FICA 2016 – Another Way de Cho Chang-ho

Posté le 6 février 2016 par

Après cinq ans d’absence, le réalisateur de The Peter Pan Formula, Cho Chang-ho revient avec le décevant Another Way.

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Cinq ans, c’est le nombre d’années durant lesquelles il a fallu attendre le retour du réalisateur coréen Cho Chang-ho. Un rythme auquel il nous a pourtant déjà habitué puisqu’en 13 ans de réalisation, le cinéaste ne nous offre ici que son quatrième film. Après Lovers Vanished (2010), Cho Chang-ho reprend un thème qui semble lui tenir à cœur : celui de la mort, en prenant le parti pris que le personnage a conscience du temps qui lui est imparti.

Mais là où le personnage de Lovers Vanished, atteint du VIH, subit cette fatalité, les personnages de son nouveau film Another Way sont acteurs et désireux de cette issue.

Jeong-wan (Seo Yae-Ji), jeune fille occupant un petit travail de chanteuse au sein d’un groupe en vue de promouvoir des magasins, s’occupe seule de sa mère malade délaissée par son mari. Mari qui abuse par ailleurs de sa propre fille. En parallèle nous est présenté Han Su-won (Kim Jae-wook), un policier traumatisé par la mort de sa mère dans son enfance. Mort dont le tient responsable son père hospitalisé. Leurs destins se retrouvent alors liés dès l’ouverture du film, quand les personnages décident, via un chat internet, de se rencontrer tous deux afin de se suicider ensemble.

Cho Chang-ho traite d’un sujet brûlant en Corée du Sud, puisque le pays se trouve être celui comptabilisant le plus grand nombre de suicides au monde, et ce depuis de nombreuses années maintenant. Le ton et la la date fatidique sont donnés dès les premières minutes du film, ne laissant au spectateur qu’une seule et unique question : pourquoi ? S’enchaînent alors à l’écran les morceaux de vie de Jeong-wan et de Han su-won, leur visages fermés et dénués de réelles émotions. Leur choix est fait, et si nous sentons dans le personnage de Jeong-wan une lassitude face à sa vie et aux abus de son père, c’est du côté de Han su-won que la détresse transparaît. Les deux destins que nous nous savons liés par la même décision ne suivent pourtant pas la même trajectoire. Et le dénouement semble dès lors se dessiner.

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Cho Chang-ho prend le parti de traiter les deux personnages et les différents événements avec le même détachement et la même froideur, accentués par les paysages hivernaux de Corée. Aucun effet de mise en scène ne vient dramatiser la scène de viol incestueux de Jeong-wan ou le discours accusateur du père de Han su-won : la caméra reste fixe, et la musique reste en arrière plan, quand elle n’est pas inexistante. Ce manque d’émotions jusqu’ici perçu comme le reflet de l’état d’esprit fataliste des personnages prend une autre dimension lorsque Ha su-won décide de sauver Jeong-wan et de ne pas se suicider. Le désir de vivre retrouvé de Ha su-won n’est nullement retranscrit dans la mise en scène, et il en est de même lorsque le jeune policier tente de faire comprendre à Jeong-wan pourquoi il veut vivre. C’est ici que l’évidence s’impose, le réalisateur ne retranscrit pas l’état d’esprit de ses personnages au travers de sa mise en scène. En réalité le problème est ailleurs : Cho chang-ho montre mais ne s’exprime pas.

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Et c’est là que le bât blesse : si ce parti peut s’avérer au contraire percutant et permettre de mettre en évidence les aspects dramatiques du film, le manque d’implication permanente du réalisateur empêche toute compassion envers ses protagonistes et aux drames qui les entourent. Difficile dans ce cas là de répondre clairement à la question posée au début du film : pourquoi ? Aucun élément du film ne se détachant d’un autre, ce n’est pas un élément en particulier qui pousse les personnages au désir de suicide, mais leur vie dans leur entièreté, sans que cela n’affecte outre mesure ni le réalisateur, ni le spectateur.

Cho chang-ho à trop se détacher de ce qu’il filme, finit par devenir lui aussi simple spectateur et le public, lui, s’éloigne de Another Way sans parvenir à s’y rattacher.

Amandine Vatinet.

Another Way de Cho Chang-ho présenté au FICA 2016.

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