 2022 – 5 min

Un film charmant sur la difficulté de dinosaures à jouer tous ensemble, en raison de leurs particularités physiques propres, avec un très gentil message d’acceptation de la différence, et un graphisme très plaisant.

Battery Mommy de Jeon Seungbae – 2023 – 9 min

Un joli film de stop-motion avec de très belles textures sur la dure vie d’une maman batterie partagée entre sa famille et ses obligations professionnelles dans la crèche dont elle veille au bon fonctionnement. Cette pile anthropomorphe a remporté le prix du public lors de cette séance jeune public.

Dans l’ensemble, ces programmes témoignent d’une vraie vitalité de l’animation coréenne, avec une très riche diversité de formes et de sujets. Malheureusement, aux dires des réalisatrices et du réalisateur présents, la question du financement du passage au premier long d’animation est de plus en plus compliquée et le contexte politique actuel de la Corée risque de limiter de plus en plus à la forme courte les sujets considérés comme trop polémiques comme les revendications féministes.

Florent Dichy.

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