FFCP 2017 – Entretien de Cho Hyun-hoon pour Jane

Posté le 7 novembre 2017 par

A l’occasion de la projection de Jane, son premier film, et de deux de ses courts-métrages au Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), nous avons eu la chance de nous entretenir avec le réalisateur choisi cette année pour la section Portrait, Cho Hyun-hoon.

C’est votre premier film, vous n’êtes donc pas connu des spectateurs occidentaux, pourriez-vous commencer par vous présenter ? 

Bonjour, je suis Cho Hyun-hoon, je suis le réalisateur de Jane, qui est mon premier long métrage. J’ai fait mes études de cinéma à l’université en Corée et le scénario que j’ai écrit pour mon projet de fin d’étude dans cette université a été mûri pendant deux ans avant de devenir la base de Jane.

Jane est donc votre premier film, comment avez-vous réussi à monter ce projet dans le milieu du cinéma sud-coréen, connu pour être assez imperméable aux nouveaux arrivants ? 

J’ai participé à un concours pour avoir une bourse de film d’art. J’avais soumis un projet sur des jeunes fugueurs qui se retrouvent et fondent une famille recomposée. Après avoir gagné la bourse, j’ai transformé ce court-métrage en un long-métrage et j’ai décidé d’y ajouter de l’argent personnel, pour accentuer ce côté film indépendant. Ce n’est pas un film qui a été financé par le système classique du cinéma coréen puisque je suis aussi producteur.

Le film est-il sorti en Corée, et si oui, comment a t-il été reçu ?

C’est un petit film, mais j’ai eu cette chance d’avoir intéressé les deux distributeurs les plus importants du milieu du film d’art et essai. Grâce à eux, j’ai pu toucher un public assez large malgré la taille réduite du projet. J’ai notamment pu rencontrer beaucoup de jeunes intéressés par les films d’art. Il n’a pas fait l’unanimité, mais je sais qu’une partie des spectateurs sont tombés très amoureux de mon film. J’ai d’ailleurs eu des remerciements de la communauté LGBT en Corée.

Vous avez une vision très pessimiste de la société coréenne, surtout par rapport aux jeunes. Qu’est ce qui vous pousse à avoir une telle vision ? 

C’est un avis personnel. Quand on fait un film, je pars du principe que l’auteur doit mettre une partie de soi pour faire un bon film. J’ai beaucoup de souvenirs malheureux liés à mon enfance et mon adolescence et qui ont encore un impact sur ma vie aujourd’hui. Je suis sûr que c’est le cas de beaucoup de gens. J’ai toujours voulu évoquer ce côté-là, jeune, mais je n’ai jamais été aidé par personne, ni par les adultes ni par la société. Cela me hante et c’est pour ça que ce sujet revient souvent dans mes films. J’arrive ainsi à me projeter dans mes personnages et à les rendre plus réalistes.

En France, on connaît très peu la communauté LGBT coréenne, donc on se demande à la vue de votre film, quel est son statut.

Je peux pas vous donner de réponse exacte sur la place ou le statut de la société LGBT en Corée car je pense que c’est une situation différente pour tout le monde et pour chaque personne. Ce que je voulais montrer dans Jane, ce n’est pas comment le personnage, transgenre de homme à femme, est perçu par les gens, ça ne m’intéresse pas. Je n’aime pas généraliser, chacun a une vie ou un avis différent. C’est hors de question que je mette tous les LGBT coréens dans le même lot. J’ai basé Jane sur mes expériences. Avant, je tenais un petit bar, et dans ce quartier, j’avais beaucoup de fréquentations, d’amis transgenres, je me suis rendu compte que ce sont des gens comme nous, très courageux et avec une joie de vivre immense. Je voulais rendre compte de l’amour que j’ai reçu de ces gens avant tout.

En parlant du personnage de Jane, il disparaît au bout d’une demi-heure de film, ce qui est étrange pour un personnage aussi mis en avant par le titre et l’affiche. Pourquoi ce choix ?

J’ai volontairement choisi le titre Jane, parce que j’ai trouvé qu’il donne un vrai poids au personnage. Il disparaît effectivement assez tôt, mais je voulais que les spectateurs continuent de sentir sa présence pendant tout le film. Finalement, le film c’est l’histoire de So-hyunn, ce sont ses émotions que l’on suit. Je ne peux peut-être pas dire que mon film est une réussite de A à Z, mais sur le personnage de Jane, le fait qu’on sente sa présence tout le film et qu’en la voyant, on se sente rassuré, je pense avoir fait un très bon travail.

D’un point de vue plus formel, Jane est un film très onirique, autant dans la temporalité éclatée que dans la mise en scène flottante. Que vouliez-vous dire par ces choix artistiques ?

Je voulais effectivement donner un aspect hybride, entre la réalité et l’imaginaire. Je voulais cependant séparer ces deux mondes et donner au spectateur le choix entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. ll y a des choses dans mon film qui sont totalement irréalistes, même la présence de Jane paraît iréelle. Visuellement j’ai essayé d’utiliser des couleurs beaucoup plus chaudes dans les séquences plus oniriques et des couleurs froides pour les scènes plus terre à terre.

Nous demandons à chaque réalisateur que nous rencontrons de nous parler d’une scène d’un film qui l’a particulièrement touché, fasciné, marqué et de nous la décrire en nous expliquant pourquoi. Pouvez-vous nous parler de ce qui serait votre moment de cinéma ?

Je ne pense pas qu’un moment de ma vie en particulier m’ait fait basculer dans le cinéma, mais je peux quand même citer deux moments fort. Une fois, j’avais 10 ans et il y avait des soucis chez moi, je suis donc parti et avec le peu d’argent que j’avais, je suis allé au cinéma. C’est quelque chose qui m’avait fait m’échapper de ma réalité du quotidien et ça m’a marqué. Le deuxième exemple, c’est la vision du film de Park Chan-wookSympathy for Mr.Vengeance. Quand j’ai vu ce film, je me suis rendu compte de la force artistique du travail de réalisateur et j’ai réalisé que je voulais faire du cinéma.

Propos recueillis par Elias Campos à Paris le 30/10/2017.

Remerciements : Marion Delmas et Maxime Lauret, ainsi que toute l’équipe du FFCP.

Jane de Cho Hyun-hoon (2017). Projeté lors de la 12e édition du Festival du Film Coréen à Paris.

Plus d’informations ici.