À l’occasion de la sortie en DVD le 15 février de Fantasia, édité par Blaq Out, retour sur la dernière oeuvre du grand Wang Chao, que nous avions pu rencontré au Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul 2015.
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Quelle est l’origine du film Fantasia ?
J’ai écrit le scénario il y a une dizaine d’années. Je n’ai pas eu l’occasion de faire le film à l’époque et j’en ai profité pour faire mon deuxième film, Jour et nuit, à la place. Le scénario de Fantasia a une part autobiographique. Quand j’étais jeune, j’étais ouvrier à l’usine et j’ai été licencié à cause de la crise économique. De plus, je n’avais pas une très bonne santé. Je tombais malade souvent, parfois au point de cracher du sang. J’ai senti que lorsque j’étais malade, c’était un poids vraiment lourd pour la famille. C’est de là que vient l’histoire.
Il y a une dizaine d’années, le système de santé en Chine n’était pas très développé. C’était déjà un problème mais ça l’est encore. Parfois c’est encore plus sérieux. Dans les usines par exemple, à cause du chômage et de la crise économique. La situation ne s’est pas améliorée, au contraire. J’ai pensé qu’il était nécessaire de faire ce film afin de souligner ce point important et que la société trouve une solution.
Dans votre film, la maladie devient un combat familial et un combat pour l’argent. Pourquoi avoir choisi d’aborder le sujet sous cet angle ?
La famille est un sujet qui nous parle. Tout le monde peut se retrouver dans ce genre d’histoire car c’est proche de nous. De plus, c’est un sujet universel, qui peut être compris par tout le monde et pas qu’en Chine. Je voulais aussi parler de quelque chose de plus large que l’assurance maladie uniquement. Et surtout je voulais parler du respect entre les gens en Chine.
Les personnages sont tiraillés entre espoir et désespoir. Finalement vous choisissez de rester optimiste.
Par rapport à mes précédents films, celui-ci est un peu différent car j’ai choisi d’un côté une approche réaliste et de l’autre des scènes plus abstraites. J’ai bien aimé combiner les deux. A la fin par exemple le bateau qui symbolise l’espoir a disparu, mais pourtant il y a toujours de l’espoir. Je voulais traiter le rapport entre l’espoir et le désespoir car dans mes expériences personnelles j’ai vu qu’au cours de la vie on rencontre des difficultés insurmontables. Et pourtant il faut garder espoir et avancer.
Le personnage du père, joué par Xu Zhang, semble porter un véritable poids sur les épaules. Quelles indications lui avez vous donné ?
Avant de commencer à faire le film je vais parler avec tous les acteurs et actrices de l’histoire et de leurs rôles. Pour moi il est important qu’ils gardent une constance tout au long du tournage. Par exemple, dans mes films il y a beaucoup de travellings, il est donc important que les acteurs gardent en eux une certaine philosophie.
La manière dont vous filmez la ville, que ce soit dans une nuage de pollution ou dans des tons plus clairs, semble refléter les états d’âme des personnages. Comment s’est passée la mise en image de ces idées ?
On a choisi de filmer souvent avant le lever du soleil et pendant le coucher du soleil afin que cela colle avec l’atmosphère voulue.
L’un des personnages, un jeune garçon, porte un t-shirt de Permanent Vacation de Jim Jarmusch. Etait-ce une référence volontaire et cela a-t-il eu une influence sur vos travaux ?
(étonné) Non, c’est totalement par hasard.
Vous disiez lors de la présentation du film à Vesoul qu’il ne sortirait probablement pas en Chine. Quels sont les problèmes de censure ? Sur quels points cela a bloqué ?
J’aimerais bien le savoir aussi ! Comme il n’y a pas de règles fixes de censure, cela change selon les périodes. Peut-être que si je soumets mon film à la commission cette année, les règles seront encore plus sévères que l’année dernière. Si c’est une période sensible la censure sera très stricte mais peut-être qu’après il y aura un peu plus de laxisme.
Votre prochain film s’appelle Looking for Rohmer. Quel sera le lien avec le cinéaste français ?
Je voulais lui rendre hommage . C’est un cinéaste pour lequel j’ai beaucoup de respect. J’aime particulièrement Le rayon vert.
Nous demandons à chaque réalisateur que l’on rencontre de nous parler d’une scène d’un film qui l’a marqué ou inspiré.
Quel serait votre moment de cinéma ?
Ce serait Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson, la scène où le personnage pousse la bicyclette. C’est une scène qui me reste en tête.
Propos recueillis par Anel Dragic le dimanche 15 février 2015 au FICA de Vesoul.
Traduction : Chloé Rui Guo
Un grand merci à Cécile Jeune et à toute l’équipe du FICA de Vesoul.
Fantasia de Wang Chao. Chine. 2014. En DVD le 15/02/2016.
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