FESTIVAL ALLERS-RETOURS 2023 – Journey to the West de Kong Dashan

Posté le 10 février 2023 par

Afin d’inaugurer comme il se doit le lancement de l’édition 2023 du Festival Allers-Retours du cinéma d’auteur chinois, les équipes ont concocté un beau programme cérémoniel au Musée national des arts asiatiques Guimet qui s’est conclu par la projection du Journey to the West de Kong Dashan.

Une observation d’OVNI après l’autre s’avère fausse. Il doit mendier de l’argent pour maintenir à flot son magazine d’exploration spatiale. Il n’y a pas de messages dans le téléviseur. Néanmoins, Tang Zhijun continue de croire aux formes de vie extraterrestre et se dirige vers le sud-ouest montagneux de la Chine pour enquêter après avoir regardé une mystérieuse vidéo en ligne. Il est accompagné d’un ivrogne, d’une fille souffrant d’insomnie et d’un cynique. Pour Tang, le moment de vérité vient lorsqu’ils rencontrent un jeune poète dans un village, qui dit être en contact avec des extraterrestres.

Rares sont les comédies à trouver refuge dans le paysage si particulier du cinéma d’auteur chinois. Depuis des années maintenant, les réalisateurs et réalisatrices du continent s’engagent dans des exercices de style à tendance néoréaliste, souvent portés sur les fractures sociétales, identitaires et mémorielles de l’être au diapason des remous de l’époque contemporaine. Les frontières entre les genres, bien que poreuses, laissent souvent peu de place aux comédies et à l’expression humoristique en général. Journey to the West se détache ainsi radicalement de l’environnement artistique chinois et explore la marginalité au travers d’une ribambelle de personnages tous plus bigarrés les uns que les autres.

Kong Dashan n’est ni le premier, ni le dernier à proposer une relecture du texte matriciel qu’est La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’en. En revanche, aucun autre n’a certainement choisi d’emprunter la direction du mockumentary sur les chasseurs d’OVNI. Tang Zhijun, un excentrique persuadé de la présence extraterrestre quelque part là-haut et dans tout ce qui l’entoure, se lance en quête de réponses lorsqu’il décide de suivre la piste d’une rumeur trouvée en ligne. Immédiatement, la petite équipe de bras cassés, obsédés chacun à leur manière par le paranormal, évoque le cinéma de Shiraishi Koji. L’humour, les archétypes de personnages ou les motifs mystiques se confondent singulièrement (et pour le meilleur) avec sa série des Senritsu Kaiki File Kowasugi!. Kong Dashan joue habilement avec ces références ainsi qu’avec les différents registres comiques, qui fonctionnent tout autant grâce au ridicule des situations qu’au jeu malin des acteurs et qu’au montage sans arrêt surdécoupé pour déstabiliser les attentes du public. Plusieurs basculements dirigent le cours du film et permettent à ce dernier de renouveler radicalement ses atmosphères, aussi bien tenues dans les moments comiques que dans les incursions du côté de l’horreur cosmique (convoquant une fois encore le style protéiforme de Shiraishi).

Mathias Delvaux, chef opérateur pour The Cloud in Her Room de Zheng Lu Xinyuan ou du Vivre et chanter de Johnny Ma, se détache des exercices de style plus expérimentaux mais offre une fabuleuse colorimétrie et de beaux mouvements à ce Journey to the West pourtant intégralement tourné en caméra épaule. L’aventure à laquelle le spectateur est conviée se laisse alors parcourir avec un plaisir coupable à l’encontre des mystères irrésolus, ceux-là même qui animent Tang dans son insatiable quête de vérité.

Richard Guerry.

Journey to the West de Kong Dashan. 2023. Chine. Projeté au Festival Allers-Retours 2023.

Imprimer


Laissez un commentaire


*