Warriors Of The Rainbow: Seediq Bale avait marqué, voilà quelques années, les spectateurs qui le découvraient lors du Festival asiatique de Deauville. Sorti enfin en DVD depuis le mois de janvier, il était temps de revenir sur cette œuvre des plus intéressante.
Projeté au festival de Deauville, le film, malgré ses qualités, avait laissé un goût de décousu sur les lèvres. Cela n’avait rien d’étonnant, puisque la version projetée ne faisait que 154 minutes, au lieu des 276 minutes des deux parties mises bout à bout. Deux heures disparues, que le DVD édité par M6 Vidéo ne permet pas de découvrir. Il est compréhensible (mais dommage) qu’un festival préfère diffuser une version tronquée, mais bien plus difficile à accepter pour une édition vidéo, qui aurait pu (qui aurait dû) être l’occasion de voir enfin le film tel que son réalisateur l’a conçu. Le cinéphile n’a plus qu’à espérer une éventuelle édition intégrale et se contenter, pour l’instant, de cette version.
Le film reste bien entendu compréhensible mais, à de nombreux moments, les courtes séquences se succédant dans des lieux différents font comprendre qu’il manque des informations, que Wei Te-Sheng voulait approfondir différents points, comme la culture et la vie de tous les jours des habitants de l’île. Et cela se révèle vraiment triste, tant Warriors Of The Rainbow: Seediq Bale est fascinant et possède un propos très international.
En effet, le film débute en 1895, alors que la Chine donne l’île de Taïwan au Japon. Les Aborigènes de l’île ne sont pas ravis de voir des colons japonais venir les civiliser, et tentent bien de résister mais, entre la puissance de frappe des envahisseurs et l’impossibilité des tribus de s’allier, ils ne font pas le poids. L’action se déroule ensuite en 1930, alors que les Aborigènes doivent supporter le joug des Japonais, jusqu’à un prévisible point de rupture qui les pousse à la rébellion totale. Ce conflit n’est pas forcément très connu dans nos contrées (et le découvrir, de même que voir la culture des Aborigènes, est passionnant) mais il y eut tant de conflits de ce type que le spectateur n’est pas dépaysé. Entre les missionnaires européens du temps des colonies, les Amérindiens, massacrés par les Américains, ou encore le film Braveheart, qui possède une construction similaire, le spectateur reste en terrain à peu près connu.
Ce qui surprend, par contre, c’est la sauvagerie des héros, et leur acceptation de leur mort. Ils se rebellent en sachant qu’ils n’ont aucune chance, et savent, dès le départ, qu’ils ne se battent pas pour la victoire, mais pour offrir un sacrifice de sang à leurs ancêtres, et pour gagner les tatouages qui feront d’eux des hommes. Ainsi, ils pourront gagner leur liberté dans la mort. Le spectateur, effaré, assiste ainsi au suicide des femmes et aux meurtres des enfants (leur manière de se sacrifier à leur cause) et des blessés. Il voit aussi un nombre de décapitations assez prodigieux, les Aborigènes « chassant les têtes » pour le fameux sacrifice de sang.
Ainsi, durant les scènes d’action, la brutalité est de mise, et difficile de s’ennuyer. Cependant, Warriors Of The Rainbow: Seediq Bale n’est pas qu’un film de guerre. Il montre la culture des Aborigènes, mais aussi japonaise, tous les policiers japonais n’étant pas des brutes, de même que certains habitants de l’île deviennent enseignant ou policier. Ces points sont sans doute grandement creusés dans la version intégrale, le cut international privilégiant l’action.
Le film n’est pas parfait. Il met en scène la chasse de quelques animaux en images de synthèses, et la maîtrise de la technologie n’est pas magnifique, montrant les bêtes courir en accéléré et saccadé. De même, certains plans, qui cherchent à magnifier le courage des héros, avec un arc-en-ciel leur arrivant dessus, sont un peu exagérés. Mais Warriors Of The Rainbow: Seediq Bale n’en est pas moins une œuvre très intéressante montrant le désir de continuer à vivre selon ses valeurs, d’Aborigènes certes sauvages selon les canons de la société japonaise, mais honnêtes envers leurs valeurs et eux-mêmes, préférant la mort à la soumission.
Le making of en bonus est assez court mais permet de voir quelques images de l’édition intégrale, ainsi que la ténacité et la passion du réalisateur et scénariste. Dommage que tout ne soit pas sous-titré. Les coulisses du tournage montre la réalisation des masques et autres fausses têtes pour les décapitations, mais le documentaire ne dure que quelques très courtes minutes. La partie sur les effets visuels, véritable making of du film les difficultés rencontrées sur le tournage, entre autre à cause de la météo, et se révèle très intéressante.
Yannik Vanesse.
Warriors Of The Rainbow: Seediq Bale, de Wei Te-Sheng, disponible en DVD et blu-ray chez M6 Vidéo depuis le 07 janvier 2015.