Nombreux sont les trentenaires à avoir grandi avec Les Tortues ninja. D’abord en comic-book, puis adaptée en série animée, l’histoire de ces tortues mutantes pratiquant les arts-martiaux a fait rêver de nombreux adolescents. Alors que se profile à l’horizon le nouveau long-métrage les prenant pour héros (produit par Michael Bay), Metropolitan édite en Blu-ray le premier film de la franchise.
Datant de 1990, Les Tortues ninja ne peut que provoquer un peu d’appréhension. Quel sera le ressenti, face à la vision de ce métrage pour enfants, à présent que l’adulte a pris le relais ? Est-ce que les enfants d’aujourd’hui, qui ont grandi avec d’autres codes, d’autres exigences, sauront apprécier le film ? Tant de questions naissent, alors que les premières images présentent des Etats-Unis diablement ancrés dans les années 80-90. Coiffures, tenues, tout est fait pour positionner le métrage dans son époque, créant un mélange entre kitsch et nostalgie qui n’est pas pour déplaire. Impression confirmées quand apparaissent les créatures (les tortues ninja et leur maître Splinter). Mélangeant, pour les tortues, un homme costumé et un casque animatronique (et n’utilisant que de l’animatronique pour le célèbre rat), les animaux font diablement illusion (bien plus que de nombreuses créatures digitales actuelles), pour un résultat amplement crédible. De leur côté, les décors des égouts sonnent totalement faux (visiblement, ces séquences ont été tournées en studio) mais, au lieu de déranger, ce mélange apporte une sensation de fraîcheur un peu kitsch, et le spectateur n’a plus qu’à se laisser porter par cette histoire évidemment improbable.
Improbable car le film s’intéresse à un rat, ayant appris les arts martiaux en observant son maître japonais. Quand celui-ci s’est fait tuer, Splinter (le rongeur en question) est partis aux Etats-Unis et, dans les égouts, il a rencontré plusieurs tortues, baignant dans un liquide étrange et très vert. En les secourant, il a été contaminé, et la substance les a tous fait grandir et acquérir de l’intelligence. Splinter, servant de père aux tortues, leur a donné un nom et les a entrainés. Cette naissance est relatée lors d’un flash-back un peu étrange, à base d’animatronique amusante, et l’effet se révèle des plus réussi.
C’est donc ainsi que sont nées nos tortues, à la personnalité si bien trempée, amatrices de pizzas et de bastons et, tandis que de terribles voleurs invisibles sévissent en ville, le gang de la savate (il fallait l’oser), les tortues vont intervenir. D’abord dans l’ombre, elles vont secourir la célèbre journaliste April O’Neil, et se lier d’amitié avec un justicier un peu adolescent dans l’âme (joué par Elias Koteas, alors bien jeune). Ce combat va les mener à rencontrer le terrible Shredder, leader du gang de la savate.
Sous ses dehors de film pour enfants, le métrage déploie une intéressante réflexion sur le droit à la différence et la quête d’identité. D’une part, nos héros amateurs de pizzas sont des adolescents, avec les réactions qui vont avec, mais doivent concilier à leurs besoins tout naturels de désir, d’amusement et d’insouciance, la nécessité de rester dissimulés, la crainte du regard des autres, et la droiture morale liée aux arts martiaux. De même, Shredder utilise la faiblesse des jeunes, qui ont du mal à savoir quelle est leur place dans le monde. Tel un chef de guerre créant des enfants-soldats, il leur offre de l’alcool, des cigarettes et des jeux pour acheter leur allégeance. De leur côté, Casey Jones et April O’Neil montreront aux tortues que leurs différences peuvent être acceptées, et que leur grand cœur suffit à faire d’eux des symboles et des défenseurs de la ville.
C’est ainsi une jolie morale, plutôt plaisante, qui se déploie derrière Les Tortues ninja, et qui change de nombre de films pour enfants faisant montre d’un humour scatologique pour concilier l’engouement des enfants. Les tortues ninja, au contraire, préfère cette réflexion sur la différence et la difficulté de l’adolescence, ainsi qu’un message certes un peu niais mais rafraîchissant, sur la philosophie des arts martiaux (pas si éloigné de la vision qu’en fait Keanu Reeves dans Man Of Tai Chi, par exemple).
Bien entendu, le métrage est aussi empli d’humour, les tortues ninja aimant s’amuser, sortant de nombreuses punchlines qui feront sourire (comment résister au Kowabunga lâché dans les dernières minutes ?) et, bien évidemment, de beaucoup d’action. Les combats sont très dynamiques, privilégiant la décontraction et le fun au danger et à la violence.
Ainsi, Les Tortues ninja a particulièrement bien vieilli. Il plaira aux grands comme aux petits, en dévoilant une plaisante intrigue (certes très simple) mais évitant l’ennui. Une redécouverte qui mérite amplement le détour, et que les enfants de notre génération se doivent de découvrir.
C’est avec surprise qu’en bonus, le spectateur découvre le making of des Tortues ninja 2. Les premières minutes reviennent sur le phénomène d’engouement de l’époque pour les tortues ninja. La suite, bien qu’intéressante, n’a que peu de rapport avec Les Tortues ninja, puisqu’il s’agit du making of de sa suite (visiblement beaucoup plus enfantine). L’image du Blu-ray, de son côté, est de toute beauté.
Yannik Vanesse.
Les tortues ninja, de Steve Barron, disponible en Blu-ray chez Metropolitan depuis le 1er octobre 2014.