Si la série Les Mystérieuses Cités d’or est une histoire totalement originale, les auteurs se sont inspirés d’un ouvrage écrit par Scott O’Dell, La Route de l’or, pour créer leur œuvre culte, édité depuis peu chez Kazé.
Le titre original (The King’s Fifth) dénote plus le côté réaliste et historique recherché par l’auteur américain en écrivant ce livre. En effet, le roman et la série télévisée n’ont que peu de ressemblances. On retrouve, dans La Route de l’or, Esteban, Zia et Mendoza, et les Cités d’Or y sont évoquées, mais les ressemblances s’arrêtent là.
The King’s Fifth, en effet, cherche avant tout à dépeindre la folie qui saisira nombre d’explorateurs au fil du temps, et qu’on appelle la fièvre de l’or. Mendoza guide ainsi un petit groupe, dans lequel Esteban est cartographe, et Zia jeune guide indienne, qui trahit ses supérieurs pour partir à la recherche de l’or prétendument dissimulée quelque part dans le Mexique. Mendoza est dur, assoiffé de richesses, et sa folie, contagieuse, ne laissera personne indifférent, surtout pas les pauvres autochtones qui se dresseront sur sa route. Un prêtre marche avec eux, et lui désire convertir les Indiens. S’il ne le fait pas avec violence, et reste sans doute le personnage le plus pur (et le plus faible), avec Zia mais pour d’autres raisons, il permet à Scott O’Dell de déployer son autre thématique, le besoin de l’occidental de plier le monde à ses croyances. Le prêtre est ainsi convaincu que les Indiens vivent dans l’ignorance et ont besoin de lui pour ne plus être considérés comme des sauvages.
La Route de l’or reste un roman jeunesse, agréable à lire, bien écrit, empli de détails réalistes sur le Mexique, mais le ton n’en est pas moins sombre, presque désespéré. Dès le départ, le lecteur sent que la fin ne sera pas un happy end.
Scott O’Dell, qui a écrit de nombreux romans jeunesse et qui aime les fictions historiques (il a même créé un prix les récompensant), déstructure la narration de son récit, pour faire des allers-retours entre deux périodes. Le lecteur découvre ainsi tout d’abord Esteban emprisonné, parce qu’il n’a pas voulu donner le cinquième du roi, part du trésor devant échoir à la couronne et donnant son titre au livre. Nous suivons ainsi son procès et son emprisonnement, sachant très bien qu’il ne pourra pas s’en sortir, ainsi que le journal qu’il écrit pour relater le récit qui l’a conduit dans cette cellule, et qui nous plonge dans son passé récent, et sa recherche des Cités d’Or.
La Route de l’or se lit vite, et plaira aux jeunes lecteurs tout autant qu’aux moins jeunes. Il s’agit d’un roman d’aventure dénué du merveilleux propre à la série, mais qui offre un contexte historique crédible, des personnages très attachants, et des séquences assez bouleversantes. Voir ainsi la fièvre de l’or se saisir du narrateur, sentir l’inéluctable approcher, est propre à tirer des larmes du plus endurci des lecteurs, qui ne pourra manquer d’être bouleversé par Zia ou Esteban. L’évolution des personnages est bien décrite, le Mexique rendu vivant, sans que Scott O’Dell ne soit un narrateur ennuyeux s’épanchant sur trop de détails. De plus, la noirceur du récit l’éloigne de ces tentatives maladroites propres à certains récits jeunesse (dont Disney s’est fait le porte-parole au fil du temps) consistant à gommer toute noirceur, à verser dans la plus pure des happy ends. Il y a du crime et de la vilenie, dans La Route de l’or, et le jeune lecteur pourra y découvrir ce qu’a fait l’occidental en découvrant un nouveau pays. Une leçon d’histoire édifiante et dure, mais aussi une belle histoire d’amour désespérée, et un grand récit d’aventure.
Ainsi, La Route de l’or est une lecture agréable et remplie d’émotions, qui peut-être lue sans même connaître la série télévisée, offrant un joli spectacle. Connaître la série permet cependant de découvrir l’inspiration, certes lointaine mais bien présente, qui a servi de matériau, et offre ainsi un complément idéal et nostalgique.
Yannik Vanesse.
La Route de l’or, de Scott O’Dell, disponible depuis le 20 mars 2013