Marines Are Gone de Lee Man-hee (rétro)

Posté le 23 octobre 2012 par

Marines Are Gone est un des nombreux films de guerre de Lee Man-hee, réalisateur coréen phare des années 1960 et 1970. Le film, qui suit un régiment sud-coréen opposé aux armées nord-coréennes et chinoises en 1950, peut être considéré comme le Full Metal Jacket coréen : on y trouve des scènes de combat brutes de décoffrage, une fête dans un bordel, des séances d’entraînement et surtout la vie quotidienne des soldats dans leur campement. Comme Stanley Kubrick, Lee Man-hee a voulu montrer à quoi ressemble vraiment la guerre, dans toute sa violence inhumaine. Par Marc L’Helgouac’h.

Débarquement à Incheon en septembre 1950. Violence imminente.

Marines Are Gone (Dora-oji anneun haebyeong) commence par une scène de débarquement à Incheon et l’avancée d’un régiment sud-coréen pour reconquérir Séoul, tombée aux mains de l’Armée Populaire du Nord. Séoul fut reprise le 26 septembre 1950. La scène d’ouverture du film est magistrale et ressemble beaucoup à la scène finale de Full Metal Jacket. À l’occasion d’une rétrospective de Lee Man-hee organisée en juin 2010 à la Cinémathèque française, Jean-François Rauger écrivait justement : « la progression des fantassins au milieu des ruines, au début de Marines Are Gone, atteint un sommet de terreur et d’abstraction plastique, que l’on ne retrouvera que dans le Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. L’âpreté, la réflexion sur le courage, la profonde humanité des combattants, ont souvent chez l’auteur de Marines Are Gone des accents fulleriens. Pour accroître l’authenticité de certaines scènes, Lee Man-hee exigeait de réels bombardements ».

Cette scène d’ouverture coup de poing, qui se termine par la découverte horrifiée de dizaines de civils massacrés par l’Armée Populaire du Nord et l’assassinat sans sommation d’une femme enceinte fait place à un moment de détente. Une nouvelle recrue intègre le régiment : Yeong-hui, la jeune fille dont la mère vient d’être abattue par l’armée nord-coréenne. Elle devient vite la mascotte du régiment. Son innocence lui permet de parler sans concessions aux soldats et de leur donner leur dose d’humanité quotidienne.

Ce soldat compte bien se servir de sa mitraillette contre l’ennemi.

Les mois passent et le régiment monte toujours plus au nord. Il est bientôt confronté à une garnison chinoise. En effet, lors de la guerre de Corée, la Chine intervint de manière non officielle en déployant une armée de volontaires. Cette confrontation avec l’armée chinoise sera la dernière séquence du film, tout aussi violente et dramatique que la première. Le choix d’opposer les Sud-Coréens aux Chinois n’est pas anodin. Il permet de dépasser la confrontation entre la Corée du Nord et du Sud, alors très développée dans de nombreux films de guerre anticommunistes. L’ennemi est donc ici étranger. Autre fait étonnant : lors de la scène du bordel, les militaires sont accueillis avec mépris par les hôtesses : le bordel est interdit aux Coréens et réservé aux soldats des Nations Unies ! Lee Man-hee montre ici que, pendant la guerre, ce sont les Coréens qui étaient étrangers dans leur pays.

La progression des fantassins au milieu des ruines atteint un sommet de terreur et d’abstraction plastique.

Dans le livre Le Cinéma coréen, le critique Chong Chaehyong commente : « dans [ce film] apparaît le dépassement des prémices manichéennes [entre le Nord et le Sud] parce que là, les ennemis sont des militaires chinois […] Ce film a pour sujet l’union entre les fusiliers marins, la fierté de l’infanterie de marine et l’amitié entre les hommes, plutôt que le nationalisme politique des autres films consacrés à la guerre civile coréenne. […] Il règne partout dans ce film un sentimentalisme qui n’était pas toléré en général pendant la période de la guerre ». Jean-François Rauger observe : « dans chacun de ses films, Lee Man-hee parvient à complexifier et à transcender la simple commande patriotique. Beaucoup plus qu’une apologie de la guerre, ces films tracent le portrait d’individus broyés par une violence inhumaine ».

Boue et désolation dans le campement de l’armée sud-coréenne.

Marines Are Gone a été le plus grand succès populaire de l’année 1963, avec plus de 200.000 entrées. Lee Man-hee a été récompensé du prix du meilleur réalisateur lors des Grand Bell Awards en 1964. Par la suite, il ne connut jamais un tel succès et ses films furent même boudés dans les années 1970, même si l’œuvre de Lee Man-hee est aujourd’hui considérée comme une des plus importantes du cinéma coréen. De 1961 à 1975 (date de sa mort prématurée), il a réalisé 51 films dont une partie est malheureusement perdue. Il existe une monographie consacrée au réalisateur, traduite en anglais : Korean Film Directors: Lee Man-hee de Mun Gwan-gyu.

Marc L’Helgouac’h.

Verdict :

Marines Are Gone est disponible en DVD dans le coffret Lee Man Hee Collection, qui comprend également Black Hair (1964), A Day Off (Holiday) (1968) et Assassin (1969).

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Un commentaire pour “Marines Are Gone de Lee Man-hee (rétro)”

  1. Vous m’avez convaincu, ce film mérite certainement le détour. Je le rajoute immédiatement sur ma liste. Bonne continuation.

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