Projeté en avant-première mondiale au Festival du film asiatique de Deauville, Monsterz de Nakata Hideo a réussi à faire l’unanimité… contre lui. Connu avant tout pour ses films d’épouvante, le réalisateur nippon revient aujourd’hui avec un thriller assez inepte, remake du film sud-coréen Haunters de Lim Min-suk, sorti en 2010.
La vision de Haunters laissait déjà perplexe par l’indigence de son scénario : la confrontation entre deux hommes dotés de pouvoirs surnaturels – on les qualifiera de « mutants » pour plus de commodité. Le premier (sans véritable nom) a le pouvoir de contrôler les gens par l’esprit, un pouvoir inné qui l’a amené dès l’enfance à tuer son père et à se séparer de sa mère pour mener une existence solitaire en vivant de larcins, notamment en contrôlant les gens pour braquer des banques. Le deuxième homme est Tanaka, un humble déménageur qui découvre sur le tard son pouvoir : une résistance et une capacité de guérison hors du commun. Renversé par une voiture, il met seulement trois jours à se rétablir. Autre spécificité qui constitue l’intérêt principal du film : il est le seul humain à ne pas pouvoir être contrôlé mentalement par l’autre « mutant ». S’ensuit donc une lutte à mort entre les deux personnages.
On se disait que Nakata Hideo parviendrait à apporter sa touche personnelle à Haunters et proposer quelque chose de surprenant. Pas du tout ! En plus d’être toujours aussi inepte (et inintéressant), Monsterz est particulièrement indigeste. Nakata a décidé de survitaminer le film en alignant dès le début des scènes d’action (bastons, courses-poursuites interminables) là où Lim Min-suk prenait le temps d’introduire le personnage de Tanaka : un employé de chantier humble et gagne-petit, solitaire et très ami avec ses deux comparses, un Ghanéen et un Turc. Ici, ceux-ci deviennent un geek et un homosexuel extraverti (affublé d’un t-shirt bariolé que porteraient fièrement le chanteur de MGMT et les fluo kids). Nakata ajoute également quelques variations nippones. On apprécie particulièrement la référence au manga Akira, la personne de Tetsuo faisant écho au méchant mutant doté de pouvoirs télékinétiques.
Nakata Hideo alourdit également le film en voulant expliquer l’existence des deux « mutants » et en introduisant une réflexion, malheureusement terriblement superficielle, sur la crise d’identité et (soyons modestes) l’existence humaine. Par l’intermédiaire d’un nouveau personnage (un policier), trop faiblement exploité et donc totalement inutile, Nakata explique la présence des « mutants » sur Terre par une évolution normale de l’homme vers un être supérieur. Il existerait depuis des décennies une confrérie de « mutants » à travers le monde… Les joies de la théorie de l’évolution… Pour contrebalancer cette révélation fracassante, Nakata insuffle au méchant « mutant » un pathos lourdingue dans sa relation avec sa mère et dans sa quête d’exister parmi les autres humains. L’idée d’un film existentialiste s’esquisse vaguement mais reste largement inabouti, coincé entre les scènes d’action. Ajoutons à cela le jeu d’acteur limité de Fujiwara Tatsuya, qui sévit depuis plus années dans les films de Nakata Hideo. La coupe est pleine.
Avec Monsterz, on retrouve donc un Nakata Hideo particulièrement mal inspiré qui livre un film très faible, qui n’arrive jamais à s’affirmer et à passionner, coincé entre le remake de commande et des idées intéressantes jamais véritablement exploitées. Espérons que le cinéaste passe vite à un film plus personnel et plus ambitieux.
Marc L’Helgoualc’h.
Monsterz de Nakata Hideo était présenté au 16ème festival du film asiatique de Deauville 2014.