Chaque année la Maison des Cultures du Monde ouvre ses portes pour une pléiade d’artistes de tous les domaines dans le cadre du Festival Imaginaire. Le 19 et 20 mai, l’Inde était à l’honneur avec l’une des formes artistiques les plus prisées sur la scène contemporaine. Vidha Lal et six musiciens de musique traditionnelle hindoustanie ont offert au public parisien un voyage vers le monde mythologique et fantasque de l’Inde à travers le kathak et le khyal. Par Alexandra Bobolina.
La première partie, exclusivement instrumentale, a mis en valeur le khyal, forme improvisée de la musique classique indienne. Composé par des ragas (signifiant couleur, passion), ce style est particulièrement expressif et imaginaire. D’une forte charge émotionnelle, il s’est fusionné ensuite avec la danse de Vidha Lal.
Le kathak est une pratique artistique caractéristique pour l’Inde du Nord. À l’origine elle est un moyen, à travers des chants, danses et mimiques, de narrer les kathas, récits mythologiques hindous. Elle se distingue par des mouvements rythmés et ruptures brusques guidés par des sons dynamiques. Les voix et les pas de la danseuse se partagent le rôle de direction de la mise en scène. Parce que, à la différence de beaucoup d’autres danses traditionnelles, ici, l’improvisation est obligée. Tous les indicateurs sont ainsi très accentués, chaque membre de la danseuse étant doté d’une arme expressive pour l’imposer dans l’espace de perception : ses paumes et pieds sont maquillés, les mouvements de ses chevilles sont annoncés par les grelots qui les entourent. Les costumes sont somptueux et soulignent les pirouettes vertigineuses de la danseuse.
Vidha Lal représente l’école de Jaipur. Dans ses chorégraphies, elle introduit la vie moderne et fait le pont entre le folklore indien et le public qui n’est pas toujours muni des connaissances préalables à la compréhension de cet art. Quatre pièces composent son spectacle à Paris. Un hommage à Shiva est l’introduction obligatoire dans le kathak. Une pièce d’expression lyrique raconte l’histoire d’une jeune fille en chagrin, abandonnée par son amant. Alternées avec ces thèmes traditionnels se succèdent des compositions inspirées du mouvement du train, ou de la vie quotidienne dans une ville cosmopolite.
Vidha Lal et les musiciens mènent un dialogue continu qui conduit le récit dans une enveloppe poétique et, le plus souvent, sans mots. C’est la raison pour laquelle la danseuse intervient entre les scènes pour expliquer le code du langage corporel dont elle se sert. Les musiciens se prêtent avec humour et habileté au jeu de la jeune indienne. Vinod Gandharv est un grand interprète du ghazal (poèmes d’amour) qu’il chante et accompagne en harmonium. Ghulam Ali joue de la viole sarangi, un instrument souvent associé à la voie et aux sentiments humains. Pandit Mukesh Sharma l’accompagne à la luth sarod et Gilles Bourquin à la tampura. Les rythmes du tambour pakhawaj et de la tabla sont animés par Ilmas Husain Khan et Arshad Khan, tous deux mondialement connus. Leurs sons sont en relation la plus directe avec les mouvements de Vidha.
Le kathak est une danse traditionnelle qui se prête avec beaucoup de spontanéité aux chorégraphies contemporaines. Ainsi, le public français a eu l’opportunité de voir en 2005 le spectacle Zero Degrees de Akram Khan et Sidi Larbi Cherkaoui, où le kathak décharge sa force expressive dans une forme plus minimaliste.
Vidha Lal et ses musiciens donnent aussi un nouveau souffle à cet art narratif dont les origines reviennent aux nomades poètes de l’Inde Ancienne et transmettent encore leur inspiration.
Alexandra Bobolina.