La Belle et la Bête, le dernier film de Christophe Gans, arrivant sur les écrans, Metropolitan se charge d’éditer en Blu-ray le premier succès du réalisateur, à savoir Crying Freeman.
Si, dès le début de sa carrière cinématographique, le journaliste cinéma Christophe Gans rêvait d’adapter ce manga en film, il dut faire ses preuves, en compagnie de Brian Yuzna, sur le surprenant film à sketches Le Necronomicon, qui adapte l’univers du grand écrivain Lovecraft d’une manière assez artisanale. S’il est difficile de parler de réussite artistique, le segment du futur réalisateur de Silent Hill mérite le détour par son esthétisme et sa réalisation.
C’est suffisant pour que Christophe Gans puisse avoir les fonds – Brian Yuzna étant crédité comme producteur, en compagnie de Samuel Hadida – et que Crying Freeman puisse voir le jour, à une époque où le studio Ghibli n’avait pas encore sorti les animés asiatiques de la niche un peu péjorative où ils se trouvaient aux yeux du grand public.
Mark Dacascos (remplaçant au pied levé Brandon Lee qui était le premier désir du réalisateur) y incarne donc le Freeman, tueur mystique à la solde de la confrérie les Fils du Dragon, en lutte avec les yakuzas qui cherchent à s’implanter en Chine. Si le scénario du film reste assez basique, Mark Dacascos y est brillant (seul Christophe Gans a d’ailleurs su le magnifier de la sorte, comme le confirma plus tard Le Pacte des loups), la réalisation maîtrisée, l’esthétisme fascinant. Les tatouages du Freeman obnubilent l’œil et l’esprit, les scènes d’action, à base de nombreux ralentis, sont d’une beauté à couper le souffle, et cette histoire d’amour sur fond de lutte quasi-mystique enserre l’âme du spectateur.
En effet, bien avant Matrix, bien avant Kill Bill, Christophe Gans livre, avec ce métrage, sa déclaration d’amour au cinéma asiatique. Une secte chinoise, un tueur mystérieux sous hypnose, et des yakuzas, sont ce qui fascinent son auteur, et ce premier film lui permet de livrer deux magnifiques histoires d’amour. Nous avons ainsi l’amour du Freeman pour O’Hara, et l’amour du réalisateur pour le cinéma asiatique, dans lequel il plonge allègrement. Il filme les tatouages des yakuzas avec une sensualité sublime, magnifie les massacres au sabre, se permet des dialogues en mandarin et en japonais, tout cela à une époque où beaucoup de producteurs ne comprenaient pas encore l’intérêt pour ce genre de cinéphilie.
Crying Freeman est un film difficilement oubliable qui n’a perdu ni de son aura, ni de sa beauté, depuis sa sortie, comme le prouve ce Blu-ray, à la qualité technique très belle, sans être exceptionnelle. Christophe Gans a en effet supervisé le retravaillage des images, comme il l’explique en interview. Les images sont superbes, accentuant la recherche esthétique de Christophe Gans, ainsi que les explosions ou les duels au corps à corps. Chaque plan est recherché, étudié, prouvant que le réalisateur se place immédiatement aux côtés des très grands, et livrant ici non-seulement une adaptation fidèle du matériau d’origine, mais aussi un film d’action culturellement passionnant, et sublime sans être jamais ennuyeux.
En bonus, Metropolitan, généreux, nous offre une longue interview récente du réalisateur, qui revient sur les circonstances de la naissance de son film et qui disserte sur l’engouement pour le cinéma de Hong Kong, avec passion et érudition. Ecouter Christophe Gans parler est toujours un plaisir, et cette interview, vraiment passionnante et instructive, ne déroge pas à la règle. Si l’entretien avec Mark Dacascos est un peu trop largement élogieux, cela reste une interview des plus intéressante. Metropolitan a eu la bonne idée de joindre au Blu-ray le premier épisode de l’animé, qui développe grosso-modo les mêmes éléments que le film. C’est l’occasion de redécouvrir un animé qui n’a pas prit une ride, très sanglant et passionnant, et de constater la relecture qu’en a fait Christophe Gans. Un bonus indispensable et passionnant. Pour finir, le Blu-ray nous offre un commentaire audio indispensable de Christophe Gans. Sans langue de bois, le réalisateur nous parle du tournage, du film, de ses choix. Une formidable et passionnante leçon de cinéma et de cinéphilie.
Yannik Vanesse.
Crying Freeman, disponible en Blu-ray chez Metropolitan depuis le 10 février 2014.
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