Télévision – DES NOUILLES AUX HARICOTS NOIRS de Lee Hae-jun (Arte)

Posté le 7 mars 2015 par

Une fois n’est pas coutume, East Asia se penche sur une diffusion télé. Mais pas n’importe laquelle : sous le titre étrange de « Des Nouilles aux haricots noirs » se cache en fait l’excellent inédit Castaway on The Moon, qui, avec ses 1 millions de curieux en Corée du Sud à sa sortie en 2009 et son pitch improbable intrigue. À découvrir sur Arte en ce moment.

M. Kim est un homme que la vie n’a pas gâté. Sa femme est partie, les dettes le rongent. Il n’a plus la force de continuer. Pour mettre fin à ses jours, il se jette du haut d’un pont, dans la rivière Han. Il ne parviendra pas à ses fins et échouera sur l’île de Bam, située en plein milieu de la ville, sans aucun moyen de s’en échapper.

Miss Kim est une jeune femme malheureuse et meurtrie. Enfermée dans sa chambre depuis trois ans, elle ne veut pas affronter le monde qui l’entoure. Son seul loisir est d’observer le monde avec son appareil photo et son long objectif.  Elle ne parle plus à ses parents que par SMS, et ne communique avec les autres que par internet, en s’inventant une autre vie. Ces deux personnages, que la vie n’a pas gâté, vont toutefois voir leur vie complètement bouleversée.


Lee Hey-jun, avec Castaway On The Moon, pose tout de suite une ambiance complètement iconoclaste et carrément attachante. Il prend le parti d’en rire, tout en gardant pour ses personnages un attachement de tous les instants. Le film est en décalage constant. Entre burlesque total et gags scatos d’un gout plus douteux (mais néanmoins efficace), le film fait mouche. On rit souvent, très fort. Surtout grâce à l’abattage de  Jeong Jae-Yeong, fantastique dans son langage corporel, rappelant les glorieuses heures de Jim Carrey. Le voir gesticuler, faire les gros yeux est irrésistible.  D’un regard, il fait passer foule d’émotions. Un casting imparable.

Le film fait rire, mais pas seulement, et c’est aussi une de ses grandes forces. Le destin des personnages, leur condition sociale, l’île symbole de solitude, tous ces thèmes sont brassés avec beaucoup de sincérité, de tendresse, mais aussi de naïveté. Thème récurrent dans le cinéma coréen, l’incapacité des personnages à se fondre dans la masse, à se sortir du système, est omniprésent. Pourtant, malgré son isolement, M. Kim va y trouver une raison de vivre. N’ayant jamais réussi quoi que ce soit (« même pas capable de me suicider » répète-t-il sans cesse au début du film), il va parvenir à réaliser sur cette île, ce qu’il n’a pas fait durant toute sa vie. Il va retrouver l’espoir. Parfois, c’est aussi simple que de cultiver un champ, ou de se faire des nouilles (!). En revenant à l’état primaire, M. Kim va se libérer de toutes les contraintes de la société, il va faire tomber le masque. Devenu inadapté pour la ville, il se trouve enfin une utilité, sur cette île.

Avec Miss Kim, Lee Hey-Jun s’attaque à un problème de société des plus alarmants les Hikikomori. Phénomène venant du Japon, il touche de nombreux adolescents et adolescentes. Complètement coupés de tout, ils vivent dans leur chambre, parfois pendant des années, sans aucun contact. Déjà présent dans le Shaking Tokyo de Bong Joon-Ho (faisant partie du film Tokyo !), les Hikikomori sont ici décrits de manière tout aussi poétique.  Kim à une routine. Elle est prisonnière de celle-ci, comme tout le monde finalement. Sa rencontre à distance avec M. Kim, lui donnera la force de briser ses chaînes. Peu à peu, elle va s’impliquer dans la vie de l’homme. Par messages interposés (moments très drôles), ils communiquent, en anglais. Il la poussera à sortir de chez elle, changer sa vie, pour le meilleur.  La naïveté est souvent touchante, car ici elle ne s’inscrit pas dans un réalisme forcené. Tout est acidulé, Bigger Than Life. Les situations sont grotesques et les personnages complètement surréalistes. C’est un conte.

Dans cet excès de naïveté ou de sensiblerie (surtout dans son dénouement, assez convenu), le film peut perdre certains spectateurs. Mais ce serait faire la fine bouche, tant le spectacle qui nous est offert se révèle attachant. Castaway On The Moon reste malgré ses défauts un film généreux, drôle et sensible. À noter que les Américains vont encore une fois Remaker (assassiner, je traduis !) le film, avec au commande Marc Waters (Freaky Friday). Ça promet !

Alors fans d’humour complètement barré, rendez-vous le 11 mars à 22h45 pour la rediffusion sur Arte pour voir la version originale !

Jérémy Coifman

Castaway on the Moon de Lee Hae-jun est diffusé sur Arte le 11 Mars à 22h45. À voir en replay jusqu’au 18 mars.

Plus d’informations ici ! 

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