Edito – Le vent se lève sur 2014

Posté le 4 janvier 2014 par

« Albator était un poète et un frère, ils en ont fait un guerrier sans âme. »
Yann Gonzalez.

Le réalisateur des Rencontre d’après minuit a mis le doigt dans sa critique d’Albator, corsaire de l’espace pour Les Inrockuptibles sur ce qui peine dans le film d’Aramaki Shinji : là où la vision de l’univers de Leiji Matsumoto par  Rintaro  se voyait avec une profonde mélancolie de tous les instants déchirant le cœur, sa nouvelle version se contemple froidement, comme un spectacle pyrotechnique maîtrisé et raisonnable. Même l’enthousiasme que l’on peut ressentir à découvrir le film dans une grande salle parisienne, en japonais, reprenant de manière mature  la légende d’une des idoles de notre jeunesse est comme annihilé par la froideur qui se dégage de l’ensemble. Un réalisme pessimiste a remplacé l’insondable tristesse et l’humanisme que l’on chérissait tant.

Est-ce pour autant un mal ? N’est-ce pas aussi l’évolution logique d’une saga, qui ne déçoit que parce qu’on ne peut pas la juger sous l’aune de la nostalgie ? À l’orée des années 80, Albator nous apprenait à continuer le combat, même si celui-ci semblait perdu, du moment que la cause soit juste et que la liberté prévoit. Aujourd’hui, la situation s’est complexifiée et se battre pour une cause ne suffit pas, d’autant que la justesse de celle-ci est elle même sujete à caution. L’œuvre se fait le reflet du pessimisme et des incertitudes de l’époque, couplée à son besoin rationel d’explications. Le flou poétique qui entourait la chronologie du corsaire dans les années 70 et 80 a également fait place à une série d’explications, rationalisant là aussi la présence d’un personnage d’un siècle à l’autre (lire à ce sujet du besoin de donner des explications scientifiques à la parable poétique notre comparaison de la bande déssinée du Transperceneige et du film SNOWPIERCER).

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Les vieilles icônes ne sont finalement plus si vieilles, car elles n’ont finalement presque plus rien à voir avec ce que l’on savait d’elle. Si Albator, corsaire de l’espace tranche avec le passé et regarde froidement notre époque, il nous tarde de découvrir la dernière œuvre de Miyazaki, Le Vent se lève, qui s’annonce comme le premier film important venant d’Asie à sortir en 2014 sur les écrans français, tant le classicisme de son trait, l’époque traitée regardant le passé du Japon et sa narration à priori linéaire semblent aux antipodes de ce que propose Aramaki Shinji.

La sortie presque côte à côte des deux films aux antipodes l’un de l’autre sur les écrans français permet ainsi de rêver à une multiplication des animes au cinéma dans nos contrées, présentant ceux-ci dans une variété plus importante. Reste à voir d’une part le succès d’Albator permettra la multiplication des sorties attendues, et si la possibilité d’une continuation dans la tradition de Ghibli est réaliste, les deux grands maîtres du studio, Miyazaki et Takahata signant cette année certainement leurs ultimes métrages.

Notre mois de janvier reviendra ainsi longuement sur ces problématiques liées à l’animation japonaise à l’occasion de la sortie du Vent se lève le 22 janvier, mais d’ici-là, un autre film eastasien retiendra notre attention : Old Boy de Spike Lee, dont on interroge la qualité dans notre critique cette semaine, et qui pose également une problématique qui sera au coeur de nombres de nos articles cette année : les remakes américains de films asiatiques dont les annonces ne cessent de se multiplier.

OLDBOY

Une chose est sûre en tout cas, entre les sorties de fin et début d’année du chef-d’œuvre A Touch of Sin, du beau Tel père, tel fils de Kore-eda (que nous avons rencontré ici), d’Albator, Corsaire de l’espace, d’Old Boy et du Vent se lève, nous n’avons pas fini d’interroger l’état du cinéma asiatique en salles et de réfléchir sur celui-ci en 2014 !

Pour bien commencer l’année, nous vous avons d’ailleurs concocté un dossier regroupant nos attentes pour l’année qui arrive, notre manière à nous de vous souhaiter une belle année 2014 (et si ne serait-ce qu’un quart des films cités nous arrivent en salles, elle le sera forcement).

See you, space cowboy,

Victor Lopez.