Cannes 2015 – Epilogue : Souvenirs et mélancolie

Posté le 30 mai 2015 par

Voilà une semaine que nous avons quitté le soleil cannois pour retrouver la grisaille parisienne, il est donc temps de dresser un petit bilan de cette première expérience sur la Croisette. N’ayant pas vu beaucoup de films pendant le dernier week-end, la faute à l’inévitable coup de fatigue post-festival, je vais d’abord me pencher sur le palmarès, avant de revenir sur mon gros coup de cœur de cette édition 2015.

On peut déjà constater que je me suis planté dans les grandes largeurs sur mes pronostics. J’avais annoncé Mountains May Depart comme favori pour la Palme d’or, il ne figure même pas parmi les primés de la Compétition. L’Asie était pourtant bien représentée, mais très peu de films ont su séduire les différents jurys, et quand ce fut le cas, les films en question m’ont paru décevants. Ainsi, Hou Hsiao Hsien et Kurosawa Kiyoshi ont respectivement gagné le Prix de la mise en scène pour The Assassin, présenté en Compétition, et Vers l’autre rive, qui concourait dans la section Un Certain Regard. Et c’est bien la seule catégorie où ces deux films pouvaient décemment se distinguer. On retiendra aussi un Prix de l’Avenir ex-aequo remis au réalisateur indien Neeraj Ghaywan, pour le sympathique mais oubliable Masaan, et à la cinéaste iranienne Ida Panahandeh, pour son premier long-métrage Nahid, que je n’ai pas eu l’occasion de voir.

the assassin

Outre Jia Zhangke, un autre grand réalisateur asiatique est reparti de Cannes sans le moindre prix. Il s’agit évidemment d’Apichatpong Weerasethakul, complètement snobé par Isabella Rossellini et ses collègues du jury Un Certain Regard. Si on pouvait déjà considérer comme un scandale la non-sélection en Compétition de Cemetery of Splendour, ce manque de reconnaissance reste une énigme totale, surtout quand on se rappelle de la Palme d’or obtenue pour Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. J’espérais aussi un petit quelque chose pour Hirokazu Kore-Eda, notamment un Prix d’interprétation collectif pour les quatre magnifiques actrices de Notre petite sœur, mais il faut croire que la « positive attitude » du cinéaste japonais n’était pas en odeur de sainteté sur la Croisette. Les festivaliers préfèrent sans doute un cinéma moins minimaliste, plus centré sur les conflits et les enjeux psychologiques, à l’image de Dheepan, le vainqueur de la Palme d’or. Le film de Jacques Audiard, déjà controversé, est finalement très représentatif de ce palmarès morose.

notre petite soeur

Mais ne restons pas sur une mauvaise note, et parlons de l’un des meilleurs moments du Festival, mon énorme coup de cœur de l’année 2015 pour l’instant, la nouvelle pépite des studios Pixar et du génial Pete Docter, je parle bien sûr du sublime Vice Versa. Déjà auteur des très bons Monstres et Cie et Là-haut, le réalisateur américain s’est associé avec Ronnie del Carmen pour livrer ce qui est peut-être le meilleur film Pixar à ce jour. Et c’est un véritable tour de force, surtout en passant après des chefs d’œuvre comme Wall-E ou la saga Toy Story (enfin surtout le premier et le troisième volet). Partant d’un concept passionnant qui consiste à pénétrer dans l’univers intérieur d’une jeune adolescente, peuplé de souvenirs, de pensées et d’émotions, Vice-Versa jouit pourtant d’une construction somme toute classique. Après une introduction qui pose les enjeux avec une simplicité remarquable, rappelant la grâce et la puissance des premières minutes de Là-Haut, le film se concentre principalement sur les émois vécus par Riley pendant son passage à l’adolescence, et leur représentation au sein du monde fantastique et inventif crée par Pete Docter. Vice Versa prend alors des allures de grand récit d’aventures, où l’imagination sans bornes du réalisateur éclate aux quatre coins de l’écran. Devant ce maelstrom de couleurs et d’idées visuelles, les rires et les larmes peuvent jaillir à tout moment. On repense forcément à notre propre enfance, notre propre adolescence, et à tous ces souvenirs conservés dans un coin de notre tête. Vice Versa s’adresse au gamin caché en chacun de nous, pour ne pas oublier cette période si importante et fondatrice. Incroyablement drôle et touchant, le dernier né de chez Pixar est une œuvre bouleversante, qui marque durablement l’esprit, et qui remet en perspective la possibilité de revoir, un jour peut-être, le cinéma d’animation en Compétition à Cannes (on se souvient que seul Ghost in the Shell 2 : Innocence de Oshii Mamoru a connu cet honneur en 2004).

affiche-vice-versa-disney

Dans le même ordre d’idées, la nouvelle adaptation du roman de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, réalisée par Mark Osborne, fait lui aussi appel à nos souvenirs d’antan. Si le film est bien moins convaincant que Vice Versa, il donne une nouvelle vision de l’œuvre originale en transformant le conte moderne en belle odyssée sur l’enfance perdue, grâce à une astucieuse mise en abyme et différentes techniques d’animation (l’image de synthèse, le stop-motion…). Une ode au rêve et l’imaginaire que le passage à l’âge adulte ne doit pas occulter.

C’est donc avec des souvenirs plein la tête que s’achève ce Festival. Après une entame difficile, je me suis vite habitué à l’ambiance cannoise, et ce fut un véritable bonheur de pouvoir visionner tous ces films en compagnie de cinéphiles passionnés. J’ai fait, en outre, de belles rencontres, notamment avec les rédacteurs du site Cinématraque présents sur place. Je ressens déjà un certain manque et je n’ai qu’une hâte c’est d’y retourner l’année prochaine, ce qui me donnera l’occasion de faire tout ce que je n’ai pas pu faire cette année. Vivement !

Nicolas Lemerle.

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